Hausse des prix et pauvreté galopante : L’urgence d’un bouclier anti-inflation

Par Brandy MAMBOUNDOU / 09 oct 2021 / 0 commentaire(s)
Willy Ontsia

Willy Ontsia *

Libreville est la quatrième ville la plus chère au monde, et cela ne date pas d'aujourd'hui. En sus, le pays importe annuellement près de 250 milliards Fcfa de denrées alimentaires pour couvrir les besoins de la population. Pour tendre vers l'indépendance alimentaire, le gouvernement a investi dans de nombreux projets agricoles, notamment le projet GRAINE en cours d'exécution.

Sur la période 2005 à 2020, l'augmentation du niveau général des prix a connu une hausse cumulée de 15%, soit une moyenne annuelle de l'ordre de 3% par an. Et si on se réfère aux prévisions de la direction générale de l'économie, du FMI ou de la Banque mondiale, cette tendance inflationniste n'est pas près de s'arrêter car leurs estimations tablent sur une hausse additionnelle des prix d'environ 3% en 2021 contre 2,5% en 2022.

Dans la pratique, le prix du carburant, le prix du transport privé ou le prix de nombreux biens de consommation de base, enregistrent une hausse très inquiétante pour le panier de la ménagère. Par exemple, le litre d'huile de cuisine est passé à plus de 1500 Fcfa, soit une hausse de plus de 25% en un an.

D'un point de vue technique, il faut rappeler que dans une économie de marché les prix sont essentiellement déterminés par la confrontation entre l'offre et la demande de biens, mais également par des facteurs connexes tels que la logistique, la fiscalité ou les coûts des services aéroportuaires, par exemple.

Plus précisément, la hausse des prix des biens de consommation sur le territoire gabonais s'explique par des facteurs aussi bien exogènes qu’endogènes.

Comme facteurs exogènes, la hausse des prix des biens domestiques est avant tout une inflation importée, appelée inflation par les coûts. Autrement dit, une partie de cette augmentation des prix sur le territoire national a pour cause un renchérissement des conditions de production et d'approvisionnement des produits importés.

Les facteurs externes sont, notamment, ceux liés aux effets collatéraux de la crise sanitaire internationale et au choc économique y relatif, à savoir l'évolution des taux de change (devises étrangères dont le dollar américain), la volatilité des prix des matières premières, dont la hausse du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux, et l'envolée des coûts du transport maritime et aérien, toutes choses qui ont influencé négativement le prix des biens importés au Gabon.

Comme facteurs endogènes, on peut retenir l'atonie de l'économie gabonaise qui subit le contrecoup des mesures restrictives de la lutte mondiale contre la pandémie du covid19.

Concomitamment, la hausse des prix dans notre pays est aussi influencée par le niveau global de la consommation nationale, par l'inflexibilité des droits de douane et de certains impôts, par l'accroissement du prix du carburant et de l'électricité domestique.

Au final, pour maintenir leurs marges bénéficiaires, les sociétés locales importatrices sont souvent dans l'obligation de répercuter la hausse de leurs coûts d'approvisionnement sur les prix de vente offerts aux Gabonais.

En l'absence d'un contrôle efficace des prix sur le territoire national, certains commerçants locaux et autres détaillants n’hésitent pas à surfacturer l'effet prix importé, et ceci pour compenser une certaine baisse de chiffre d'affaires imputable à la crise économique et sanitaire actuelle. Ce phénomène explique également la forte amplitude de variation du prix de certains biens de consommation observée sur le marché local.

Comparativement à la hausse de l'inflation, le niveau général des salaires nominaux stagne depuis plus d'une décennie. De fait, la hausse régulière du niveau général des prix constitue une baisse nette du pouvoir d'achat réel des Gabonais.

Sachant que selon le PNUD, 34% des Gabonais vivent en dessous du seuil de pauvreté, si rien n'est fait pour stopper cette tendance inflationniste, il existe un risque d'émeutes de la faim dans notre pays.

Pour maîtriser la hausse de l'indice des prix et promouvoir un modèle économique moins inflationniste, le gouvernement gabonais pourrait prendre les mesures non-exhaustives suivantes: développer l'industrie agro-alimentaire sur le territoire national par une politique de dumping social et fiscal, procéder à la création d'une centrale d'achat nationale en partenariat public-privé, promouvoir le lancement d'une compagnie maritime internationale contrôlée par des capitaux nationaux dans le cadre d'une joint-venture, mettre en place une nouvelle politique d'encadrement et de contrôle des prix avec une fiscalité modulable, y compris un bouclier tarifaire activable en situation de crise structurelle.

*Expert-financier

Article du 9 octobre 2021 - 8:41pm
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