Ces anciens opposants qui déçoivent au pouvoir.

Par Elzo MVOULA / 15 mar 2021 / 0 commentaire(s)
Alassane Dramane Ouattara ( a droite) alpha kondé (au milieu) et Ibrahim Boubacar Keita (IBK),( a gauche).

En Afrique francophone, le Guinéen Alpha Condé est sans conteste le plus décevant des anciens opposants qui exercent actuellement les fonctions de président de la République. Lui qui a été une figure emblématique de la Feanf (Fédération des étudiants de l’Afrique noire francophone), ce mouvement qui dénonçait le joug français avec des valets africains, et qui a été un farouche défenseur de la démocratie face aux dérives dictatoriales de Sékou Touré et, surtout, du général Lansana Konté, lequel l’a fait embastiller et torturer, ne s’est pas gêné de tripatouiller la Constitution et de marcher sur des cadavres pour s’offrir un troisième mandat.

Comme ceux qu’il combattait naguère, l’ancien « droit-de-l’hommiste » et enseignant à La Sorbonne n’hésite pas à réprimer dans le sang la moindre contestation. Outre les violations massives des droits de l’homme, son règne est marqué, sans surprise, par des malversations et des scandales dans l’attribution des marchés d’exploitation des immenses richesses d’une Guinée qualifiée à ce titre de « scandale géologique ».

Dans la catégorie peu honorable qui nous préoccupe, il convient de faire une place de choix à Ibrahim Boubacar Keita (IBK), déposé en juillet dernier par un groupe de jeunes officiers de l’armée qui n’en pouvaient plus d’une patrimonialisation du pouvoir. IBK a été, aux côtés d’Alpha Oumar Konaré (AOK), un des contempteurs du dictateur militaire Moussa Traoré, jusqu’à sa chute en 1991. Mais, arrivé au pouvoir suprême en 2013, celui qui a été Premier ministre et président de l’Assemblée nationale sous AOK n’a pas brillé par une gouvernance exemplaire.

Il a plutôt mis le Mali au service de ses familles biologique et politique.

Au contraire, au lieu de se mettre au service des Maliens, il a plutôt mis le Mali au service de ses familles biologique et politique. Son fils Karim Keita, au train de vie dispendieux, abonné aux palaces parisiens, était considéré par nombre de ses compatriotes comme le président bis. Le vase malien a fini par déborder quand le Conseil constitutionnel s’est permis de déclarer élus des candidats aux élections législatives battus dans les urnes. Même si la junte militaire lui a épargné la mort physique, le camarade IBK, de tendance socialiste, devra convaincre qu’il n’est pas mort politiquement.

Le président Macky Sall est l’un des Africains bien placés pour faire un récit du dur statut d’opposant, même si au Sénégal, sous Senghor et Diouf, la situation était sans commune mesure avec la Guinée et le Mali, où le Togo d’Etienne Eyadema et le Tchad d’Hissen Habré, entre autres dictatures féroces. Comme son parrain Abdoulaye Wade, le président sénégalais éprouve maintenant des difficultés à mettre en œuvre les principes de bonne gouvernance dont lui et ses coreligionnaires du Parti démocratique sénégalais se faisaient les promoteurs. Macky Sall ne semble plus être un adepte de l’alternance. Il s’agace quand on lui suggère de couper court aux supputations qui lui prêtent l’intention de briguer un troisième mandat. Normal, il a été à bonne école. On ne quitte pas le pouvoir, on le perd, dans les urnes ou manu militari.

Alassane Dramane Ouattara n’a pas un passé d’opposant en tant que tel. Certes, Alassane Dramane Ouattara n’a pas un passé d’opposant en tant que tel, mais du temps où il était mis à l’écart du jeu politique en raison de la loi sur l’ivoirité, il ne cessait d’appeler à la démocratie et à l’alternance en Côte d’Ivoire. Mais quand il s’est agi de quitter le pouvoir en 2020, après deux quinquennats, le président ivoirien a recouru à la botte fétiche de la modification de la Constitution aux fins de remettre les compteurs à zéro et de briguer un nouveau mandat. Même si le pays devait se retrouver de nouveau à feu et à sang, comme il en a été le cas d’ailleurs à la présidentielle d’octobre dernier.

Il est possible de tenir le même discours au sujet du béninois Patrice Talon. Vent debout en 2016 contre Boni Yayi, qu’il accusait de vouloir s’éterniser au pouvoir, il a réussi, par une manipulation de la loi sur les partis politiques et de la loi électorale, à écarter ses adversaires les plus coriaces et ainsi à s’ouvrir un boulevard pour un règne interminable. Lui qui disait, à sa prise de fonctions, n’être venu que pour un mandat à l’effet de restaurer la démocratie mise à mal par Boni Yayi.

On en vient alors à qualifier d’exceptionnel le Nigérien Mahamadou Issoufou. En dépit de la tendance, et probablement des avis contraires de ses pairs qui devaient craindre une jurisprudence, il a refusé de briguer un troisième mandat. C’est donc à raison que la Fondation Mo Ibrahim l’a sacré homme de l’année 2020.

Echaudés, les Africains auront appris à ne plus délivrer un chèque en blanc aux anciens opposants qui accèdent au pouvoir suprême.

 

Elzo Mvoula

Article du 15 mars 2021 - 3:05pm
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