Namibie : Un double scrutin au croisement de l’histoire et de la crise
Les Namibiens attendent fébrilement les résultats des élections présidentielle et législatives du mercredi 27 novembre 2024. Ce double scrutin pourrait signifier bien plus qu’un simple renouvellement de la classe politique, il cristallise les espoirs de changement dans un pays marqué par des décennies de gouvernance hégémonique et des fractures socio-économiques béantes.
Netumbo Nandi-Ndaitwah, vice-présidente et candidate du SWAPO, le parti historique au pouvoir depuis 1990, est largement pressentie pour succéder au président Hage Geingob. À 72 ans, cette figure de la lutte pour l’indépendance pourrait devenir la première femme présidente de la Namibie, un fait marquant dans l’histoire du pays. Toutefois, au-delà du symbole, sa candidature incarne également une continuité qui pourrait ne pas séduire un électorat en quête de renouveau. Le SWAPO, pilier de la libération nationale, est aujourd’hui perçu comme une force usée, incapable de répondre aux défis contemporains.
Pour preuve, lors des élections de 2019, le SWAPO, avait enregistré un net recul, passant de 86 % des suffrages en 2014 à 56 %. Cette désaffection, loin d’être anodine, serait le fruit d’une désillusion croissante comme d’ailleurs un peu partout en Afrique. Malgré une richesse en ressources naturelles, notamment le diamant et l’uranium, la Namibie reste minée par plusieurs maux. On peut citer une pauvreté persistante, résultat d’une redistribution inégale des richesses, un chômage galopant, atteignant des niveaux alarmants chez les jeunes déstabilisés par un avenir incertain. Le tout avec les inégalités criantes qui alimentant les frustrations et le mécontentement dans un contexte économique morose. Ces facteurs, combinés à un sentiment de corruption et d’inefficacité au sein des élites au pouvoir, ont offert un terrain fertile à l’émergence de nouvelles forces politiques.
Des partis comme le « Mouvement des sans-terre » ou les Patriotes indépendants pour le changement, portés par des propositions audacieuses, gagnent en popularité. Surfant sur l’inefficacité de leurs concurrents politiques, ils ne manquent pas d’appeler à des réformes agraires profondes et à une redistribution équitable des ressources, brisant le monopole idéologique d’un SWAPO en perte de légitimité.
Ce scrutin namibien s’inscrit dans une vague de désaveux des partis historiques en Afrique australe. En Afrique du Sud, l’ANC est fragilisé par ses échecs économiques et sociaux. Au Botswana, le Parti démocratique botswanais a perdu sa majorité absolue. La Namibie pourrait bien être le prochain domino à tomber.
Alors que le dépouillement des bulletins de vote se poursuit, la question reste posée : la Namibie est-elle prête à tourner la page de trois décennies de domination du SWAPO, ou le parti historique parviendra-t-il à sauver ce qui reste de sa base électorale ? Les résultats, attendus avec fébrilité dans les jours à venir, ne détermineront pas seulement l’avenir du parti au pouvoir, mais bien celui d’une nation en quête d’un équilibre entre son passé glorieux et les défis de demain.
Vichanie Mamboundou
Nombre de Commentaires (0)
Faites un commentaire !