Jean-Valentin Leyama : «..sur la base de ma connaissance de la gouvernance du président de la République en exercice, lui accorder un troisième septennat, c’est accepter de sacrifier définitivement ce beau pays et le plonger vers des lendemains perilleux

Par Brandy MAMBOUNDOU / 21 déc 2021 / 0 commentaire(s)

L’ancien directeur de cabinet adjoint d’Ali Bongo est, ainsi catégorique. Il estime, pour avoir côtoyé le personnage, qu’il est incapable d’apporter le bien-être au peuple gabonais. Pire, il serait dépourvu d’une réelle volonté de faire du Gabon, une Nation prospère. Engagé dans une procédure judiciaire auprès de la Cour constitutionnelle pour annuler les mesures - édictées par le gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid 19 - portant atteinte aux libertés individuelles, Jean-Valentin Leyama, originaire de Moanda, répond à nos questions. Lecture !    

Gabonclic.info : Bonjour M. Jean-Valentin Leyama, vous avez, avec votre collègue Geoffrey Foumboula Libéka, saisi dernièrement la Cour constitutionnelle, aux fins de faire annuler l’arrêté du 25 novembre dernier du Premier ministre imposant de nouvelles mesures anticovid très impopulaires. La réponse de la Haute Cour vous satisfait-elle au stade actuel ?

Jean-Valentin Leyama : Avant de répondre à votre question, permettez que je rappelle le contexte de cette action. 

Suite à la conférence de presse du Gouvernement du 27 octobre dernier renforçant ou plutôt aggravant son dispositif de lutte contre la COVID par des mesures qui, insidieusement, hypocritement, malhonnêtement, contraignent la population à se faire vacciner pour, selon la phraséologie officielle, reprendre « une vie normale » ; nous sommes un groupe de citoyens à avoir réagi et dit : « Stop ! » Il s’agit de: Jean-Valentin Yama, Marcel Libama, Marc Ona Essangui, Georges Mpaga, Paul Aimé Bagafou, Justine Lekogo, Geoffroy Foumboula Libeka pour ne citer que le noyau de départ.

Nous avons, devant la presse, lu une déclaration et annoncé la création d’un observatoire de la société civile dénommé le COPIL Citoyen en réaction au COPIL officiel. Nous avons élaboré et diffusé une charte en 10 points qui constituent nos points de revendication. En même temps que nous avons planifié un certain nombre d’actions. De la répartition des tâches au sein du groupe, il a échu à Geoffroy et moi, de saisir la Cour Constitutionnelle, car nous en sommes deux « clients » réguliers et impénitents ! (rires). C’est donc le résultat d’un travail collectif. La réponse de la Cour, visant la suspension de cet arrêté controversé, constitue en soi une victoire. Car dans un climat aussi répressif, sous cette chape de béton coulée sur les populations gabonaises depuis tant d’années, plus encore depuis 20 mois, comment ne pas s’en réjouir ?

 

Quoique suspensive, cette décision apparaît déjà comme étant une victoire pour vous-même et pour l’ensemble de la Société civile. Peut-on pour autant la considérer comme une défaite du gouvernement ?

La défaite du Gouvernement ne sera consommée que lorsque, convaincue par les arguments de notre requête, la Haute juridiction consentira à accéder à notre demande : l’annulation pure et simple de ce texte. Nous attendons la phase de l’instruction pour mieux présenter et développer notre argumentation.

En créant ainsi des tensions au sein d’une population et d’une société qui ont déjà tant de problèmes à gérer, le ministre de la Santé n’envenime-t-il pas la situation en cette fin d’année difficile ?

Ils sont deux ministres emblématiques qui cristallisent la colère de la population dans cette gestion de la pandémie de la COVID-19 : le Ministre de la Santé et celui de l’Intérieur. Tant leur arrogance, leur zèle et leur cynisme plombent l’action d’un gouvernement incapable de répondre aux autres problèmes fondamentaux du pays.

Depuis la découverte de cette pandémie, le Gouvernement semble rendre les populations responsables de cette situation. Comme si la survenance de la COVID était de leur fait. Comme si le virus n’est pas apparu en Chine, mais dans la forêt équatoriale ! Vous avez vu la brutalité et la violence de cette gestion calamiteuse, pratiquée dans un mimétisme servile de la France. Alors que les données sont totalement différentes ?

Poussées à bout, les populations ont exprimé à plusieurs reprises leur ras-le-bol. Il y a eu les émeutes de la faim, suite au confinement général en avril-mai de l’année dernière ; le concert dit « des casseroles » et récemment, la journée ville morte du 15 décembre. Dans les deux premiers mouvements, la répression a été féroce. Le concert des casseroles s’est traduit par la mort de deux jeunes gabonais, abattus à bout portant et dont on attend toujours les conclusions de l’enquête annoncée par le Procureur de la République ; ainsi que l’arrestation de plusieurs jeunes leaders, pourtant soutiens notoires du régime, élargis depuis lors.

La stratégie du COPIL Citoyen a ceci d’original que nous évitons la confrontation et que nous nous battons sur le terrain de l’Etat de droit. Alors que le pouvoir s’attend à des mouvements de protestation de masse, nous opposons la défense des droits prévus par la Constitution. Le Gouvernement peut-il nous reprocher d’user de la loi pour défendre nos droits ?

Le régime craint-il l’effet Pangolin, et n’insiste-t-il sur la vaccination que pour répondre à des logiques sécuritaires et administratives, plutôt qu’à un véritable souci de santé publique ?

Il est manifeste que dans cette marche forcée vers la vaccination de tous, le Gouvernement semble plutôt obéir à des intérêts supranationaux dont les enjeux échappent aux populations. Sur la question du vaccin, les autorités n’ont pas l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’elles se sont trompées. La preuve ? Leur communication a varié à la vitesse d’un kaléidoscope ! Au début, la communication officielle disait, et les affiches sont toujours présentes sur les panneaux publicitaires : « Pour me protéger et protéger les autres contre la maladie, je me vaccine », suggérant que le vaccin empêchait la transmission du virus et en assurait aussi la protection.

Ce message a incité plusieurs personnes à se faire vacciner avec un engouement particulier pour les personnes à risques. Les restrictions ont alors été levées pour les personnes vaccinées. Le retour de bâton a été immédiat : le vaccin ne protège contre rien, et n’empêche rien. Pis, tout le monde en est pourtant conscient, les personnes vaccinées sont désormais les principaux vecteurs de contamination, en raison des libertés qu’on leur a octroyées. Sinon, comment expliquer la résurgence exponentielle des cas dans les pays qui ont réussi à vacciner la grande majorité de la population au point où les personnes vaccinées sont désormais majoritaires parmi les malades hospitalisées du COVID. Trop tard, il faut absolument administrer et épuiser les centaines de milliers de doses de vaccin reçues de l’Ordre mondial avec un nouvel argument désormais : « le vaccin protège contre les formes graves de la maladie », sans préciser l’échelle de graduation.

Depuis un certain temps, on observe que le vaccin chinois sinopharm d’où provient la maladie, n’est plus administré. Seuls sont disponibles, les vaccins Johnson & Johnson et Pfizer. Pourquoi cela selon vous ?

Il appartient à Monsieur « réponses à tout », le Ministre de la santé, de nous éclairer. C’est une situation réelle et elle pose le problème du sort réservé aux 400 mille doses reçues de ce vaccin et surtout des pauvres bougres qui s’étaient précipités pour se le faire inoculer. Je note aussi que peu de cas est fait du vaccin russe Spoutnik.

Sortons de l’actualité Covid qui semble être le prétexte tout trouvé pour justifier l’inaction de l’équipe gouvernementale. Il saute aux yeux que le pays est pour ainsi dire bloqué dans tous les secteurs. Etes-vous d’avis ?

Le blocage du pays est une réalité, le malaise est général, le Gouvernement aggrave chaque jour son incompétence. L’Education nationale et les régies financières sont en grève. Une dizaine d’autres syndicats dans plusieurs secteurs, y compris dans les secteurs stratégiques ont déposé des préavis de grève. Et, comme tout le monde l’a observé, la journée ville morte, en dépit des thuriféraires du régime qui ont tenté de la saborder, a été un immense succès sur l’ensemble du territoire. Cet avertissement aurait dû inviter un Gouvernement responsable à aller à l’écoute de la population et à rectifier le tir. Le message unanime est pourtant clair : NON A L’OBLIGATION VACCINALE ET AUX MESURES PRIVATIVES DE LIBERTE !

Après un passage remarqué dans l’opposition, vous avez été par la suite un proche collaborateur d’Ali Bongo Ondimba. En votre âme et conscience, avez-vous le sentiment que dans le contexte actuel, le chef de l’Etat gabonais a la volonté d’améliorer les conditions de vie des Gabonais ?

Nous sommes, à deux ans de la fin du deuxième septennat, soit 12 ans au total. Si cette volonté d’améliorer le bien-être des Gabonaises et des Gabonais existait bien, cela se saurait au regard de la situation de l’économie ainsi que celle des secteurs sociaux. Vous faites état de mon bref passage (deux ans et demi) comme collaborateur du chef de l’Etat. Une opportunité qui m’a permis de parfaire ma connaissance du fonctionnement de l’Etat et des institutions à tous les niveaux. Je vous répondrai simplement que sur la base de ma connaissance de la gouvernance du président en exercice, lui accorder un troisième septennat, c’est accepter de sacrifier définitivement ce beau pays et le plonger vers des lendemains périlleux.

Originaire comme le président de la République de la province du Haut-Ogooué, ne vous insupporte-t-il pas de voir à quel point, par la volonté de quelques personnalités de cette partie du pays, le reste des altogovéens est culpabilisé et rendu responsable de la situation actuelle du pays ?

Le Haut-Ogooué est partie intégrante de la République. Quelques-uns, une minorité, de nos frères, au nom de la préservation de menus privilèges et strapontins, ont donné une image négative de la province. Le réveil altogovéen en faveur du changement est en marche. Le ras-le-bol est général et ce ne sont pas quelques postures d’arrière-garde qui vont freiner cette dynamique irréversible.

Alors qu’on prétend nous faire vivre dans un Etat de droit démocratique, de nombreux concitoyens sont aujourd’hui contraints à l’exil, dont des ressortissants du Haut-Ogooué comme Jean-Pierre Lemboumba Lépandou, Alfred Nguia-Banda ou Ludovic Ognagna. Une situation qui laisse apparemment indifférente leurs compatriotes et parents vivant actuellement au Gabon ; et évoluant aussi bien dans l’opposition, qui se fait de moins en moins entendre, que dans la société civile dont vous portez si bien la voix en ce qui vous concerne…

Vous faites bien de citer le cas des personnalités et des cadres du Haut-Ogooué en exil, car en rupture de ban avec ce pouvoir auquel ils ont cru et qu’ils ont servi à un moment donné. C’est la preuve que la répression n’épargne pas le Haut-Ogooué ! Il faut tout de même déplorer le fait que le nombre de Gabonais exilés politiques, toutes provinces confondues, soit particulièrement élevé depuis l’Emergence et, singulièrement, depuis la crise électorale de 2016. Omar Bongo, le Chantre du Dialogue et de la Tolérance, doit se retourner dans sa tombe au regard de cette situation.

2022 demain, puis après 2023, la grande année électorale. Les Gabonais doivent-ils désespérer de leur pays ?

Sur quel bilan, si tant que ça puisse jouer un rôle, peut-on accorder un troisième septennat au président sortant ? Nous, COPIL Citoyen, disons aux Gabonais de ne pas perdre espoir en leur pays. Nous leur disons de ne pas se résigner, de demeurer unis et mobilisés, d’être attentifs et exigeants dans la défense et la protection de leurs droits civiques et constitutionnels. Si le Pouvoir n’a pas compris le message du 15 décembre, il en aura pour ses frais. Car, il y a désormais, un avant et un après 15 septembre. Je remercie votre journal pour cette opportunité.

Propos recueillis par Elzo MVOULA

Article du 21 décembre 2021 - 8:02pm
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