Mairie de Libreville : la leçon Léandre Nzue

Par Nicolas NDONG ESSONO / 03 mar 2021 / 1 commentaire(s)
(Léandre nzue, ex-maire de la ville de Libreville)

Son bref passage à la tête du conseil municipal a montré plusieurs choses : l’absence d’éthique chez certains compatriotes, le degré de misère de bon nombre de Gabonais, l’existence de beaucoup d’argent à la mairie de Libreville, le sentiment d’impunité…

Alors que certains membres du système Bongo-PDG prenaient leurs distances avec l’ex-édile, aujourd’hui à Sans Famille (la prison centrale de Libreville), beaucoup d’autres l’ont activement soutenu, dont l’ex-Premier ministre Julien Nkoghe Bekale et pratiquement toutes les couches sociales du pays. Léandre Nzue comme s’il vous était conté !

Le 3 février 2019, Léandre Nzue, jusque-là connu pour son activisme débordant auprès du chef de l’Etat, est élu maire de Libreville. Dans l’entourage de son prédécesseur, Rose Christiane Ossouka Raponda, on reste sceptique sur « la capacité de cet homme au caractère « menfoutiste » de respecter certaines règles de fonctionnement d’une administration ».

Et pan ! Dans son billet « Pour moi quoi… Makaya », notre confrère « L’Union », le 12 mars 2019, ressasse les faits d’arme, pas du tout glorieux de Léandre Nzue et assène : « Tout le monde en parle, son passé fait de brutalité sur les commerçants, de porteurs de valises de Jacky-mille encyclopédies, de « miang » récolté dans des conditions pas claires, d’implication dans d’affaires bizarres à l’Hôtel de ville a été l’argument solide avancé par ceux qui le détestent. »

Des propos qualifiés de « jugements de valeur et affirmations péremptoires frisant l’injure » et condamnés par la Haute autorité de la communication (HAC), qui, le 14 mars, prenait une sanction inédite : « l’interdiction d’un mois de l’exercice de la fonction de journaliste et de la fonction de directeur de la publication du journal L’Union de Lin Joël Ndembet ». Dans ‘entourage de Léandre Nzue et Raphaël Ntoutoume Nkoghe (président de la HAC), au moment des faits, on ergotait autour d’une main noire de Rose Christiane Ossouka Raponda derrière Lin Joël Ndembet. D’où cette sanction, croyait- on savoir ici et là. D’autant plus que, depuis les élections législatives de 2018, les rapports étaient houleux entre elle et Léandre Nzue.

Toutefois, c’est dans cette atmosphère de suspicion que Léandre Nzue commence son magistère. Très vite, les craintes des uns et des autres se confirment. Ses actes jugés… répréhensibles par la clameur populaire transpirent des murs épais de la mairie de Libreville. La presse s’adonne à cœur joie et relate les incessants voyages « de monsieur le maire » aux quatre coins du monde et sa propension au bling bling. Lui, l’enfant terrible du 2 e arrondissement de Libreville, n’en a cure. Il est porté, presque en tipoye, par tous. Le 13 septembre 2019, le très opportuniste hebdomadaire panafricain « Jeune Afrique » (« Jeune à fric » ?) publie un article à sa gloire sous le titre « Gabon : dix choses à savoir sur Léandre Nzué, le maire de Libreville ». Il y est écrit : « Quand il (Léandre Nzue : NDLR) part bille en tête, il n’a peur de rien et finit souvent par obtenir ce qu’il veut. »

Sauf que, même s’il obtient ce qu’il veut, il croupit à Sans Famille depuis le 15 septembre 2019. Le procureur de la République, André Patrick Roponat, qui s’exprimait ce jour-là, a communiqué la longue liste des chefs d’accusation qui pèsent contre le maire Léandre Nzue : association de malfaiteurs, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux, extorsion de fonds, concussion, corruption passive, chantage, faux, usage de faux et complicité de faux. Voilà pour les faits passés.

Aujourd’hui, bien qu’il soit en prison, la page Léandre Nzue est loin d’être tournée à la mairie de Libreville. Son successeur, Eugène Mba, dès sa prise de fonction le 4 janvier 2021, a pris, deux jours plus tard, une décision radicale : la radiation de 309 personnes, qui étaient employées au cabinet l’ex-maire, dont l’épouse d’un général de gendarmerie, des fonctionnaires, des compatriotes d’horizons divers et variés…

 Au reste, l’affaire Léandre Nzue s’apparente à un serpent qui se mord la queue. Le pouvoir, doté de tous les canaux de renseignement possibles, était au courant du background de l’édile actuellement en prison. Au lieu de promouvoir d’autres cadres de la province de l’Estuaire issus de la communauté fang, il a choisi Léandre Nzue malgré les avertissements de certains. Ce qui devrait arriver arriva. Alors que le décret 401 et l’arrêté 28.1 imposent un effectif de 24 personnes au cabinet du maire, lui, Léandre Nzue, aurait nommé 284 personnes, soit 260 en plus.

Mais à qui la faute ? Dans un pays où « le mouton broute où il est attaché », l’élite comprador fait toujours abstraction des règles. Intouchable, surtout lorsqu’on dit « soutenir Monsieur le président de la République, chef de l’Etat », Léandre Nzue a appelé ses parents, amis et connaissances « au festin municipal ». D’autant plus que la misère ambiante n’offre aucune perspective aux enfants de ce pays. Alors que les Maixent Accrombessi, Liban Soleiman… ont joué avec l’argent de ce Gabon sans être inquiétés.

Léandre Nzue a donc sorti de la misère bon nombre de familles, au-delà même de son groupe ethnique, les Fang de l’Estuaire et surtout de son mentor, Julien Nkoghe Bekale, à l’époque tout-puissant Premier ministre. Pour autant, la mairie de Libreville est-elle tombée en faillite ? Non, cela montre qu’il y a de l’argent pour tout le monde dans ce pays. Il suffirait simplement d’une meilleure optimisation des ressources communes pour changer la vie des filles et des fils de cette Nation.

Toutefois, l’exemple du passage de Léandre Nzue à la tête de la mairie de Libreville est le symbole de la déchéance collective de ce pays. Pour peu qu’un Gabonais devienne dépositaire de l’autorité de l’Etat, il méprise les règles et n’écoute que son ego. Ceux qui l’ont approché décrivent un homme qui aurait perdu le sens de la mesure. Notamment l’acquisition de nombreuses voitures de luxe (son dada, parait-il) pour son parc automobile.

Dans tous les cas, la leçon Léandre Nzue est à méditer par tout le monde.

 

Nicolas NDONG ESSONO

Article du 3 mars 2021 - 2:22pm
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