L'opinion et l'émotion

Par Brandy MAMBOUNDOU / 22 déc 2021 / 0 commentaire(s)

L’un des meilleurs de sa génération, de par sa franchise et sa fidélité dans ses relations, l’auteur de cette tribune est un vrai patriote chevillé au corps. Tant et si bien qu’au fil des années, l’observation du fonctionnement de la société gabonaise est devenue sa passion. D’une plume alerte, il invite bon nombre de ses compatriotes à s’arrêter un moment et à lire son constat d’un pan de notre quotidien….

Quand pour des raisons de crimes de sang, les gens passaient par les armes au bord de mer à la célèbre place dite Hollando, un commerce voisin qui aura malheureusement donné son nom à cette scène macabre, j'étais encore tout mineur. Aujourd'hui grand père, j'entends encore les cris de la foule acclamant la violence de la mort, surtout les femmes qui semblaient jouir abondamment de ce qu'elles ressentaient comme une vengeance quand les hommes solidement attachés aux poteaux étaient transpercés de balles.

Dans les colonnes de la Bible satanique, un fascicule très bon à lire que j'ai découvert en ligne, la vengeance est effectivement proclamée aussi vrai qu'elle relève de la loi de Moïse : œil pour œil, dent pour dent. 

En retour, associées à la morale universelle et à la paix, Les Saints Evangiles proclament le pardon, même si la sainte Bible semble faire à travers l'ancien Testament l'apologie des guerres. 

Mais, que dit la justice rendue au nom du peuple, pour le peuple, et par qui ?

Rendre justice en certaines circonstances ou régulièrement pourrait relever d'un exercice parfois très embarrassant quand on n'est pas structurellement libre.

Aussi, d'aucuns disent ou pensent que dans la grande population de Gros Bouquet par exemple, il y a des innocents.

Il en ressort un paradoxe susceptible d'engendrer des soupçons de manipulation ou d'immixtion des gros bras ou des grosses couilles dans les contrées de la justice, quitte à déséquilibrer les mesures de la balance.

Ainsi, sur des petits faits de cannabis, seuls les enfants de Cocotiers, Atsibe-Ntsos, Alalango-DP, Nkembo... seront couchés comme du gibier dans des véhicules allant à vive allure. Ces mêmes véhicules qui pourraient déposer cordialement d'autres enfants de Là-Bas autorisés à fumer partout où besoin sera.

Cependant, la justification d'une longue nuit de patrouille voudrait bien que des petits vilains soient présentés à l'opinion comme des fauteurs de troubles.

Il subsistera in fine une opération susceptible de conduire les mères qui vendent à même le sol le long des trottoirs des marchés dans leur propre pays, à sacrifier une matinée d'affaires pour aller s'agripper en signe de deuil aux grilles d'un commissariat ou d'une brigade.

Contre cette douleur atroce d'une mère qui élève ses enfants au bout du sacrifice, il y aura toujours et malheureusement des voix de crapauds qui vont s'élever dans des vulgaires petits coins de consommation d'alcool à 25 ou 50 FCFA la dose, pour dire qu'il faut en finir avec eux. 

Ah bon hein ?

Les enfants d'autrui ?

Qu'en savez-vous pauvres cons enclins à la cirrhose ?

Allez-y à l'hôpital !

C'est tout pour vous.

On ne se prononce pas à la légère sur des affaires qu'on ne connaît pas. La cruauté qui règne dans les réseaux criminels est telle que le voleur c'est celui qu'on attrape. Tel que nous le voyons dans le film Gomorra décrivant la mafia sicilienne, la logique liée à la protection du clan voudrait que tout élément tombé dans les mailles de la police soit rapidement refroidi au risque d'aller ouvrir la bouche devant le juge.

C'est pour cette raison que l'opinion que les professionnels de la manipulation savent aussi sensible qu'une girouette, soufflent très fort dessus pour susciter une grande émotion qui absorberait soit une décision de justice arbitraire, soit un infarctus qui surviendrait en cellule.

À l'échéance des grands scandales mettant à mal la quiétude nationale, il n'est pas nécessaire d'imiter cette foule qui a exigé à Pilate de lui livrer Jésus alors qu'il y avait un criminel à côté. Une foule manipulée par les Romains voulant se débarrasser de Jésus, un gêneur.

Ainsi, ceux qui ont tué l'enfant d'autrui sur la croix sont les mêmes qui ont écrit et raconté comme nous l'enseignait feu Papa Victor le catéchiste de l'église Sacré-Cœur de mon village que 《be juifs be kiélé gne élé la crouwa》comme pour dire qu'il avait été crucifié par les Juifs. Or, la crucifixion est foncièrement romaine et non juive.

Attention à la manipulation. Il n'y a aucune raison de sombrer dans l'émotion.

À l'instar du Copil Citoyen, s'il y a une action à mener, il faudrait simplement exiger la justice pour tous afin que chacun porte sa croix.

Corneille Ollomo Ekoga

 

Article du 22 décembre 2021 - 10:41pm
Article vu "en cours dév"

Nombre de Commentaires (0)

Faites un commentaire !