Lutte contre le Covid : avec ou contre les populations ?
L'évolution de la pandémie du Covid-19, on l'a peut-être déjà oublié, ressemble à s'y méprendre à celle du SIDA, dans les années 80-90. Elle avait commencé à atteindre un petit nombre personnes. Au début, le déni de la maladie était puissant et les traitements approximatifs, au point que plusieurs malades ont dû se retourner vers la médecine traditionnelle en quête de guérisons miraculeuses.
La menace était tout aussi grave. Avant l'apparition, puis la généralisation des antirétroviraux, plusieurs pays, notamment en Afrique australe, ont failli être décimés par cette maladie. Une guerre mondiale avait été lancée contre le SIDA. Notre pays a su y faire face grâce à la sensibilisation et à l'adaptation de son système de soins, avec en particulier, la création du Programme national de lutte contre le sida (PLNS) ainsi que des Centres de traitement ambulatoire (CTA) dans tous les centres hospitaliers régionaux.
Qu'ont fait les autorités, aidées en cela par les partenaires internationaux et s'appuyant sur les corps intermédiaires - associations, ONG, églises ? LA SENSIBILISATION de masse et de proximité !
Aux spots télé et radio, aux campagnes d'affichage se relayaient sur le terrain des associations avec distribution gratuite de préservatifs. Avec l'augmentation vertigineuse du nombre de malades, des morts et surtout, lorsque chacun a connu des cas dans sa propre maison, la prise de conscience s'est généralisée.
Résultat : aujourd'hui, aucun Gabonais n'ignore qu'il court et fait courir à l'autre un risque mortel en cas de rapports sexuels non protégés. Mais cela relève de sa responsabilité personnelle.
À aucun moment, la puissance publique n'a érigé des check-points pour vérifier si les automobilistes détenaient des réserves de préservatifs dans leurs véhicules ou que chaque passager en possédait.
À aucun moment, la force armée n'a débarqué dans les motels pour vérifier si les couples qui y prennent du plaisir utilisaient bel et bien des préservatifs. Le traitement de la pandémie du Covid est, lui, totalement à l'opposé. D'abord, il dénie aux citoyens adultes que nous sommes, tout sens de responsabilité et de discernement. Quand nous votons et, majoritairement, le parti au pouvoir, nous sommes considérés comme responsables. Mais dans le cas de la lutte contre le Covid, nous sommes traités avec mépris, en véritables mineurs assistés, en délinquants invétérés qu'il faut corriger à la chicotte. La répression qui s'abat sur les populations, l'incompréhension que suscitent certaines décisions et, surtout, leurs conséquences néfastes immédiates sur notre quotidien déjà durement éprouvé longtemps avant la survenance de cette maladie, ne peuvent que nous rendre réfractaires à l'autorité, que dis-je, à l'autoritarisme.
Ensuite, la sensibilisation de masse et de proximité couplée au dépistage sont totalement absents. N’était l’obligation de présenter un test Covid avant de voyager, le Comité de pilotage (COPIL) ne se serait appuyé que sur les personnes admises en milieu médical pour alimenter ses statistiques. Sorties des grands axes routiers et des véhicules, les populations sont livrées à elles-mêmes dans leurs zones d’habitat et là, la féroce répression montre ses limites.
Très sincèrement, combien de vies sauve-t-on du Covid par le fait de ramener le couvre-feu de 20h à 18h, étant donné qu’une journée de travail s'chève officiellement à 16h30 ? En temps normal, il est impossible de rallier les zones périphériques de la capitale en fin d'après- midi en moins de 3 h, compte tenu des embouteillages endémiques liés à une étroitesse du réseau routier. Conséquence : Libreville s'est transformée en un véritable capharnaüm aux heures de pointe. Quel dirigeant sérieux peut-il s'en réjouir ? Plus ubuesque est l'exigence de présenter un test Covid à l'entrée des restaurants. Dans ces lieux, la distanciation n'a pas attendu le Covid, elle fait partie des règles de la profession. Personne ne mange dans l’assiette de l’autre, même quand les convives sont des familiers. Mieux, dans les établissements les plus prisés, lorsque toutes les places sont occupées, les nouveaux arrivants sont obligés de faire preuve de patience, attendant que des places se libèrent. On voudrait tuer ce secteur, comme d’autres, qu’on ne s’y prendrait pas autrement. La faillite des restaurateurs, c’est celle de leurs fournisseurs, de leurs bailleurs, ce sont des difficultés pour les banques créancières, c’est l’aggravation du chômage.
Dans ce combat où toute décision mérite d’être préalablement et minutieusement examinée dans toutes ses dimensions, il est manifeste et dommage que ceux dont le rôle est précisément de sauvegarder l’activité économique, car seule productrice de richesses, ne puissent peser de tout leur poids face à la toute-puissance des responsables en charge de la Santé et de la Sécurité.
Comme l'a écrit le Dr Romuald Assogho de l'Université Omar Bongo, sur sa page Facebook, ''Pour prendre des mesures aussi décalées de la réalité socio-économique de son pays et du quotidien de ses concitoyens, il faut non seulement vivre dans une bulle éthérée et anesthésiante au-dessus de la multitude, mais aussi se bercer de l’assurance que jamais on aura à rendre des comptes de ses actes.'' De surcroît, la crédibilité de l'action gouvernementale est davantage mise à défaut au constat regrettable de la mercantilisation éhontée des outils de dépistage du Covid, laquelle sera accentuée par la réduction de moitié de la durée de validité des tests. L'opinion a beau jeu de croire que derrière tout ce tapage se cache un gros business, au bénéfice, comme c'est de coutume, d'un quarteron de profito-situationnistes, l’opacité dans la gestion de ces fonds constituant un facteur aggravant.
La Covid-19 est un fait, une réalité. On ne la vaincra pas sans l'adhésion des populations elles- mêmes.
La Chronique de Jean Valentin Leyama
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