Macky Sall : Problème sénégalais devenu.

Par Brandy MAMBOUNDOU / 25 mar 2021 / 0 commentaire(s)
Le président Macky Sall.

Alors qu’il croyait avoir obtenu l’accalmie après son appel à l’apaisement et la liberté provisoire accordée à son principal opposant, Ousmane Sonko, placé en garde à vue pour « trouble à l’ordre public » à la suite des manifestations de ses partisans, le président sénégalais fait plutôt face à un tir groupé de l’opposition, qui a décidé de former une coalition.

Macky Sall, qui semblait être le chouchou de ses compatriotes au regard de sa réélection éclatante en 2019, apparaît désormais comme le problème sénégalais, ou « le variant sénégalais » en ces temps de crise sanitaire due au Covid-19.

La crise politique naissante au Sénégal, que Macky Sall devrait s’employer à vite éteindre s’il veut gouverner avec un minimum de sérénité jusqu’au terme de son mandat en 2024, donne l’occasion à ses adversaires écartés de la course à la fonction présidentielle de prendre leur revanche. Khalifa Sall a été le premier à appeler à la constitution d’un front de l’opposition. L’ancien maire de Dakar, toujours populaire, avait vu ses chances compromises à la suite d’une condamnation pour détournements de deniers publics. Il a bénéficié d’une grâce présidentielle après le scrutin de 2019.

Depuis son exil qatari, Karim Wade encourage le Parti démocratique sénégalais (PDS), créé par son père et dans lequel Macky Sall a subi sa formation politique, à rejoindre le front contre le président sénégalais. Le fils du président Abdoulaye Wade (au pouvoir de 2000 à 2012) avait été condamné, avant Khalifa Sall, pour mauvaise gestion de l’argent public destiné à la tenue d’un sommet de l’Organisation de la conférence islamique. Lui aussi avait bénéficié de la grâce présidentielle. Vers la fin du mandat de son père, Karim Wade était considéré comme le dauphin et Abdoulaye Wade accusé d’organiser une dévolution monarchique du pouvoir. Le fils réussit (seulement) à s’emparer du parti de son père.

La révélation de la dernière élection présidentielle.

Naturellement, la coalition de l’opposition en gestation a pour centre de gravité Ousmane Sonko. Le quadragénaire, sans envergure politique jusque-là, a été la révélation de la dernière élection présidentielle, en ayant réussi l’exploit de se hisser à la troisième place, derrière les deux vétérans que sont Macky Sall et Idrissa Seck, Premiers ministres sous Wade. Depuis le ralliement de Seck au président de la République, qui l’a nommé président du Conseil économique et social, Sonko est devenu, en toute logique, le chef de file de l’opposant.

Le basculement inattendu d’Idrissa Seck dans la majorité présidentielle, bien que Macky Sall et lui soient d’anciens camarades du PDS, pousse une bonne partie de l’opinion sénégalaise à prêter au chef de l’Etat actuel l’ambition de briguer un troisième mandat, d’autant que la Constitution a été modifiée avant le scrutin de 2019 aux fins d’instaurer un quinquennat, au lieu du septennat. Selon certains constitutionnalistes, les compteurs ont été remis à zéro et le présent mandat de Macky Sall est considéré comme le premier au sens de la nouvelle Constitution. Un débat du même genre fit rage sous Wade, qui connut son épilogue avec la défaite du président en 2012, face à son ancien lieutenant Macky Sall.

Jusque-là, le président de la République ne fait rien pour couper court aux supputations. Les ennuis judiciaires de Sonko ajoutent donc à la suspicion. Les Sénégalais y voient les mêmes manœuvres qui ont écarté Karim Wade et Khalifa Sall de la course au fauteuil présidentiel.

Candidat à un troisième mandat.

On peut parier que la fronde contre Macky Sall ne pourra s’éteindre que si le président de la République dit sans fioriture qu’il ne sera jamais candidat à un troisième mandat. Et il a intérêt, car la crise politique naissante vient se greffer sur la crise sanitaire liée au coronavirus, elle-même à l’origine d’une crise économique. Ce ne sont pas les mesures sociales annoncées dans son adresse au lendemain des émeutes et des pillages à Dakar, principalement, qui vont calmer la tension.

Macky Sall a déjà perdu la face, d’autant que la gouvernance du héraut de la lutte contre les détournements des deniers publics n’est pas aussi vertueuse que cela. L’inspecteur des impôts Ousmane Sonko a d’ailleurs bâti sa réputation d’homme « antisystème » en dénonçant des irrégularités dans l’administration fiscale, dont il fut radié en 2016.

Il ne reste plus au président de la République qu’à organiser sa sortie en douceur, pour son bien, pour celui des Sénégalais et pour la démocratie sénégalaise, dont, de l’avis de ses compatriotes, il est devenu une véritable menace. La carrière politique du fils spirituel d’Abdoulaye Wade s’en va en eau de boudin, comme celle du père spirituel.

 

Brandy MAMBOUNDOU

Article du 25 mars 2021 - 1:54pm
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