Gabon : Paulette Missambo pour une scission intentionnelle de l’Union nationale ?

Par Nicolas NDONG ESSONO / 29 mar 2022 / 0 commentaire(s)
Paul Marie Gondjout (à gauche) et Paulette Missambo ( à droite).

Plus l’on veut comprimer, empêcher le choix libre, parfois la libre expression de chacun dans une structure, quelle qu’elle soit, plus l’explosion pourrait être violente et dommageable pour celle-ci. Pour éviter le pire possible, il vaut mieux se résoudre à considérer l’expression plurielle, à rassembler, pour produire la cohésion. La dame de fer de Lozo veut-elle (vraiment) relever ce défi ?

Nul ne doute de la victoire de l’ancienne ministre d’Etat Paulette Missambo face à son adversaire, M. Paul-Marie Gondjout, à la sortie du deuxième Congrès ordinaire du Parti, le 13 novembre 2021. Victoire étriquée certes (elle a obtenu 50,83 % de voix contre 49,17 % pour M. Gondjout, soit 308 voix contre 298), elle a toutefois été portée à la tête de la Présidence de l’Union Nationale. C’est la loi de la démocratie. Ce qui manque depuis-là, c’est la pratique de l’auto-analyse par elle, des résultats obtenus au terme de la consultation.

Un être doté d’une sensibilité en éveil comme elle a le devoir cérébral de changer d’opinion et de certitude quand cela s’avère nécessaire. Rester figée sur le seul point de vue qui apparaît comme acquis, le seul adoubement de ses soutiens, est une faute qu’elle gagnerait à corriger, devenue la conductrice d’un parti qui a déjà connu un autre type de management et qui est toujours en proie à la démission de ses membres.

Madame l’ancienne ministre d’Etat devenue Présidente de l’Union Nationale a tort de repousser la contradiction constructive au sein de la structure qu’elle est censée diriger pendant quatre ans. Elle devrait se rappeler que c’est bien dans la douleur du vivant qu’elle a son existence réelle et constructive. Alors, qu’elle évite de donner un coup de canif à sa présidence. Madame gagnerait à tenir l’archive de son existence, pour ne pas courir le risque de l’abandonner au vice de l’oubli.

Il ne serait pas de trop, en l’occurrence, de faire de la restauration de l’oubli, la réparation de la mémoire. Dans un passé lointain pour certains, l’on peut se souvenir l’existence de courants au sein du Parti Démocratique Gabonais (PDG). Il y en avait trois, notamment : (1) le courant des Caciques, (2) celui des Rénovateurs et (3) celui des Appellistes, Madame était du dernier courant. Celui-ci était particulièrement fort réputé et était en rupture de ban avec les autres, pour la conquête des faveurs du Prince de l’époque. Il est bon de se souvenir de sa trajectoire pour se réaliser.

On dit souvent que ‘’la passion qu’il y a dans un bisou lui donne toute sa douceur’’. Autrement dit, l’affection que l’on met dans un bisou le sanctifie. Le geste de démocrate de Paul Marie Gondjout devrait pouvoir inspirer Madame la Présidente, et les dispositions de l’article 15, alinéa 2 des statuts de l’Union Nationale, la guider. Le geste de Paul Marie Gondjout après la proclamation des résultats du vote ce jour-là était une reconnaissance sans voile, qui en a dit long et qui a sanctifié la victoire pleine de symboles obtenue, ainsi que sa légitimité.

Une perspective mieux réfléchie

Ce geste aurait dû prédisposer la Présidente devenue à une perspective mieux réfléchie au sujet de leur collaboration nécessaire. Comprendre, par exemple, que ce n’est ni une folie, ni une indiscipline de signaler à sa Présidente une non-observance des dispositions des statuts du parti, ou la nomination de Représentants provinciaux ou Coordonnateurs communaux non militants du parti. La liberté d’expression devrait être de mise, à condition qu’elle soit assortie du respect des règles et de l’opinion d’autrui. Joëlle Laurencin aide à dire à ce propos que « Toutes les fois que l’on tentera de discréditer celui qui dénonce des vérités, ce ne sera pas une autonomie, mais une tyrannie ».

Même si la mémoire et le grand jugement se rencontrent très rarement, le rappel de la séquence actuelle que vit le parti vaut son pesant d’or. L’Union Nationale s’est construite sur des courants, ou mieux, sur l’influx de sensibilités multiples (UGDD, MAD, RNR, Amoïstes, Casimiriens, JENistes). Le dogme n’a jamais opéré à ce moment-là ; et c’est ce qui a prévalu jusqu’au 7 décembre 2020, date de l’interruption du 2ème Congrès ordinaire. Cela explique d’ailleurs la liberté d’initiative de feu le Vice-Président Oye Mba. Il a ainsi librement participé et accompagner Ali Bongo Ondimba lors des négociations sur l’île Mbanié, alors que le gouvernement alternatif d’André Mba Obame (décidé d’un commun accord), se trouvait emmuré dans les locaux du PNUD. Le Président du parti et le Secrétaire Exécutif de l’époque ont-ils entrepris des mesures de représailles contre lui, malgré le caractère ambivalent de l’acte ? Autres faits marquants : (1) la réunion, par le même, à la chambre de Commerce de Libreville, pour inviter les camps opposés à s’asseoir et se parler ; (2) la création d’Appel à Agir par certains militants du parti, membres du Bureau National.

Ce sont-là des faits intangibles de libre expression par des militants, qui n’ont pas détourné le président de l’Union Nationale de l’époque, Zacharie Myboto, de la gestion rationnelle de toutes les sensibilités (tendances) en présence, pratiquant adroitement la locution latine suivante : « de Gustibus et colribus non disputandum » ( « Chacun est libre de penser et d’agir selon ses préférences »).

Changer l’environnement plutôt que les vérités

Tout ce que souhaitent ou demandent les militantes et militants de l’Union Nationale à la Présidente actuelle, c’est qu’elle s’applique à changer l’environnement plutôt que les vérités. Certes le groupe Paulette Missambo a été victorieux mais cette victoire a l’air d’être mêlée de remords et d’actes peu réfléchis posés par des membres de son entourage. Il est, par exemple, regrettable de parcourir des exécrations du genre : « pourquoi tu es porté disparu depuis que nous avons gagné les votes ? Toute la grande gueule que tu faisais pendant la campagne. Viens maintenant au siège du parti. Tu as peur de quoi, viens mon petit. Viens au siège. Ta carrière politique est terminée. Même s’il te reste le PDG. Tu es fini Davy. Je ne sais pas par où tu passeras, mais tu me trouveras en face, je vais te broyer ». Il s’agit d’un propos tenu sur les réseaux sociaux par un Secrétaire exécutif adjoint de l’équipe dirigeante actuelle du parti. Celui-ci est loin de la grandir.

Nombre de militantes et militants de l’Union Nationale ont horreur de mots violents de cet ordre, alors que le parti a besoin d’apaisement et de rassemblement. Le ralliement ne marche jamais. Il est loin d’être la panacée en politique. Ce qui marche le mieux, c’est le rassemblement. Derrière le ralliement, il y a le désenchantement, et puis l’effacement. Derrière le rassemblement, il y a le courage et le succès. Le pluralisme des pensées ou des sensibilités est essentiel pour garantir une information politique diversifiée, pour exercer une liberté d’opinion et de choix, fondement de la démocratie.

Madame la ministre d’Etat d’Omar Bongo devenue Présidente de l’UN gagnerait à simplement veiller sur la juste représentativité de chacun des courants politiques (Deux aujourd’hui). Penser à la production du Rassemblement. Ceci devrait faire partie de ses missions urgentes, pour assainir le mauvais climat qui prévaut en ce moment, guérir la politique turbulente qui cause à ce vaisseau un roulis qui l’empêche d’avancer, et à elle, de gouverner.

Face au tableau ici dressé, l’on peut soupçonner la non-adhésion d’un nombre important de militants, ceux-ci souhaitant plutôt nouer un lien de confiance avec la Présidente du parti. Une question simple et en même temps forte et fondamentale taraude l’esprit de l’observateur averti : Madame la Présidente est-elle un Chef de Directoire et d’affidés qui construit la scission du parti, ou un Chef de parti qui fixe les orientations, arbitre, ressemble, en restant au-dessus de la mêlée ?

Dess Bombe

 

 

Article du 29 mars 2022 - 11:20am
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