Chienlit dans la République : Où sont les « Hommes » ?
C’est le titre d’un article publié par l’hebdomadaire « La Loupe », dans son numéro 456 (un numéro prémonitoire), du 20 mai 2020. Par cet article, force est de reconnaître que si naguère les cassandres et autres oracles étaient constamment consultés pour prévenir les éventuels dangers dans la société, depuis la période appelée « Siècle des Lumières », opposé à l’obscurantisme, les philosophes et les intellectuels, parmi lesquels les analystes dans la presse tenaient le haut du pavé, les journaux étaient considérés comme des sources à consulter pour se situer dans le présent et prévoir le futur. La rédaction de « La Loupe » avait-elle vu juste en « prophétisant » ce qui se passe actuellement sous nos yeux ? Nous nous faisons le plaisir de publier à nouveau cet article pour que nul n'en ignore la justesse.
Avec des dirigeants notoirement hostiles au bien-être des Gabonais et à la prospérité du Gabon, à la tête de fantoches institutions corrompues, un peuple paupérisé, des autorités religieuses démissionnaires, un affaissement moral de la société, la République gabonaise n’est plus que l’ombre d’elle-même. Face aux turpitudes du régime, aucun homme politique d’envergure n’émerge. Qu’il semble lointain le temps où les membres du PUNGA savaient dire « NON ça suffit » ! Qui peut relever le défi?
Les hommes à poigne ont disparu du paysage politique gabonais. Depuis que les Bongo ont fait goûter à chacun l’argent facile, la luxure, les privilèges induits… la bourse des valeurs humaines s’est grippée, tombant à un niveau de bassesse historique. Par ces temps de médiocrité ambiante et de clientélisme galopant, la chienlit installée dans notre pays aurait dû nécessiter des voix fortes, pour rappeler à l’ordre des dirigeants totalement méprisant du bonheur de chaque Gabonais et portés, plutôt, vers le refus de leur accès à la dignité. Mais il semble qu’aussi bien la jeune génération que les anciens se retrouvent démunis face à la braderie de notre République et au braconnage du Gabon. Dans la majorité agglutinée autour d’Ali Bongo, on a opté pour le silence complice ; du côté de l’opposition, un attentisme calculé et des postures d’ego embusqué disent bien l’impuissance du personnel politique.
N’y a-t-il plus d’hommes? Jean Hilaire Aubame, René Paul Sousatte ou Jean-Jacques Boucavel n’ont-ils pas eu de dignes héritiers? Le leader de l’USDG aura tenu tête durant toute sa carrière à Léon Mba, dans le contexte assez particulier du Gabon indépendant, électrisé par leur rivalité homérique. Et personne n’a oublié combien Sousatte et Boucavel ont donné de leur personne pour défendre le peuple gabonais. Intimidés, exilés par l’administration coloniale (Sousatte à Madagascar), emprisonnés par Léon Mba (Boucavel), ces deux hommes au patriotisme viscéral sauront dire « non ». Notamment, lorsque, en 1958, avec leur parti PUNGA (parti de l’unité nationale gabonaise), ils refuseront – sans succès – de faire entrer le Gabon dans la communauté créée par de Gaulle. Avec Sékou Touré (Guinée Conakry), ils ne furent pas nombreux à défier le « Grand Charles » !
Autour du regretté Jules Bourdès Ogoulinguendé, Paul Mba Abessole ou encore Louis Gaston Mayila
Comment alors comprendre qu’un pays qui a enfanté de tels héros se retrouve sans solution face à des personnalités d’une épaisseur aussi transparente qu’Ali Bongo, Bilie By Nzé, Maixent Accrombessi et la colonne de mange-mil qui les escorte? Au moment où la voix de la sagesse devrait prévaloir, le silence des Sages amplifie le charabia aphasique que les émergents concoctent et servent à gros bouillons du matin au soir. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Le 16 mars 2018, autour du regretté Jules Bourdès Ogoulinguendé, Paul Mba Abessole ou encore Louis Gaston Mayila, le Cercle des Notables de la République avait saisi l’enfant-roi afin que les législatives soient reportées, par crainte d’une guerre civile. Et un an plus tard, en mai 2019 le Collectif des anciens cadres notables et dignitaires de la République, cornaqué par Paul Malékou, avait exigé que soit déclarée la vacance du pouvoir, eu égard à la santé très chancelante d’Ali Bongo.
Ces actes de bravoure comptent, quoique trop inconstants et épars pour produire un effet. Ils peuvent d’autant moins peser que la jeune génération semble agir dans une autre direction. Si chacun et tous veulent « libérer » le Gabon – c’est un vœu commun –, il reste à savoir si le patriotisme est le moteur de tous ces hommes politiques. Quand on observe la quasi-aphonie de la génération des Barro Chambrier et consorts – on n’entend plus les « révolutionnaires » de juin 2015 ! – on peut légitimement se demander si ces hommes font de la politique pour changer les choses, ou tout simplement pour satisfaire leur ego. Parce qu’il est scandaleux de laisser un pays sombrer, tout en préemptant en coulisse une élection présidentielle qui sera le lieu de tous les marchandages et toutes les compromissions – la jurisprudence Moukagni-Iwangou et Menga M’Essone ayant la vie dure.
Hier, comme pour réveiller les vrais patriotes de ce pays, Liban Soleman Abdi, un Somalien de Kango - ne comprenant aucun traître mot de notre merveilleuse langue Fang, signe d’un ancrage « quelque part » dans notre pays - a été nommé au « Rwanda Development Board », cheville ouvrière du miracle économique rwandais, par Paul Kagamé. Très vite, plusieurs questions ont fusé de partout : la promotion de l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo n’est-il pas la récompense des frappes opérées au Gabon vers le Rwanda à l’époque ? Pourquoi lors de son passage au sommet de l’Etat, Liban Soleman a participé activement à accroître l’endettement du Gabon si tant est qu’il était compétent ? Où étaient ses compétences lorsque le New York Forum Africa a englouti des milliards de Fcfa sans un résultat probant pour le Gabon ? Pourquoi les routes de notre pays sont dans un piteux état ?
Comme on le voit, Ali Bongo a fait des Gabonais des êtres humains indignes de respect et promu ses amis étrangers aux différents postes de la République pour siphonner les caisses du Gabon. C’est pourquoi, au nom de nos aïeux et sur la foi de l’héritage à laisser à nos enfants, une question centrale demeure : Mais où sont les hommes ?
Article publié dans LA LOUPE N°456 du 20 mai 2020
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