Gabon : Ali Bongo est-il hors-jeu ?

Par Brandy MAMBOUNDOU / 29 déc 2021 / 0 commentaire(s)
Joel-Ngoueneni-Ndzengouma.

Depuis quelques jours, des évènements politiques indiquent une instabilité dans la prise des décisions ou au moment de l’exécution de certaines mesures gouvernementales. Au regard de l’actualité de ces derniers temps, on peut aisément se poser la question de savoir si le Gabon a encore un chef : Ali Bongo est-il hors-jeu ?

 

En effet, depuis le 12 novembre 2021, triste date qui rappelle le moment où Ali Bongo a failli faire une chute sur le perron de l’Elysée, tout semble révéler que de mauvaises nouvelles se succèdent, les unes après les autres, pour les tenants du pouvoir. Plusieurs organes de presse, parmi lesquels L’Union, RFI et l’AGP, ont annoncé la tenue d’un Congrès du PDG qui devrait avoir lieu le 12 décembre 2021 ; puis tout a été annulé. La venue du Roi Mohamed VI a été programmée et organisée. Finalement, la Présidence n’en parle plus ; ledit séjour étant relégué aux calendes grecques. Selon certains, le remaniement du Gouvernement a été envisagé, discuté et ensuite c’est le statu quo.

Vraisemblablement, il se passe des choses au niveau de la prise des décisions, au sommet de l’Etat. Un observateur avisé aura vite remarqué qu’il y a une cacophonie dans la synchronisation des informations publiées, des sons, des images et des actes que les Gouvernants envoient à l’opinion nationale et internationale. Que se passe-t-il vraiment dans les arcanes du pouvoir au Gabon ? Ali Bongo a-t-il décidé d’abandonner le pouvoir ? Des jusqu’au-boutistes veulent-ils le conserver à tout prix ? Examinons les faits politiques récents et interrogeons-nous davantage ! 

Le 25 novembre 2021, le Gouvernement a pris et publié l’Arrêté n˚0559/PM, autorisant l’entrée en vigueur, le 15 décembre 2021, de normes relatives à la lutte contre le Covid19. Jugeant ce texte réglementaire anticonstitutionnel, deux Citoyens gabonais ont saisi la Cour constitutionnelle, pour l’annuler. Leur requête a été jugé recevable. Et, de facto, le texte querellé a été suspendu. Par conséquent, le président de la Cour constitutionnelle, dans un courrier adressé au Premier ministre, en date du 15 décembre 2021, a informé le Gouvernement gabonais des effets de la saisine qui stoppent automatiquement l’application dudit arrêté, jusqu’à la décision finale.

Le 22 décembre 2021, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, Paul Biyoghe Mba, député du parti au pouvoir, Ancien Premier ministre et pilier du PDG, a attiré l’attention des Elus de la Nation, sur la nécessité de bien partager la Richesse Nationale. Car, d’après lui, la répartition injuste des ressources nationales et le mauvais partage des Biens publics peuvent engendrer des situations susceptibles de menacer la paix, cette valeur qui doit être la quête de tous au PDG. Et, pour illustrer son propos, il a relevé que le Bureau de l’Assemblée Nationale indique que les choix faits ont accordé une part belle et inéquitable à la province du Haut-Ogooué et à l’ethnie Nzebi, avec chacun 5 membres sur 15 dans ce Bureau. 

Un tel message, porté par un tel hiérarque du PDG, ne peut que renforcer l’idée selon laquelle il y a un grand malaise au sein du PDG et que les jours à venir ne manqueront pas d’apporter d’autres nouvelles qui vont de plus en plus fragiliser ce parti.

Le 24 décembre 2021, pendant que le débat sur le partage, au Gabon, n’est pas épuisé et qu’une grande majorité de Gabonais soutient, avec force, l’argumentaire de Paul Biyoghe Mba, la décision n˚ 0043/CC du 24 décembre 2021, portant annulation de l’Arrêté n˚ 0559/PM du 25 novembre 2021, a montré au grand jour la légèreté avec laquelle le Gouvernement a pris cet acte réglementaire. Mais, n’ayant même pas pris le temps de digérer ce désaveu, le Gouvernement a réagi, très rapidement, 5 heures après la notification. Il a publié un nouvel Arrêté, ayant le même fond, en corrigeant simplement certaines des formes qui lui étaient reprochées.  

Cependant, sauf production d’une preuve factice, dans sa précipitation, le Gouvernement n’a pas consulté le Parlement, comme le lui a suggéré la Cour constitutionnelle. En outre, tout a été tellement mal fait que c’est le conseiller en Communication du ministre de l’Intérieur, qui a ‘‘usurpé le titre’’ de Porte-parole du gouvernement, qui est venu lire, en lieu et place, de la ministre concernée, le communiqué du Gouvernement. Alors, face à tout cet imbroglio, des questions évidentes ne peuvent que monter à l’esprit. Que pense Madame le Premier ministre de tout ce désordre ? Où est le chef de l’Etat dans tout cela ? Pourquoi tant de cacophonies, alors qu’Ali Bongo est toujours en capacité de diriger le Gabon ?

Ali Bongo est-il hors-jeu ? La question mérite vraiment d’être posée. Et d’ailleurs, en d’autres termes et lieux, elle se pose, depuis qu’Ali Bongo a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Au Gabon, en Orient ou en Occident, des politiques, des diplomates, des journalistes, des activistes et des citoyens honnêtes ont toujours demandé de faire la lumière, en vue de dire qui dirige véritablement le Gabon. Est-il besoin de rappeler que le député français Bruno Fiches, lors d’une question adressée à Jean Yves Repliant, ministre français des Affaires étrangères, avait fait rejaillir les doutes de plusieurs observateurs avertis sur la capacité d’Ali Bongo à continuer à diriger le Gabon ? Il « n’est plus en mesure de présider son pays depuis 18 mois en raison de son état de santé », avait-il affirmé, le 8 juillet 2020 à l’Assemblée nationale française. En homme bien introduit, ce parlementaire de l’Hexagone n’avait fait que dire l’évidence et prédire tout le désordre que tout esprit libre peut constater aujourd’hui. 

Mais, au-delà des capacités physiques et cognitives d’Ali Bongo, qui visiblement ne peut plus diriger le Gabon, il se pose la question de l’identité du donneur d’ordre au sommet de l’État. A un moment donné, Jean Ping avait parlé de « la bande à Sylvia. » Aujourd’hui, que peut-on dire ? Est-ce vraiment Ali Bongo qui dirige le Gabon ? Si la réponse est affirmative alors pourquoi le ministre de l’Intérieur ne sollicite-t-il pas de lui, en tant que chef de l’Etat, un Décret portant modification du Décret n˚ 0018/PR/MS du 10 avril 2020, en vue d’instituer le paiement des Tests PCR et les autres mesures qu’il souhaite tant imposer aux Gabonais ?

À dire vrai, tout se fait désormais comme si Ali Bongo n’existe plus que pour être un faire-valoir. Puisqu’il n’est pas mort, au sens où on l’entend, il est clair que certains, tapis dans les arcanes du pouvoir, ont désormais le malin génie de faire de lui un prête-nom. Dès lors, chacun est libre de considérer que le Gabon vit actuellement un film de téléréalité que l’on pourrait baptiser « qui dirige le Gabon ? » En attendant d’autres épisodes, avant l’épilogue de cette comédie de mauvais goût, postulons que toutes les décisions qui sont prises, depuis le 24 octobre 2020, au nom d’Ali Bongo, ne sont pas de lui. Si quelqu’un trouve à redire, sur ce point de vue, qu’il aille d’abord mettre de l’ordre dans la Gouvernance du pays, en faisant des rappels élémentaires à certains super ministres.

Qu’il les apprenne à ne pas oublier ou à ne pas ignorer les minima de la science politico-administrative. Qu’il leur donne les rudiments qui permettent de respecter les principes de la légalité des actes administratifs, de la hiérarchie des normes, de la délégation des pouvoirs et de la signature. Mieux, qu’il aille leur dire qu’un si « haut rang n’admet point un homme sans honneur » et que leurs forfaits les en rendent indignes.

Au demeurant, eu égard à tout ce qui précède, s’il y a à discourir ou à parlementer, le seul débat qui intéresse désormais l’opinion est celui de l’avènement d’un changement politique qui permettra de tourner la page sombre de la Gouvernance du Système Bongo-PDG. A ce sujet, il n’est nullement besoin de dire, à nouveau, que le débat sur la remise à plat des Institutions gabonaises ne fait que commencer. Dans ce sens, une transition politique reste la solution idoine, pour mieux reconstruire le vivre ensemble des Gabonais.

Comme si l’histoire du renouveau du Gabon était en marche ; comme si une main invisible, ‘‘la main de la Providence’’, faisait converger les choses vers la fin du système Bongo-PDG ; comme si les institutions étatiques, toutes acquises à la cause de tenants du pouvoir, n’avaient plus d’emprise sur les événements ; il faut donc retenir que les fondements d’un autre Gabon, un Gabon plus juste et mieux gouverné, vont être au centre du débat public, dans les prochains jours…Alors, tel le glaive de Don Diègue, dans le Cid de Corneille, la gouvernance du pays doit désormais quitter les mains des actuels Gouvernants, pour passer en d’autres mains, en vue d’un meilleur usage et de résultats satisfaisants pour le Peuple gabonais.

En définitive, puisque le président usurpateur n’arrive plus à assumer ses charges ; puisque « le trône du Gabon a vomi » le président usurpateur ; ceux qui continuent d’espérer que le pouvoir qui a été usurpé à Jean Ping, en 2016, lui reviendra, peuvent donc se dire que c’est encore possible…de voir le Gabon à l’abri de la peur et à l’abri du besoin.

 Joel-Ngoueneni-Ndzengouma (Président des 7 MP)

 

Article du 29 décembre 2021 - 3:34pm
Article vu "en cours dév"

Nombre de Commentaires (0)

Faites un commentaire !