Paulette Missambo à la tête de l’Union nationale : Et la suite ?

Par Brandy MAMBOUNDOU / 16 nov 2021 / 0 commentaire(s)
Paulette Missambo et son équipe.

 

C’est l’épilogue d’un feuilleton commencé en 2020 et qui admonestait les espoirs d’une transition démocratique. Après avoir battu sur le fil Paul-Marie Gondjout par 308 contre 298 voix, sur les 620 délégués, l’ancienne ministre de l’Education nationale sous le règne d’Omar Bongo est attendue sur le terrain de la grandeur pour recoller les morceaux des lendemains d’une campagne qui a laissé des traces. Pas que !

D’abord une histoire des « premières fois ». C’est la première fois qu’une élection a lieu dans un parti politique pour choisir son président. Les militants peuvent donc comprendre leur utilité et nombreux peuvent saisir cette opportunité pour se mettre à jour de leurs cotisations. Car l’apanage d’un bon militant, c’est aussi les cotisations. L’Union nationale est assurément un parti démocratique. Et si les uns et les autres ont soupçonné Zacharie Myboto de pistonner Paul-Marie Gondjout, feu Casimir Oye Mba a officiellement pistonné Paulette Missambo. De bonnes guerres, peut-on dire. Les militants ont départagé les clans puisque, par principe, c’est le parti qui rassemble. Les militants d’autres partis peuvent être envieux du prestige de ceux de l’Union nationale où l’expression « donner à la base le pouvoir » signifie désormais bien quelque chose. C’est donc une leçon de démocratie pour l’ensemble des partis. A l’inverse, au PDG, c’est la succession par la consanguinité, Ali Bongo ayant succédé à Omar Bongo. Et ce parti se dit démocratique ! Les PDGistes n’ont jamais compris qu’ils marchent sur la tête, sauf les monarchistes qui se sentent embarrassés par le nom d’un parti qui n’a rien à voir avec leurs véritables envies.

C’est aussi la première fois qu’une femme accède à la tête d’un parti politique. On ne racontera pas les flagorneries de Jean Boniface Assélé ayant donné, un moment, le Cercle des libéraux réformateurs (CLR), à sa fille Nicole Assélé. A l’Union nationale, c’est après d’âpres disputes, négociations, ruses, calculs et stratégies que Paulette Missambo accède à la présidence du parti. Paul-Marie Gondjout, son adversaire, a été sincère ; il en voulait et il s’est battu avec honneur, hauteur, courtoisie, dignité et perspicacité. Il a favorisé le péril et a donc permis que Missambo triomphe avec gloire. N’eût été son opiniâtreté, l’élection aurait été sans saveur, et la femme n’aurait pas été mise en orbite. Est-ce cependant l’occasion de ressasser la rengaine morale de l’approche genre qui voudrait qu’on salue la femme plutôt que la personne ? En digne femme qu’est Paulette Missambo, elle apprécierait qu’on voie en elle davantage une personne qu’une femme. L’instrumentalisation de la promotion de la femme est telle qu’il n’y a pas de vertu à être promue parce qu’on est une femme. Ses qualités ont suffi pour la hisser à ce niveau et nul besoin de la réduire à sa dimension de femme. Au PDG et au gouvernement d’Ali Bongo, les confusions en ce sens prospèrent… A l’Union nationale, il y a égalité des genres ; un point c’est tout !

Vivre enfin l’alternance au sommet de l’Etat

Sortons des « premières fois » ! Qu’y a-t-il ensuite de palpitant dans cette élection ? Le peuple de l’opposition espère vivre enfin l’alternance au sommet de l’Etat, vivre le « progrès et la modernité » selon les mots de la nouvelle présidente de l’UN. L’horizon de cette élection est 2023, année de toutes les inquiétudes. L’Union nationale n’a jamais eu un candidat à l’élection présidentielle. Le flop de 2016 n’a jamais été digéré. A la faveur de la modification de la Constitution due aux résolutions du dialogue d’Angondje en 2017, l’élection présidentielle se

fera désormais en deux tours. Dans les états-majors des partis politiques, chacun en est à rêver d’être candidat pour vaincre le candidat PDG au second tour. Sauf que… Sauf qu’il faut au préalable implanter le parti dans l’ensemble du pays. Justement, c’est le défi que veut relever Paulette Missambo. Cela signifie deux ans d’une intense activité. Certains se demandent si son âge, 71 ans, ne constituera pas un frein à cette ambition.

En interne, l’un des Vice-présidents, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, et le secrétaire exécutif, seul député du parti, Minault Maxime Zima Ebeyard, se préparent à se porter candidats à la présidentielle de 2023, selon les ambitions que des personnes bien infiltrées leur prêtent. Mais le destin douche parfois des ambitions légitimes. Car côté Missambo, elle apprendra que l’appétit vient en mangeant. Alors, faisant le tour du Gabon pour implanter le parti, redonner espoir aux militants et compter de nouvelles adhésions, il ne sera pas surprenant qu’elle se découvre elle aussi un destin national. Il n’y a jamais un sans deux. Et à ce niveau, la machine pourrait se gripper.

Une élégance politique

Car l’un des défis de cette victoire est l’unité du parti. Paulette Missambo doit pouvoir rassembler les cadres et les militants du parti, même Paul-Marie Gondjout. Ce dernier - très posé, non clivant, prenant de la hauteur en toutes circonstances - a reconnu la victoire de son adversaire d’hier. Preuve d’une élégance politique rare dans ce milieu où les amis se bouffent à longueur de journée. Il aura aussi sa partition à jouer sur la route de 2023. Car si le parti éclate, tout le monde est perdant. Paulette Missambo et Paul-Marie Gondjout ne sont pas le genre à jouer les « kamikazes ». L’unité est un absolu dans tous les scénarios. D’autant plus que, hors des frontières du parti, la concurrence sera rude. Guy Nzouba Ndama et Alexandre Barro Chambrier ne se laisseront pas faire, ils ont une carte à jouer, pensent-ils. Et que dire du clan de Jean Ping qui a gardé la Nouvelle République pour lui ? Jean Eyeghe Ndong ayant quitté le bateau, la piscine du « président élu » réfléchit d’autres visages. Anti-électoralistes par frustrations politiques compréhensibles, nombreux parmi les intimes de la piscine seront électoralistes, n’en déplaise à Jean Ping, l’homme dont l’élection en 2016 fut un réel plébiscite national.

Au regard de tout ceci, l’élection de Paulette Missambo à la tête du parti fait monter l’adrénaline dans le marigot politique de l’opposition, au moment où l’ennui et des certitudes fades commençaient à s’enraciner. Une femme au milieu de tous ces hommes, ça fait imaginer des intrigues, même au sein du PDG où la promotion de la femme n’a jamais été élective, mais toujours affective.

Nicolas NDONG ESSONO

Article du 16 novembre 2021 - 1:25pm
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