La ZLECAF : quel impact pour le Gabon ?

Par Vichanie MAMBOUNDOU / 20 fév 2021 / 1 commentaire(s)
Siege de l'Union Africaine (Addis Abeba) en Ethiopie.

Le 21 mars 2018, les chefs d’Etat et de gouvernement de l'Union africaine ont signé à Kigali, au Rwanda, un accord portant création d’une Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAF) qui prévoit notamment la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux ainsi qu’une suppression jusqu’à 90 % des droits de douane sur les biens et les services échangés entre les pays africains.

Après s’être montré réticent, le Nigeria, première économie d’Afrique en termes de PIB (produit intérieur brut) et premier marché en termes de population, a finalement décidé de ratifier l’accord de la ZLECAF, à l’issue d’une étude d'impact sur les effets de la ZLECAF sur son économie.

Au final, sur les 55 pays africains, à l’exception de l’Érythrée, 54 ont signé l’accord de la ZLECAF et 34 pays l’ont déjà ratifié dans l’optique de créer une chaîne de valeur propre au continent africain.

Le but de la ZLECAF est de rassembler aujourd’hui les 1,3 milliard d’habitants qui peuplent l'Afrique (2,5 milliards en 2050) au sein d’un marché commun pesant 3 400 milliards de dollars, avec pour objectif de créer la plus grande zone de libre échange au monde depuis l’avènement de l'OMC (Organisation mondiale du commerce).

Prévue sur un horizon maximal de quinze ans, la mise en place de la ZLECAF vise à créer une dynamique économique qui aurait de multiples effets dont celui d’augmenter le niveau des échanges commerciaux intra-africains, de 16 % aujourd’hui, à 60 % à l’horizon 2034 (Europe 70 % et Asie 60 %), de renforcer l’intégration africaine et d’accroître la part de marché de l’Afrique dans le commerce mondial, de 3 % actuellement, à plus de 10 %.

Officiellement, cet accord de libre échange est entré symboliquement en vigueur le 1er janvier 2021, après avoir été retardé pour cause de pandémie du Covid19 qui rendait les rencontres et négociations impossibles. On comprend mieux pourquoi la question de la ZLECAF a été longuement évoquée par le président Ali Bongo dans son discours de vœux à la nation. Pour être pleinement applicable, ce traité de la ZLECAF doit être complété notamment sur les points relatifs à l’offre tarifaire, au calendrier de baisse des droits de douane, aux catégories de produits concernés et au niveau de la part africaine contenue dans un produit manufacturé.

Pour être véritablement opérationnel, le traité de la ZLECAF doit relever quatre défis d’ordre politique, juridique, infrastructurel et sécuritaire.

Sur le plan politique, ce pacte africain va se heurter au nationalisme et à la politique protectionniste de certains États, mais également aux tensions politiques, à l’image de celles entre l’Algérie et le Maroc, qui font l’objet d'une fermeture des frontières entre les deux pays.

Sur le plan juridique, outre les lourdeurs et les tracasseries bureaucratiques, les accords de partenariat économique tissés entre certains États africains et l'Union européenne (UE) ou les Etats-Unis et le Canada peuvent être un frein au déploiement de la ZLECAF ainsi que le problème de la gestion et de l’harmonisation des droits de propriété intellectuelle.

Sur le plan infrastructurel, le développement de l’accord sur la ZLECAF sera ralenti par l’insuffisance des infrastructures de connexion intra-africaine notamment en matière routière, ferroviaire et énergétique.

Sur le plan sécuritaire, les problèmes d’insécurité notamment de terrorisme au Sahel dans la zone des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso ou l’instabilité dans la région des Grands Lacs, les groupes rebelles en Centrafrique, le groupe terroriste Boko Haram au Nigeria ou encore la crise anglophone au Cameroun sont autant de facteurs qui risquent de créer des externalités négatives dans l’atteinte des objectifs de la ZLECAF.

Pour gérer la mise en œuvre progressive de ce traité, les chefs d'Etat africains ont créé un secrétariat de la ZLECAF, organe technique de pilotage dont le siège est situé à Accra, au Ghana.

Dans le cas du Gabon, il aurait été pertinent qu’avant signature, l'Etat fasse une étude d’impact et d’évaluation des opportunités et menaces liées à la participation à la ZLECAF.

À propos du risque pays, il y a la crainte que l'accord favorise les pays les plus compétitifs comme l’Afrique du Sud au détriment des économies moins développées telles que le Gabon.

Pour pallier ce risque, il serait pertinent que l'Etat gabonais affine son approche d’intégration africaine et d’industrialisation nationale notamment par la promotion d’une politique de « champions nationaux » et une stratégie « capital intensive » pour développer des pôles de compétitive et de croissance à vocation d’exportation.

Pour conclure, il faut comprendre que l’Union européenne, après la signature du traité de Rome, a mis soixante ans pour avoir son marché unique. Par conséquent, un tel projet est un processus qui prendra plusieurs décennies pour achever la construction de la ZLECAF.

Vichanie MAMBOUNDOU

Article du 20 février 2021 - 3:55pm
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