Gabon : Axes Lbv-Ndjolé-Makokou-Okondja-Franceville-Okondja-Lastrousville-Lopé-Ndjolé ou La route nationale de tous les dangers !

Par Elzo MVOULA / 25 juil 2022 / 0 commentaire(s)
Un pont sans garde fous est un danger pour l'usager de la route - sur la route économique, l'état des bourbiers montre qu'il sera difficile

Entre le manque de signalisation des nids-de-poule, les coupures de routes et des ponts, l’absence de garde-fous sur les ponts, le rétrécissement de la chaussée à cause des éboulements, l’entretien sommaire de certains axes…la route gabonaise donne froid dans le dos. Tant le risque d’accident se trouve au bout de chaque accélération. Carnet de route d’un périple palpitant. Accrochez-vous !

Ce mercredi du début de juillet, il est 18 heures à Libreville. D’ordinaire bondées à cette heure du début de la soirée, les rues de la capitale gabonaise sont désertes. Normal, c’est le temps des grandes vacances. Devant l’impossibilité de trouver des places dans le train en partance pour le Haut-Ogooué, les billets d’avion étant devenus inaccessibles, presque 300 000 Fcfa aller-retour Lbv-Fcv-Lbv, le groupe de quatre personnes se résout à prendre la voiture pour se rendre aux obsèques de Madame Astrid Kama, une notabilité de la Sébé-Brikolo.

Invisible Transgabonaise

Après avoir fait le plein de carburant, vérifié tous les accessoires du véhicule, une Toyota Prado, avec son style robuste et épuré, le voyage peut commencer. Sauf que de Libreville, il est difficile de prévoir l’état de la route. Même si, dans l’absolu, la saison sèche offre de meilleures conditions de circulation qu’en période de saison des pluies, la vigilance est de mise. Luc, la cinquantaine révolue – il conduit depuis l’âge de 15 ans – est au volant. L’expérience est une alliée inestimable dans une telle aventure.

Si on peut s’apercevoir en sortant de la capitale gabonaise que la voie est de bonne qualité, signe que l’on peut le faire partout et davantage, on est vite remis à la réalité quelques kilomètres plus loin, entre Ntoum et Bifoun. Pour ceux qui ont connu la glorieuse époque de « la route de développement » des années 90, on a envie de crier « Zacharie Myboto, reviens ! Reviens ! Reviens ! ». Tant, à voir l’œuvre de l’ancien ministre d’État en charge des Travaux Publics sombrer de la sorte, on se peut s’empêcher de faire couler quelques larmes.

Prévue d’être inaugurée en 2023 à Franceville, la Transgabonaise est invisible. Pour un projet d’une telle envergure, on aurait pu voir les travaux s’effectuer de nuit. Mais on a beau avancer, sa trace se dérobe à nos regards. À ce stade, nous ignorions que nous n’étions qu’au début de nos peines. L’axe Bifoun-Ndjolé s’est davantage dégradé. Il s’est formé, par endroits, de véritables cratères où le moindre faux pas vous projette dans le décor. Si Rose Christiane Ossouka Raponda peut être excusée de ne pas prêter une attention particulière à l’état de ce réseau routier – étant originaire de l’Estuaire elle ne l’emprunte pas pour se rendre dans son village –, en revanche il est difficile d’imaginer que c’est par là que passent tous les jours Denise Mekam’ne, Alain Claude Bilie-By-Nze, Moussa Adamou, Guy Patrick Obiang Ndong…, les incontournables du système Ali Bongo. Comment comprendre ce paradoxe ?

Ovan-Makokou à l’abandon

Rien n’explique que les Gabonais soient ainsi abandonnés à leur triste sort. D’autant plus que, pour prendre l’axe Bifoun-Ndjolé, à l’époque de Zacharie Myboto, ministre des TP, il fallait seulement 45 mn pour parcourir les 55 Km. Aujourd’hui, pour la même distance, il faut compter 1h30 mn au moins, avec des dégâts sur le véhicule en plus. C’est ce qui nous est arrivé avec le soufflet qui avait pris un coup, constat fait après notre arrivée dans la ville proche de l’ile Samory à 22h 30 mn. Contacté pour le réparer, un mécanicien a mis, dans « La belle et rebelle Ndjolé » endormie, près de 2 heures pour le remettre en état de marche. Au cours de nos échanges, si M.K reconnaît que « Denise Mekam’ne, l’inamovible ministre des gouvernements successifs d’Ali Bongo, tient Ndjolé d’une main de fer sans offrir à ses habitants de nouvelles perspectives au moment où on y exploite, plus que par le passé, les ressources naturelles ; Dieudonné Daltry Nang Eko serait une alternative crédible à la dame de fer déjà sur le départ. Parce qu’il a montré son amour pour Ndjolé et les populations qui y vivent en investissant massivement dans la construction d’une structure scolaire, des lieux de régénération de l’homme… ». Parenthèse fermée.

Une fois la panne réparée, nous reprenons la route. De nuit, même s’il est difficile de contempler la nature, elle va s’imposer à vous. Et nous n’allons pas tarder à le vérifier. Ainsi, quelques kilomètres après le carrefour Alembé, nous croisons un troupeau d’éléphants. Tétanisés par la peur, les occupants du véhicule ne peuvent, à raison, immortaliser ce spectacle à couper le souffle. Les pachydermes, dans un moment de panique, pourraient charger. Clincia, d’une voix tremblotante, rappelle que « dans la nuit de lundi à mardi 24 mai 2016, deux éléphants avaient attaqué un bus de la société "Major Transport", causant plusieurs blessés ». Ailleurs, dans un pays sérieux, pour préserver la vie des usagers, on aurait pu ériger une pancarte des deux côtés de cette zone pour inviter les automobilistes à faire attention dès qu’ils empruntent ce tronçon. Mais, il est loin le temps où l’adjectif « sérieux » s’ajustait comme un gant au Gabon !

À peine remis de ces émotions, nous continuons notre périple jusqu’à Ovan où nous arrivons vers 3h30 mn. Là, fin de la voie goudronnée et début du calvaire pendant 98 Km. En avril 2019, les récurrents bourbiers sur cet axe Ovan-Makokou y avaient conduit Arnaud Engandji, à l’époque ministre des Travaux Publics, en compagnie d’Alain Claude Bilie-By-Nze, afin de résoudre cette équation routière. Au final, les problèmes sont restés les mêmes sur cet axe dont les travaux avaient été lancés en 2012 par « la China First Highway Engineering Company », puis abandonnés. Ce qui soumet les usagers de cette voie à des conditions de voyage extrêmement inconfortables.

Tristesse des visages, mais joie de vivre quand même

Au reste, malgré l’état dramatique de cette « piste d’éléphant », nous arrivons à Makokou aux alentours de 6h. À cette heure-là, la capitale de l’Ogooué-Ivindo est encore assoupie. Impossible donc de faire le plein de carburant pour rallier Okondja située à 258 Km. Nous devons attendre 6h30mn, heure d’ouverture des stations-service. Nous reprenons ensuite notre route. Au fur et à mesure que nous avançons, le danger nous guette à chaque instant. Plus qu’ailleurs, plusieurs ponts, dépourvus de garde-fous, ne sont pas signalés. Ce qui rend la conduite périlleuse. Même si souvent, au détour d’un arrêt dans un village, la joie de vivre des habitants croisés remonte le moral.

Finalement, après plusieurs heures nous arrivons à Okondja vers 12 h30 mn. Là, comme à Makokou, la ville ne paye pas de mine. La tristesse se lit sur les visages et les voiries sont dans un état déplorable. Et pourtant, depuis plus de quatre ans déjà, le manganèse y est extrait, sans rien changer aux conditions de vie des populations. C’est dire si la misère est…au bout du chemin. Après quelques minutes de repos, départ pour Franceville par Akiéni, la voie par Andjogo étant devenue impraticable. Décidément le Gabon marche à reculons : Zacharie Myboto ne se fera pas oublier de sitôt !

Nous poursuivons donc notre périlleux périple. À quelques kilomètres d’Okondja, la route bitumée est coupée avant Lébaladouba, suite à son effondrement. Le mercredi 21 avril 2021, grâce à Mathias Otounga, alors ministre de la Décentralisation, les travaux de la déviation pour rétablir la circulation avaient été lancés. Depuis lors, le provisoire est devenu définitif. Un état de dégradation de la voie qui s’observera jusqu’à Franceville. Non entretenue, elle est menacée par les éboulements, notamment à la rivière Lekori ; en plus de la nature qui a repris ses droits en la rétrécissant.

Un arrière-monde qui sent l’apocalypse

Avant de refaire demi-tour sur Okondja, et rejoindre Lastourville, deux jours plus tard, nous sillonnons Franceville. La capitale provinciale du Haut-Ogooué a pris des rides depuis l’époque Omar Bongo. Pas de travaux d’envergure, des rues défoncées, des constructions anarchiques, des gares routières poussiéreuses…Bien au contraire tout ou presque tombe de Charybde en Scylla. Autrefois fleuron de cette ville, le complexe hôtelier Leconi Palace est fermé ; l’USTM est à l’agonie. Inutile de rester plus longtemps dans cet arrière-monde qui sent l’apocalypse.

Après avoir assisté, ce samedi 02 juillet, à l’enterrement de Mme Astrid Kama sur les terres qui l’ont vue naître 70 ans plus tôt, nous repartons sur Libreville. Cette fois-ci en passant par Lastoursville. Si l’axe Okondja-Lastoursville, bien que non bitumé, est dans un parfait état, grâce notamment au transport du manganèse exploité à Okondja, celui de Mikouyi-La Lopé constitue un véritable calvaire. Entre bourbiers, ponts non signalés, absence de garde-fous, sols caillouteux, cette voie soumet le véhicule et ses occupants à de vertigineuses montagnes russes. En compensation, la seule joie, entre autres, est d’observer un troupeau de buffles de la réserve de La Lopé. Après cette étape, la partie du trajet entre La Lopé et Alembé n’est pas mieux lotie. Les mêmes manquements sont observés.

Finalement, partis d’Okondja à 6h du matin, nous arriverons à Libreville à 2h le lendemain. Non sans avoir été victimes d’une crevaison et vu le tuyau d’échappement du Toyota Prado se détacher du moteur, suite à la violence des secousses.

Pour toutes les raisons évoquées dans ce carnet de route digne de Savorgnan de Brazza, au moment des grands départs en vacances, pour ceux qui veulent se rendre dans le Haut-Ogooué, le passage par Makokou est l’option à retenir. Celle de la route économique est écartée au regard des différents traquenards causés par la négligence de l’État et les surprises désagréables d’une nature imprévisible.

Elzo Mvoula

 

Article du 25 juillet 2022 - 3:42pm
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