Gabon : Me Lubin Ntoutoume inquiète ses pairs

Par Nicolas NDONG ESSONO / 20 juil 2022 / 0 commentaire(s)
Le Barreau du Gabon va vers une situation de non-retour.

Après avoir été débouté par le Conseil d’État suite aux suspensions infligées à Me Gisèle Eyue Bekalé et Me Jean Paul Moubembé, le Barreau du Gabon est plongé dans la tourmente. L’implosion n’est pas loin et la responsabilité du bâtonnier dans cette pagaille est très clairement engagée.

Une chose est d’être un bon tribun, une autre est d’incarner la probité morale, l’impartialité des décisions, la noblesse de la fonction. Toutes choses qui participeraient de la grandeur d’une organisation et, partant, de celui qui préside à sa destinée. Pour ne pas l’avoir compris, Me Lubin Ntoutoume plonge insidieusement le Barreau du Gabon dans une situation de non-retour. Au mieux, la confiance entre les membres de cette « camorra » s’étiole ; au pire, son autorité est lourdement contestée par les victimes de ses sanctions « émotionnelles ». Comme pour donner son pesant de crédit à cette tendance, conscient de la gravité de la situation, Me Jean Paul Moubembé appelle à « la tenue d’une Assemblée générale extraordinaire pour que le linge sale se lave en famille ». Pourquoi ?

Suspendus coup sur coup par le Barreau du Gabon, suite à l’affaire Me Mezui, un avocat incarcéré à Port-Gentil pour une escroquerie présumée portant sur 700 millions de Fcfa au détriment de Sogara, pour des périodes respectives de 3 et 6 mois, Me Gisèle Eyue Bekalé et Me Jean Paul Moubembé ont été réhabilités par le Conseil d’État.

Sur ces faits, faut-il le préciser, la loi N°13/2014 du 7 janvier 2015 fixant le cadre de l’exercice de la profession d’avocat en République Gabonaise, est édifiante. Si l’article 63 dispose que « le Conseil de l’Ordre peut suspendre d’office et provisoirement de ses activités l’avocat qui fait l’objet d’une poursuite pénale, s’il existe contre cet avocat de fortes présomptions de culpabilité… », en revanche, l’article 62 ordonne que « Toute délibération étrangère aux attributions du Conseil d’État ou contraire à la loi peut faire l’objet d’un recours porté devant le Conseil d’État… ».

De là découlent deux observations. Premièrement, au lieu de suspendre Me Irénée Mezui conformément à l'article 63 de la loi régissant la profession d'avocat en République Gabonaise, Me Lubin Ntoutoume a préféré sanctionner les avocats qui n'ont pas voulu faire grève avec lui ; comme s’il voulait punir les uns pour protéger les autres. Alors que plusieurs compatriotes souffrent des comportements rétrogrades de certains avocats véreux. Deuxièmement, comme on le voit, les deux avocats sanctionnés étaient en droit de saisir la juridiction administrative suprême pour faire annuler les sanctions qui pesaient sur eux. Ce qui fut fait le 27 juin 2022 (Me Gisèle Eyue Bekalé) et le 12 juillet 2022 (Me Jean Paul Moubembé) par le Conseil d’État. Une juridiction qui ne peut être taxée de partialité par Me Lubin Ntoutoume et ses hommes. À l’origine de nombreuses saisines contre le Barreau du Gabon, Me Gisèle Eyue Bekalé et certains de ses pairs ont été souvent déboutés par la haute juridiction administrative. C’est le cas de l’une des décisions rendues par cette juridiction, le 30 octobre 2020, autorisant la tenue de la prestation de serment des jeunes avocats, alors qu’elle avait été saisie pour l’annulation de cette cérémonie par Me Gisèle Eyue Bekalé.

Aujourd’hui, insinuent bon nombre d’observateurs, Me Lubin Ntoutoume donnerait l’impression de nourrir une rancœur contre Me Gisèle Eyue Bekalé. Comme si entre les deux ténors, il existait une animosité personnelle. Sinon, cet acharnement ne s’expliquerait pas. C’est pourquoi, il est à craindre que, faute d’avoir à sa tête un leader charismatique et non une personnalité vindicative, le Barreau du Gabon ne vole en éclats. 

A Me Lubin Ntoutoume de tirer les conséquences de cette situation qui est loin de l’honorer. D’autant plus que, selon une rumeur persistante et très largement répandue dans les rues de Libreville, un avocat membre du Barreau, probablement champion toutes catégories des détournements des fonds de ses clients, s’est finalement résolu à rembourser à l’un d’eux, originaire de Mouila, le solde de l’argent initialement distrait par ses soins. Le bâtonnier peut-il couvrir de tels agissements ?    

Elzo Mvoula

 

Article du 20 juillet 2022 - 10:18am
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