Même s’il continue d’accorder des audiences à des partenaires et de prendre des arrêtés, comme celui qui relève Max Florent Ndong Moukandjo de ses fonctions d’inspecteur général municipal, le maire de Libreville, Eugène Mba, se sait sous pression et sur un siège éjectable. Selon nos informations, ses jours à la tête de l’Hôtel de ville sont comptés.

Plus que l’affaire des 338 millions de FCFA du marché de curage des caniveaux, c’est le rappel à l’ordre que lui a fait la gouverneure de l’Estuaire, Marie Françoise Dikoumba, qui renseigne que l’édile de la capitale a perdu le soutien des autorités. C’est la première fois qu’un maire de Libreville issu du Parti démocratique gabonais (PDG), le parti au pouvoir, se voit recadré de la sorte.

En effet, alors que les dépassements des quotas des collaborateurs du maire sont monnaie courante, la gouverneure de l’Estuaire a pris ce 18 mai un arrêté portant suspension des recrutements et des nominations à la mairie de Libreville. Or, en son temps, Léandre Nzué, le prédécesseur d’Eugène Mba, était entouré d’une pléthore de conseillers, au vu et au su de la tutelle.

L’édile de la capitale a commencé à avoir le sommeil troublé quand l’affaire du marché du curage des caniveaux a éclaté. Eugène Mba a ordonné le décaissement de la somme de 337 936 304 FCFA au profit de Jeta Groupe, l’entreprise adjudicataire du marché, du reste passé de gré à gré, semble-t-il. Il a fallu la vigilance du directeur général des finances, Gisèle Yolande Mombo, qui a fait remarquer au maire que les procédures de paiement n’avaient pas été respectées et que, en plus, le service n’avait pas encore été « fait ». Une première où un collaborateur « rappelle sèchement » à son supérieur le sacro-saint principe du respect des procédures.

Il n’en fallait pas plus pour que certains y voient une tentative de détournement de fonds publics et que le maire perde l’estime des autorités qui avaient jeté leur dévolu sur lui. Eugène Mba aurait été préféré aux autres cadres du PDG pour son passé de banquier réputé rigoureux, afin de vite faire oublier l’épisode Léandre Nzué, évincé pour détournements de fonds, concussion et corruption présumés. Pour sûr, plusieurs compatriotes de sa génération sont formels : « Eugène Mba est de nature honteuse, dans le sens noble du terme. Sauf si les gens changent avec l’âge, se mettre dans des postures irrégulières de détournement de fonds est loin d’être l’un de ses traits de caractère. »

Selon nos informations, « quelque chose » se serait passé lundi dernier. Mais quoi ? Cette question renvoie à une autre : des éléments de la DGR (Direction générale des recherches) sont-ils arrivés dans le bureau du maire de Libreville pour lui demander de démissionner ? Interrogée, une source proche du cabinet du successeur de Léandre Nzué trouve cette démarche « invraisemblable ». Et d’ajouter que « dans le contexte gabonais, rien n’est à exclure ».

Pour sûr, coup sur coup, Eugène Mba a délégué une partie de ses prérogatives à son 4e adjoint, Edouard Nziengui Nziengui, et a limogé de l’inspecteur général municipal, Max Florent Ndong Moukandjo. Sur ce dernier aspect, le futur occupant de ce poste sera choisi par… Ian Ngoulou, l’homme qui n’est plus à présenter.

Vraisemblablement, Eugène Mba risque de faire long feu à la tête de la plus grande municipalité du pays. Comme si le fauteuil de maire de Libreville était frappé de malédiction ces derniers temps.

Brandy MAMBOUNDOU