Francis Jean-Jacques Evouna : « L’Etat doit mettre en œuvre des politiques économiques efficaces et efficientes »

Par Nicolas NDONG ESSONO / 02 fév 2022 / 0 commentaire(s)
Francis Jean-Jacques Evouna

Ainsi suggère le président du Conseil gabonais du patronat (CGP) aux tenants du pouvoir pour sortir le Gabon de l’inquiétante situation actuelle. Il constate, par ailleurs, que « le plan de relance économique n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été assignés, et son bilan reste mitigé ». Lecture !

Gabonclic.info : Aujourd'hui, peu importe l’angle d’observation, disent bon nombre de Gabonais, la situation socio-économique dans leur pays serait « alarmante » voire plus. Etes-vous d’avis ?

Francis Jean-Jacques Evouna : Bonjour Messiers les vecteurs de changement de mentalité et d'attitude. En réponse à votre interrogation tout à fait fondée, je voudrais vous dire que l'on n'a pas besoin de sortir de l'université d'Harvard pour faire ce constat et affirmer cette vérité. Il est important de savoir que sur le plan socio-économique, notre pays est entré dans une double crise. La première est d'ordre économique, la deuxième est d'ordre sanitaire due à la pandémie du covid-19.

Nous devons nous souvenir que le Gabon a été durement impacté par ce double choc. Notre économie étant très largement dépendante de l'exploitation de nos matières premières, je puis vous assurer que le secteur pétrolier demain ou aujourd'hui est le poumon de l'économie gabonaise, car il représente 81,5 % des exportations, 46,3% du produit intérieur brut (PIB), 62,5 % des recettes budgétaires. La chute brutale du cours du baril de pétrole en 2014 a entraîné une rapide dégradation des comptes publics par une baisse des recettes pétrolières notamment. 475 milliards en 2016 contre 1460 milliards de francs CFA en 2014. Mais une dette publique qui est passée de 54 % en 2016 pour atteindre aujourd'hui 76 % du PIB, soit un montant global de la dette extérieure qui se situe autour de 7458 milliards. Évidemment l'ampleur de cet impact négatif démontre une vulnérabilité de notre modèle économique basé depuis un demi-siècle sur l'industrie pétrolière. Il faut noter que sur les instructions du chef de l'État, un plan de relance économique avait été mis en place par le gouvernement et qui devait courir de 2017 à 2019. Ce plan a été appuyé par le Fonds monétaire international (FMI).

Quel était l’objectif de ce plan ?

Il consistait à restaurer la stabilité macroéconomique et assurer la viabilité de la dette. Malheureusement, le plan de relance économique n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été assignés, et son bilan reste naturellement mitigé.

Que devrait faire l'Etat pour sortir le Gabon de cette impasse ?

Devant les problèmes de récession économique, de chômage, de déficit extérieur et de déficit intérieur, l'État doit mettre en œuvre des politiques économiques efficaces et efficientes. Il est important de savoir quels sont les objectifs véritables que les pouvoirs publics souhaitent atteindre, car il y a une panoplie d'instruments et d'outils de politiques économiques. Je voudrais dire que deux outils me paraissent essentiels dans ce cadre-là. C’est la politique budgétaire et la politique monétaire. L'État devrait aussi prendre en charge les politiques structurelles qui ont pour but de préparer l'avenir le pays. Il faut donc restructurer et réorganiser notre économie, voire la remodeler de manière à ce qu'elle réponde mieux aux nouvelles exigences du marché et de la gouvernance économique mondiale. Pour ce faire, il faut que nos dirigeants acceptent de travailler en symbiose avec nos experts locaux, parce que nous avons de la ressource humaine compétente et nécessaire pour la réalisation d’un tel objectif.

Concrètement, selon vous, quelles sont les pistes de solutions ?

L’État doit régler impérativement la dette intérieure vis-à-vis du secteur privé qui est une source de recettes pour le budget de l'État. Parce que c’est un secteur qui paie beaucoup d'impôts et taxes qui permettent aux pouvoirs publics de réaliser des projets collectifs, notamment les infrastructures routières et les hôpitaux. Il faut donc pouvoir favoriser la croissance économique qui devrait combler automatiquement les déficits. Il faudrait revisiter la fiscalité qui est au cœur de la politique budgétaire pour éviter au maximum la pression fiscale aux entreprises. Il faut également un dialogue permanent entre les opérateurs économiques et le gouvernement. Ce qui n'est pas le cas actuellement. Il est plus que jamais nécessaire de diversifier notre économie qui reste très faible pour amortir les chocs causés par la chute brutale des cours du baril de pétrole.

Que pouvez-vous dire en guise de conclusion de cet entretien ?

Je voudrais conclure cet entretien avec vous en disant que nous devons créer un observatoire pour l'éthique du débat et de la qualité démocratique. Pour améliorer notre qualité démocratique, en somme, pour vivre une meilleure démocratie. Je souhaite que l’on crée ce cadre idéal pour la promotion de l'éthique, de la délibération et des décisions. Cette structure n'aurait rien à voir avec le Conseil national de la démocratie (CND) qui a d'autres missions. Il est impérieux de mettre en place un meilleur contrôle citoyen sur les dépenses publiques en organisant un processus démocratique permanent d'évaluation et des révisions des différentes politiques publiques en associant, dans chaque cas un jury citoyen. Il est important de mettre en œuvre de nouveaux indicateurs guidant l'action économique dans le cadre d'une approche de développement durable. Il faut instaurer une transparence des résultats et des méthodes qui sont employés sous d'autres cieux et qui permettent effectivement une évaluation objective dans la durée.

Je vous remercie

 

Article du 2 février 2022 - 1:35pm
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