Mathurin Mengue Bibang : « la CNSS n’obéit pas aux règles de base d’éthique, de déontologie et de management d’une structure de ce type »
Ainsi parle le Porte-parole de l’Anareg qui réaffirme la détermination de ces presque « pestiférés » de la République d’aujourd’hui, et pourtant grands commis de l’Etat et cadres dans le privé d’hier d’aller au bout de leurs revendications. Les retraités broient du noir. En cause, la gestion scabreuse de certaines structures chargées de gérer, entre autres, les pensions vieillesse. C’est le cas de la CNSS. Là-bas, le bradage d’une propriété de cette structure par son directeur général dénote d’une mauvaise gestion du bien commun. Lecture !
Gabonclic.info : Bonjour Monsieur le Responsable de la Communication de l’Association nationale des retraités du Gabon (ANAREG). Vous entamez votre deuxième année d’existence, quel est votre mode de fonctionnement et comment se porte votre association ?
Mathurin Mengue Bibang : L’Association nationale des retraités du Gabon, en abrégé ANAREG, trouve son fondement sur la volonté de certains compatriotes retraités des secteurs public, parapublic et privé de prendre leur destin en mains, pour que le retraité d’aujourd’hui et de demain ne se sente plus maltraité ni considéré comme un résidu de la société.
Comme toute association qui se veut sérieuse et constituée de femmes et d’hommes de valeur, nous avons un Bureau Exécutif, un Bureau National et ses démembrements locaux qui s’étendent au-delà de nos frontières.
En créant l’ANAREG, nous avons pris l’engagement de nous prendre nous-mêmes en charge en nous plaçant au-devant de la scène sur les sujets qui concernent notre bien-être et aussi celui des générations futures envers qui, je pense, nous avons une grande responsabilité. Nous avons également clairement indiqué que notre démarche consistait à prévenir les éventuels conflits avec les institutions en charge de la gestion des retraités car ‘‘les effets collatéraux sont imprévisibles, et surtout à redouter, avons-nous toujours indiqué.
Dans ce sens, nous avons tenu à démontrer notre volonté à faire respecter les lois et règlements en vigueur au Gabon.
C’est pour cela que l’Association a sollicité et obtenu des rendez-vous avec les organismes d’Etat et les institutions en charge des problèmes des retraités et de la gestion de leurs pensions : Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), Caisse des Pensions et des Prestations Familiales (CPPF), Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS), Conseil d’Etat, Agence Judiciaire de l’Etat (AJE), Ministère du Budget et des Comptes Publics, et aussi le Conseil National de Sécurité, le Ministère des Affaires Sociales, des Droits de la Femme, seule entité qui n’a jamais trouvé le temps de nous recevoir.
Autant nous pouvons exprimer notre satisfaction sur le plan de l’organisation et des résultats en interne, autant nous estimons, sur le plan externe, qu’il y a matière à amélioration et nous nous y attelons.
L’actualité parle beaucoup des retraités, arrimage des pensions, non-paiement des pensions dans les délais, par la CNSS, vente illégale des actifs de la CNSSS, etc. Quelle est l’analyse de l’ANAREG ?
En effet, l’actualité de ces derniers jours a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Cela nous conforte aussi bien dans nos objectifs d’intéresser tous les Gabonais, retraités ou pas, à la problématique de la retraite au Gabon. C’est un sujet qui concerne notre bien-être, ainsi que celui des générations futures envers qui, je pense, nous avons une grande responsabilité. Ce n’est pas par hasard que sous d’autres cieux, certains retraités sont considérés comme des séniors.
Mais ici au Gabon, nous avons malheureusement pris la mauvaise manière d'attendre la détérioration des situations pour esquisser des solutions.
Concrètement, qu’avez-vous fait ?
Depuis des mois, nous avons expliqué et suggéré des approches participatives à toutes les entités en charge de la gestion de retraités. Nous avons reçu en retour le silence alors qu'il s'agissait de prendre des décisions importantes et urgentes pour l'avenir de notre patrimoine commun, à l’exemple de la Caisse Nationale Sécurité Sociale.
A titre d’exemple, la récente vente d’une propriété de la CNSS par son directeur général était supposée contribuer en partie à résoudre ponctuellement un souci de trésorerie. En réalité, cette vente aurait été réalisée très en dessous de sa valeur vénale et sans appel à manifestation pour une mise en concurrence des potentiels acquéreurs. Cela montre que l’institution est surtout confrontée à une situation structurelle et de gouvernance. Pour l’ANAREG, la CNSS n’obéit pas aux règles de base d’éthique, de déontologie et de management d’une structure de ce type. Les décisions y sont prises de manière aléatoire et superfétatoire au gré des humeurs et des intérêts individuels, au mépris des règles qui la régissent et sans tenir compte du contexte. Situations qui créent de nombreuses interrogations et une tension sociale prévisible.
Nous sommes convaincus que le redressement de la CNSS ne peut pas se faire par la vente de ses actifs, mais par la refonte de son organisation et la maîtrise de ses charges de fonctionnement incluant les charges de personnel, d’une part, et la pérennisation de produits suffisants pour couvrir les charges de fonctionnement de l’institution et les prestations sociales à rendre, d’autre part.
Nous ne croyons donc pas aux décisions prises sous la précipitation sans concertation préalable, en essayant de faire croire que toutes les parties sont consentantes pour mieux les discréditer. L'ANAREG a toujours fait connaître clairement ses objectifs de façon transparente et continuera de le faire.
Que comptez-vous faire par rapport à ce bradage des actifs de la CNSS ?
En notre qualité de partie prenante, nous envisageons de récuser cette vente, pour rétrocéder ce patrimoine à qui de droit.
Nous disons oui à la discussion, à la concertation, mais dans le respect des opinions, de la transparence et des principes universels de management appropriés qui gouvernent la gestion des entités en charge des retraités tels que soulignés par des organismes sous régionaux. Toute autre approche, basée sur une stratégie de gain de temps ou de distraction, ne fera qu'amplifier les problèmes et encourager les mouvements sociaux. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Nous, membres de l’ANAREG, refusons d’être les victimes ou les complices d’un tel système sans réagir !
Que retenez-vous de la volonté du gouvernement de résoudre les problématiques des retraités ? Pensez-vous qu’une réforme institutionnelle devrait se faire pour améliorer le quotidien du retraité gabonais ?
En premier lieu, nous ne pouvons que marquer notre surprise sur le temps perdu par les autorités pour résoudre les multiples problèmes auxquels est confrontée cette couche de la population.
A titre d’exemple : comment comprendre qu’en juillet 2015, les salaires ont été augmentés sans avoir pensé à l’impact de cette décision salutaire sur la pension vieillesse ?
Si l’on considère déjà que depuis 1975, le montant des pensions n’a pas été révisé, rien qu’en tenant compte du taux d’inflation annuel publié chaque année, nous sommes interloqués et comprenons les mouvements de contestation organisés par les compatriotes un peu partout dans le pays.
En définitive, pour répondre au second volet de votre question, il est bien entendu qu’une réforme institutionnelle serait la bienvenue, à condition que toutes les parties prenantes soient intégrées dans cette réforme pour qu’elle ne soit pas réalisée à l’insu des partenaires sociaux. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’ANAREG a souhaité prendre part à toutes les initiatives du gouvernement, y compris les conseils d’administration des organismes dédiés à la vie des retraités.
Vous vous exprimez rarement dans les médias. Peut-on en connaître la raison ?
Nous estimons pour notre part que toute prise de parole se fait lorsque les intérêts des retraités ne sont pas suffisamment pris en compte.
Nous nous réjouissons des multiples interventions des syndicats qui ont presque tous inscrit la problématique des retraités dans leurs agendas respectifs. Ces syndicats s’expriment pour la même cause, nous ne voyons aucune utilité d’en rajouter lorsque cela n’est pas nécessaire.
Et pour conclure ?
Déjà vous remercier de nous avoir ouvert vos colonnes. Nous savons pour certains médias que ce n’est pas évident, compte tenu de notre méthodologie qui nous pousse à aller plus en profondeur dans nos analyses et dénonciations tout en proposant des alternatives.
L’opportunité que vous nous offrez nous permet de rappeler que nous attachons une grande importance au partenariat gagnant gagnant et à la sérénité sociale. Mais en nous inscrivant dans ce cadre, il ne s’agit pas, bien entendu, de donner un chèque en blanc à nos interfaces.
Au nom de l’ANAREG, je vous remercie pour cette interview.
Propos recueillis par Dess Bombe
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