Gabon : Peut-on maintenant faire du neuf avec du vieux au lendemain de l’avènement du Haut-commissariat de la République?

Par Nicolas NDONG ESSONO / 26 avr 2022 / 0 commentaire(s)
Face aux Gabonais inquiets, Michel Essonghe devrait conviancre Ali Bongo d'opter pour l'apaisement.

Annoncée par le Conseil des ministres du 13 septembre 2021, cette entité administrative n’a été formée que lors du Conseil des ministres du début du mois de mars dernier. Véritable curiosité de musée dont les missions ne sont nullement bien définies, cette bizarrerie vient démentir l’axiome d’un « exalté politique » : « On ne fait pas du neuf avec du vieux » (Dixit Ali Akbar Onanga).

L’opinion nationale se pose encore des milliers de questions sur le bien-fondé de cette nouvelle entité administrative qui n’est pas une institution (la précision est de taille) logée à la présidence de la République. En effet, les Gabonais vont de surprises en surprises depuis l’avènement de ce pouvoir en 2009.

Si la nomination de ces anciens hauts commis de l’Etat (pour certains) à une fonction publique ne pose aucun problème, le cadre et la mission sont loin des attentes de la population qui aspire à une meilleure mise en œuvre d’un véritable plan de développement du pays doublé d’un environnement où la promotion des valeurs de paix, de respect de l’autre, du partage du bien collectif… est une réalité.

Ce perpétuel tâtonnement fait des remous au sein de la population, qui déclare sans prendre des gants : « ce truc est né dans le souci de loger des vieux et fidèles serviteurs d’Omar Bongo Ondimba, pour qu’en retour ceux-ci soient redevables au fils Ali bongo Ondimba ». En effet, Ali Bongo, après l’euphorie de la prise du pouvoir consécutive au décès du père, s’était empressé d’éloigner les cadres toujours en activité de tous les postes de décisions, en les remplaçant par des jeunes nouvellement recrutés à la Fonction publique, d’autres dans « la légion étrangère », préférés aux nationaux de souche. Du jamais vu dans un gouvernement à travers la planète. Plusieurs jeunes faisaient ainsi leurs premiers pas professionnels par leur enrôlement dans le gouvernement, faisant de l’Exécutif plus un centre de perfectionnement qu’un gouvernement de développement.

Les maquettes nées des fonds de coupes de champagne

Les maquettes issues des rêveries et autres mirages, après des soirées bien arrosées dans les discothèques de Libreville comme celles des grandes villes occidentales, ont tapissé les murs de la capitale gabonaise. Le « changement et l’émergence » ont été peints au pinceau pour faire miroiter, aux yeux de la population, un futur luxuriant et une prospérité en harmonie avec le monde moderne. Même s’il est reconnu que toutes les grandes réalisations commencent par des rêves, l’équipe amenée par Ali Bongo a plutôt pensé plus aux féeries des soirées bien arrosées au champagne qu’à un quelconque accomplissement pour le développement du pays. Les échecs dans les différents programmes et autres plans de croissance se sont accentués. Seul le profit personnel est désormais la norme au gouvernement.

Alors, on vend des mirages au peuple. Faisant faire à Ali Bongo des promesses infructueuses à chaque adresse à la nation. Et qui dit échec, dit forcément pertes énormes. Le Gabon, en lieu et place du progrès annoncé, a plutôt connu une courbe descendante des plus dangereuses. La population, dans sa grande majorité, a douloureusement regretté l’ère de ces « vieux » exclus de la gestion du pays. Ali Bongo, qui avait pensé qu’en s’entourant de jeunes il pourrait aisément contrôler, s’est plutôt trouvé avec des femmes et des hommes qui ne rêvent que de costumes et de parfums. Ce qui avait fait dire à un ancien ministre d’Omar Bongo que : « A notre temps, on volait avec des pelles, aujourd’hui les membres du gouvernement volent avec des tractopelles ». Les réalisations utopiques promises aux Gabonais, comme tout bon rêve, se sont évanouies avec l’assèchement des caisses de l’Etat, hélas ! sans aucune réalisation. Alors que Jean-Marie Ogandaga, alors ministre de l’Economie et des Finances, qui avait été confondu de légèreté avec les caisses de l’Etat, avait déclaré sans sourciller pour justifier l’endettement exponentiel du Gabon : « Aucun pays ne peut se développer sans s’endetter », le Gabon est aujourd’hui endetté sans aucun début de développement ». D’où ce « retour aux fondamentaux », pour paraphraser un homme politique, ancien collaborateur d’Omar Bongo. Il faut donc rappeler les « vieux » pour tenter de se sortir de ce bourbier, qui fait aujourd’hui office de route nationale et où la nation tout entière est au bord de l’effondrement.

Prospection électoraliste ou réel désir de rebâtir

L’avènement du Haut-commissariat de la République reste à questionner. Si la nomination de cadres, certes âgés et expérimentés, est vue comme une panacée, leur emploi rend ce retour équivoque. Selon Abraham Lincoln (ancien président américain, 1809-1865) : « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir ». Ce qui nous ramène à l’emploi que l’on voudrait faire de ces « vieux » Hauts-commissaires de la République. En les nommant à ces postes, que voudrait faire Ali Bongo de ces expérimentés sans aucun pouvoir ? Car, l’étalage médiatique fait de la rencontre de ces « papas » avec les institutions républicaines, principalement à la Primature, face à Rose Christiane Ossouka Raponda, est tout simplement ahurissant. Voir ces dépositaires de l’autorité coutumière (ne l’oublions pas, les aînés chez nous sont des autorités), prenant des notes tête courbée face au Premier ministre, qui n’a certainement pas la moitié de l’expérience professionnelle et de l’administration de ses hôtes du jour, démontre l’insignifiance de la mission qui leur est accordée. Ce qui confirme la métaphore ironique dans les quartiers : « Au Gabon, il ne reste plus qu’à marcher sur les bras et les jambes en l’air ».

Si réellement le président de la République s’est attaché les services de ces femmes et hommes expérimentés pour se rattraper face à la paupérisation avancée de l’Etat, l’agonie de la Nation, Ali Bongo devrait avoir le courage de confier l’Exécutif à ces « vieux » et leur donner ainsi un véritable pouvoir, au lieu d’en faire des valets du palais, bons pour la prochaine campagne électorale. La logique serait que cette équipe sous la conduite de Michel Essonghe soit le véritable gouvernement en lieu et place de l’actuelle équipe gouvernementale. Les ministres actuels devraient apprendre, comme ministres délégués par exemple, sous la direction de ces anciens qui pourront relever le pays du fond de l’abîme où il se trouve actuellement. Sans quoi, c’est une véritable moquerie que de vouloir rabaisser ces anciens qui ont bâti le pays aux côtés d’Omar Bongo. Certes, des insuffisances ont été relevées en leur temps, mais les choses allaient mieux qu’aujourd’hui.

Des otages électoralistes

A moins que le chef de l’Etat, pour détourner l’attention de la population, se satisfasse d’avoir ces Hauts-commissaires à portée de main pour les accuser d’avoir participé à la curée. Ceux-ci n’auront d’autre choix que de battre campagne pour le maintien d’Ali Bongo afin de continuer de bénéficier, toute honte bue, des prébendes d’un emploi virtuel. Ce schéma semble non seulement probable, mais très coûteux et totalement contre-indiqué pour le développement du Gabon. Car, on image difficilement un Haut-commissaire, fût-il Haut-commissaire général, faire des injonctions à un membre du gouvernement. L’on comprend aisément que l’équipe de Michel Essonghé ne pourra servir que de faire valoir et rien d’autre.

Dess Bombe

Article du 26 avril 2022 - 10:50am
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