Réédition post mortem de l’Interview de Santullo : « Tous mes marchés ont été obtenus de gré à gré ».
Ainsi soutenait - dans une interview fleuve parue dans La Loupe N°359 du mardi 26 décembre 2017- Guido Santullo dont les activités au Gabon sont devenues une affaire d’Etat. En s’exprimant ainsi, l’homme d’affaires Franco-Italien affirmait mordicus avoir reçu « l’onction du président de la République pour que les choses soient traitées de cette façon-là ». Une manière aussi de récuser tout ce qui se disait à son sujet. En off, Guido Santullo a même été beaucoup plus net, clair et précis : « Il n’y a pas eu de casse du siècle au Gabon. Tous nos marchés passaient par l’accord préalable du chef de l’Etat ». Du coup, au moment où l’affaire Santullo-Etat Gabonais est sur toutes les lèvres, nous publions in extenso l’intégralité de cet entretien dont le contenu donne froid dans le dos. Le principal acteur de son arrivée au Gabon, Michaël Adamou Moussa (actuel ministre des Affaires étrangères), à l’époque fonctionnaire au cabinet d’Ali Bongo, n’a jamais été inquiété. Et pourtant, il a été payé pour « ce service ». Avait-il le droit d’être rémunéré pour cette action ? Dans le contexte actuel où Ali Bongo est encore au pouvoir, une quelconque suite ne peut-être donnée à cette question. Bien après, oui ! Dans tous les cas, parcourons, à titre post-mortem, « toute la vérité » de Guido Santullo, aujourd’hui décédé, que notre reporter a interrogé le 23 décembre 2017 à Guetta en Italie. Relecture !
La loupe : Bonjour Guido Santullo ! Comment allez-vous ?
Guido Santullo : Je vais très bien pour mes 81 ans, même si les visites chez le médecin sont devenues fréquentes. Bienvenue dans mon village Gueta en Italie, surtout à l'hôtel Mirasole où je réside la plupart du temps.
A la ce jour, existe-t-il une affaire particulière qui perturbe votre existence ?
A mon âge, on aspire à la jouissance des fruits de son labeur plutôt qu’à se battre sur une affaire qu’on aurait pu éviter. Qu’est-ce qui m’agace donc ? C’est que le gouvernement gabonais, au lieu de régler mes créances, Ali Bongo et ses amis organisent des spectacles malsains en justice.
Justement, selon nos informations, la justice gabonaise aurait lancé un mandat rogatoire contre vous ?
Le 22 novembre dernier, mes services à Libreville ont reçu une convocation de Mme Marie Christine Lebama, le premier juge d’instruction au Tribunal de première instance de Libreville. Cette dame me demandait d’être à son cabinet le 24 novembre 2017. Mon avocat s’y est rendu mais personne n’a voulu le recevoir. Et, contre toute attente, j’entends parler d’un mandat rogatoire lancé contre moi. Je suis impatient de le recevoir et d’y répondre.
Avez-vous confiance aux magistrats et à la Justice gabonaise ?
Ai-je vraiment besoin de répondre à votre question ? Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, avocat de métier, M. Francis Nkéa Ndzigue, a tout dit.
L’affaire Santullo contre Ali Bongo est complexe. Quand et comment vous vous rencontrez ?
En 2010, Michael Moussa, ami personnel d’Ali Bongo, m’a fait rencontrer le tout nouveau président gabonais à Paris. Il était question que j’apporte mon expertise au développement du Gabon. Au terme de notre entretien, Ali Bongo m’a invité à Libreville.
Au détail près, comment ça se passe une fois arrivé au Gabon ?
Sitôt après notre rencontre à Paris, j’ai pris mon jet en compagnie d’une forte délégation composée d’ingénieurs et du personnel administratif de mon groupe de BTP. J’ai été très chaleureusement accueilli à la présidence de la République. Ali Bongo m’a confié aux mains de Magloire Ngambia, à l’époque ministre de l’Economie puis ministre de la Promotion des investissements, des travaux publics, des Transports. Après la présidence de la République, j’ai été reçu, sur instructions d’Ali Bongo, par le Premier ministre Paul Biyoghé Mba.
Et là, tout vous est donné ?
Le président de la République m’a chargé de construire la route Tchibanga-Mayumba et le pont sur la Banio. Le montant des travaux était de 163 milliards Fcfa. Monsieur le journaliste, il serait bon de noter très précieusement ce qui suit. J’ai obtenu le marché, oui. Mais lorsque j’ai demandé les études sur ce projet, le gouvernement gabonais m’a répondu qu’il n’y en avait pas. Vous vous imaginez ? En 2010, un gouvernement fait du pilotage à vue avec des projets à réaliser sans des études préalables ? Du coup, le gouvernement m’a demandé d’en faire et d’exécuter les travaux. Une fois les études bouclées, nous avons remis le dossier au ministre Magloire Ngambia. Le lendemain, le ministre et moi sommes allés au palais rencontrer le chef de l’Etat, Ali Bongo. Sur place, le dossier lui a été présenté. Il a dit : « je suis d’accord, il faut signer le contrat » ; et le chef de l’Etat a ordonné au ministre Magloire Ngambia de le faire signer par tout le monde.
Nous sommes ensuite allés à la primature. Sur place, Paul Biyoghé Mba a demandé pourquoi le contrat était en hors taxe. Le ministre de l’Economie a répondu que c’est un préfinancement et si nous taxons, le coût des travaux risquerait d’être plus élevé. Le kilomètre de la route hors taxe est à 700 millions de Fcfa alors que les prix du marché étaient à 1,100 milliard Fcfa. Magloire Ngambia a dit au Premier ministre : « le président de la République a dit qu’on signe, on doit signer et on doit faire signer à tous les ministres ! ». Et tous les autres 10 marchés de Séricom Gabon ont été traités de la même manière.
Guido Santullo, donc Ali Bongo a validé un marché de près de 163 milliards de Fcfa sans appel d’offres ?
(Eclats de rires !). Cela a été fait comme ça ! Sans étude de projets, il ne pouvait y avoir d’appels d’offres. C’est un marché de gré à gré avec l’avantage d’un préfinancement. Le gouvernement n’avait pas d’argent.
Donc vous avez apporté votre argent pour exécuter des travaux au Gabon sans appel d’offres ?
Ali Bongo et ses amis n’avaient pas d’argent pour financer les études. J’ai sorti l’argent de ma poche pour régler les factures relatives à ces études. Une fois cette étape franchie, le ministre Magloire Ngambia et moi sommes allés voir le président de la République. Ali Bongo a donné son accord pour que j’exécute les travaux. Les 10 contrats que nous avons eus au Gabon étaient donnés de gré à gré.
Pourquoi doit-on vous croire ?
Vous croyez que j’ai ramené des chars d’Italie pour contraindre les gens à signer les contrats ?
A la suite de vos explications, on peut en déduire que c’est la pagaille avec Ali Bongo ?
Sauf erreur de ma part, la priorité d’Ali Bongo lors de son premier mandat était d’hâter le développement du Gabon. Pour atteindre cet objectif, on donnait n’importe quoi comme contrat à tout le monde, que ça soit moi ou les autres. Il fallait lancer les travaux mais après il fallait trouver l’argent pour les payer !
Qui vous présente à Yves Fernand Manfoumbi, Léon Nzouba, Françoise Assengone et Liban Souleymane ?
C’est le ministre Ngambia qui m’avait présenté à tous ces gens-là. Il les a même emmenés chez moi manger les pattes italiennes.
En parlant de Liban Soleman, son père a été un sous-traitant chez vous peut-être sur injonction de son fils. Il se dit que vous lui devez encore de l’argent.
Oui, le père de Liban Soleman a été un sous-traitant chez moi. Attention, il faut éviter les amalgames. Le géniteur de l’ancien chef de cabinet d’Ali Bongo a travaillé chez moi pour un peu plus d’un milliard de Fcfa. Il a participé à la construction de mes deux tours à Libreville. A la date d’aujourd’hui, je ne dois rien au père de Soleman.
Oui ou non, vous avez donné votre avion à Magloire Ngambia pour faire le tour du monde ?
J’ai mis à sa disposition l’un de mes avions plusieurs fois. Je l’ai accompagné à Yaoundé chez le gouverneur de la banque des Etats de l’Afrique centrale. Ce n’était pas pour ses déplacements personnels mais pour le compte de l’Etat gabonais. C’est vrai, je ne lui ai pas fait payer l’avion. Parce que, pour moi, c’était ma façon de rendre service au gouvernement gabonais et à Son Excellence Ali Bongo. Ai-je eu tort ? Moi, je suis serein.
Avec de si bonnes relations, les problèmes d’impayés de factures ont commencé quand ?
Les problèmes ont commencé dès 2014. Après quelques règlements, tout ou presque a été bloqué. Je suppose que les paiements ont été bloqués parce qu’il n’y avait plus d’argent au Trésor. Et pourtant, les travaux ont été bel et bien budgétisés. Mais où est parti l’argent ? Là est toute la question !
Vos concurrents, Colas, Dragages, Socoba n’ont-ils pas milité pour vos déboires au Gabon ?
Je ne saurais vous répondre.
Lorsqu'en juin 2012, le pont de Kango cède après avoir été percuté par une barge, que se passe-t-il ?
J’ai reçu un coup de fil du ministre Magloire Ngambia me demandant d’aller voir sur place ce qui se passait. Une fois sur les lieux, on a trouvé l’entreprise Satom qui a fait une proposition de travaux, tout comme nous. Sauf que l’Etat n’avait pas d’argent pour payer. Dans la foulée, le président de la République m’a reçu le 17 août, et il m’a dit : « Monsieur Santullo, il faut m'enlever une épine du pied ». Et moi je lui ai dit : « mais comment Excellence, avec tous les docteurs que vous avez autour de vous, c’est moi qui dois vous enlever l’épine du pied ? ». Et le président m’a dit, en caressant la tête de mon fils, c’est le pont de Kango. Il me le dit sans appel d’offres. Je préfinance les travaux. Deux mois après, on a réparé le pont de Kango.
C’est le président lui-même qui en a décidé…
En effet. Sans argent, le gouvernement ne peut pas faire d’appel d’offres. Nous avons préfinancé et ils ont payé après.
Vous confirmez donc que c’est le président de la République lui-même qui vous a demandé de le faire ?
Mais c’est le président qui m’a emmené à Libreville, c’est le président qui a ordonné de me donner les marchés, c’est lui-même qui ordonnait. Vous savez, vous êtes Gabonais, vous connaissez le Gabon encore mieux que moi. Qui commande ? C’est le président de la République. Qui dirige ? C’est le président de la République. Qui décide de faire ceci ou cela ? C’est encore lui.
Le 18 mai 2013, Ali Bongo salue les travaux réalisés sur le pont de Kango et ordonne son ouverture pour le lundi suivant. Les factures étaient-elles réglées ?
Non. Il m’a dit qu’il avait déjà donné des instructions pour que la facture soit réglée. Quant au doublage du pont, il m’a dit de préparer un dossier.
A propos de ce pont, vous auriez donné 200 millions de Fcfa à l’ancien conseiller de Magloire Ngambia, Christian Kero Kapito ?
Ecoutez, j’ai connu Kapito au ministère quand il y avait des réunions. Et je ne lui ai jamais donné un centime.
Guido Santullo, le président Ali Bongo a mis en service le vendredi 20 juin 2014 le pont sur la Banio. On vous a vu à ses côtés très souriant, vous étiez détendu et ami-ami. Pouvez-vous nous révéler la teneur de vos échanges d’alors ?
Le président croyait venir visiter un chantier, je lui ai dit que les travaux étaient finis et qu’il était en service. Le président était surpris de voir le pont achevé. Ses collaborateurs de la présidence ne voulaient pas qu’il vienne inaugurer le pont parce que cela les obligeait à payer. Or ils avaient fait disparaître l’argent ! Qui exactement ? Ce sont ses propres collaborateurs ou lui-même, je ne sais pas !
Lorsque vous constatez le non-paiement de vos factures, vous rencontrez le chef de l’Etat courant 2015 plusieurs fois, qu’est-ce que vous vous dites ?
Je lui ai demandé, devant les ministres de la Justice, du Budget, le directeur du Budget Manfoumbi et Maixent, comment ça se fait que je ne suis pas payé ? On a eu des discussions très chaudes et le président a pris la parole en disant au ministre du Budget de l’époque de payer Santullo : « Payez Santullo, ça suffit ! ».
Vraiment, Ali Bongo s’est-il fâché contre ses collaborateurs ?
Oui, il s’est fâché contre ses collaborateurs. Et le ministre de la Justice, Séraphin Moundounga, a dit au président : « J’ai une plainte ici contre Santullo, qu’est-ce que je dois faire ? ». Le président a répondu : « Mais qu’est-ce que c’est, cette plainte ? Quelles sont ces bêtises ? Laissez tomber tout ça, payez Santullo ! ».
Pourquoi sitôt après cette rencontre vous lancez la saisie à titre symbolique de l'hôtel particulier Pozzo Di Borgo à Paris ?
Avant la réunion, j’avais lancé la saisie quand je voyais qu’on ne me payait pas. A l'époque, plus de 60% des travaux étaient faits et on n’avait même pas touché 80 milliards. Et j’ai dit au président que j'enlèverai les saisies si on a un accord de paiement sur la totalité.
Un accord a été signé le 16 octobre 2016. 42 milliards de Fcfa avaient été débloqués en attendant que tout rentre dans l’ordre. Quelle est la suite de l’histoire ?
A la base, lorsque l’accord a été signé, l’Etat devait me donner trois billets à ordre signés par la Banque centrale et eux-mêmes pour tous les mois. Je m'étais arrangé avec Orabank pour l’escompte des billets à ordre. Mais ils ont été incapables de respecter leurs engagements. La banque centrale a refusé de s’engager. On a refait un deuxième accord en paiement échelonné, mais c’était encore la catastrophe. Or l’accord sur les 42 milliards de Fcfa portait sur les situations approuvées par la mission de contrôle et il restait presque 80 milliards de Fcfa qui n'étaient pas signés. Alors que dans l’accord, il y avait la signature des 42 milliards de Fcfa, trois mois pour vérifier les 80 milliards en suspens par la mission de contrôle et la signature officielle du pont de Kango, rien n'était fait. En dépit de la signature, les missions de contrôle ne sont pas intervenues à l'époque. L’Etat n’a pas payé, et là plus de signature. Sur les 42 milliards, il reste encore deux milliards qui ne sont pas payés.
Vos travaux ont été budgétisés, normalement vous devez être payé sans problème, pourquoi n’avez-vous pas été payé ?
Vous devriez poser la question au Chef de l’Etat et non à moi. Seul Ali Bongo sait exactement où est parti l’argent destiné à financer le développement du Gabon.
Magloire Ngambia, Etienne Ngoubou et Wada sont en prison dans le cadre de l'opération Mamba, comprenez-vous pourquoi Yves Fernand Manfoumbi circule librement ?
A ce sujet, le président m’a posé la question en tête à tête sur Magloire Ngambia. Je lui ai dit que Magloire est un homme intègre. La question aujourd’hui est simple : Yves Fernand Manfoumbi, pour parler simplement, était à la sortie de l’argent. Vous me suivez là ? C’est l’homme qui m’avait dit, en compagnie de Maixent Accrombessi : « Si tu donnes 15 milliards de Fcfa pour la campagne du chef de l’Etat Ali Bongo, on fait un emprunt pour te payer ». Mais moi, j’ai refusé au regard du montant colossal de mes créances vis-à-vis de l’Etat gabonais. Fallait-il rajouter le montant de mes factures impayées ? J’ai dit non !
Yves Fernand Manfoumbi et Maixent Accrombessi vous ont donc demandé de l’argent pour Ali Bongo avec un montage financier ?
Oui !
Qu’est-ce qui s’est passé ce jour-là ? Vous étiez où ? Qui vous a appelé ?
Ce jour-là, j’ai reçu un coup de fil d’Yves Fernand Manfoumbi. Il m’a dit qu’il venait me retrouver au bureau. Il est venu et nous sommes partis tous les deux voir Maixent Accrombessi à la présidence de la République. Et Manfoumbi a parlé sous le contrôle de Maixent qui acquiesçait chaque phrase de son ami. Et Maixent, en prenant la parole, a confirmé les propos de Manfoumbi.
Peut-on dire que ces pratiques mafieuses sont la norme autour d’Ali Bongo ?
Je ne suis pas naïf de croire que j’étais le cobaye (éclat de rires !).
Vos problèmes de factures impayées ne proviennent-ils pas de là ?
Les problèmes étaient là. Ils ont enlevé Manfoumbi du poste de directeur général du Budget et l’ont mis aux grands travaux, et c’est lui qui suivait ça avec Maixent. Après, ils ont enlevé Manfoumbi des grands travaux pour le mettre au ministère de l’Agriculture, tandis que les grands travaux revenaient au chef de cabinet. Après ils ont arrêté Ngambia et ses collaborateurs. Et ont dépêché un bureau de l’armée pour vérifier mes comptes. Comment, l’armée ? Quoi, on fait la guerre ici ? Alors là, j’ai décidé d’attaquer en justice.
Les impôts, les douanes, le B2 et la presse d’Ali Bongo s’acharnent contre vous, est-ce que vous comprenez cela ?
Oui, ce régime fonctionne ainsi. Parlons des impôts. Tous nos contrats sont devant vous et ils sont en règle. Je suis non imposable. Je ne suis pas résident au Gabon, je suis résident en Suisse, je paie mes impôts en Suisse et en France. Maintenant, si je prends du bénéfice sur l'argent des marchés, je paie 30% d'impôts au Gabon. Si j'ai pris un centime, j'ai payé les 30% d'impôts. La douane a fait une saisie abusive de tout mon matériel. Dans les 11 marchés que nous avions au Gabon, c'était tous des marchés hors taxes et hors douanes et le matériel peut travailler n’importe où car ce ne sont pas des marchés privés, ce sont des marchés publics. C’est de l’escroquerie. Ils sont pires que des bandits de grands chemins. Maintenant, ils s'acharnent contre moi, ils peuvent tout dire de Santullo, ils me doivent 500 milliards. Ils disent même que je dois payer les impôts, mais c'est de l'escroquerie !
Guido Santullo, lorsqu’au mois de novembre 2016, vous rencontrez Ali Bongo, qu'est-ce que vous vous dites ?
C'était après les élections, nous avons encore parlé des problèmes de paiement. Monsieur Ali Bongo a demandé au ministre actuel de l'Economie et son chef de cabinet de l'époque de prendre en main l'affaire Santullo pour trouver un accord. Ces derniers m'ont demandé de trouver des banques qui peuvent financer. L'accord était porté à près de 5 ans avec 3% d'intérêt sur l'argent dû et, en contrepartie, nous devions terminer les travaux. Nous devions aussi terminer les deux tours pour mettre les fonctionnaires dedans.
Ensuite, nous nous sommes retrouvés avec le président et ses collaborateurs en tête à tête, notamment directeur de cabinet, chef de cabinet. J’ai posé la question : « Excellence, qu'est-ce qui se passe ? Des brouilles politiques et des rumeurs selon lesquelles votre principal adversaire aurait magouillé ! Comment est-ce possible alors que c'est vous qui avez l'Etat ? ». Et il m'a répondu que beaucoup de ministres l'ont trahi, même ses frères, Christian et Pascaline Mferri Bongo. Mais le président avait demandé au ministre de l'Economie de boucler cette affaire avant décembre.
Après les discussions, une dame venant de Paris m’a été présentée dans un hôtel à côté de l’aéroport comme la représentante du président. Nous devrions discuter. Après ces discussions, ils ont disparu. Et le ministre a commencé à me faire embêter par la douane et les impôts. C'était la bagarre totale. Et de là, je n’ai plus revu le président et j’ai continué d’aller dans les tribunaux.
Quand vous avez rencontré le président, comment l’avez-vous trouvé ?
Il était très en colère ! C’est rare de voir une personne à ce niveau de responsabilité extérioriser sa pensée profonde. Il était hors de lui. J’ai eu froid dans le dos. Parce que, lorsqu’une personne ayant tous les leviers de l’Etat entre ses mains entretient un tel degré de rancœur, il y a de quoi se poser des questions.
Et contre ses propres frères ?
Contre ses frères dont certains avaient fui aux Etats-Unis ! Notamment Christian Bongo.
On parle de blanchiment de fonds entre vous et Christian Bongo, qu’en est-il exactement ?
Christian Bongo était associé avec un certain Claude et gérait un de nos avions. Après, Christian a dit qu’il allait créer sa propre compagnie et me demandait de lui vendre des avions. Bien entendu, j’ai vendu les avions et Christian a payé. Mais quand j’empruntais les avions, Christian m’emmenait partout et je payais les factures ! Des factures de voyages à 100 000 euros, 80 000 euros, 50 000 euros ! On les payait sans problème ! Donc je ne connais pas où est le blanchissement d’argent quand j’ai une facture de location d’avion que je payais normalement. Et quand Christian devait payer les factures des avions que je lui ai vendus, il a payé ; pas à moi, mais à la société qui gérait les avions. Rien à voir avec Santullo, je suis actionnaire dedans mais il y a un gérant...
Je ne sais pas pourquoi on dit blanchiment d’argent. Tout était régulier.
Il se dit que vous auriez transféré de votre compte de BGFI 1 milliard de Fcfa sur votre compte Orabank ?
Où est le problème ? Est-ce interdit ? Transférer l’argent d’un compte BGFI de Sericom quand j’ai ouvert un autre à Orabank, c’est normal !
L’affaire du compte épargne et développement du Gabon. Que s’est-il passé avec Jean Claude Kemuni ?
Je connais ce monsieur comme directeur de banque. Si le compte de la SCI Luigi se trouve dans cette banque, c’est un compte ouvert où on a transféré de l’argent. C’est normal. Quand on faisait les salaires des employés à l’étranger, c’était la seule banque qui avait des devises, en échange on lui donnait le Fcfa. Où est le blanchiment ? C’est de l’escroquerie des fonctionnaires du B2 qui ne savent rien. Mais pourquoi ils ne m’ont pas arrêté quand j’étais là-bas si je faisais du blanchiment d’argent ? Est-ce qu’ils nous ont trouvés avec les valises, avec l’argent en espèce ? Tout l’argent qu’on envoyait d’ici, c'étaient des cautions bancaires d’une banque étrangère aux banques gabonaises pour pouvoir avoir du crédit afin de fonctionner puisque l’Etat ne nous payait pas. Et il y avait des cautions jusqu’à 15, 20 millions d’euros qui étaient données à BGFI et Orabank pour notre banque suisse.
On vous soupçonne d’être de connivence avec Foberd et d’avoir fait rentrer de la marchandise frauduleusement au Gabon…
Entre Ciment du Gabon et Foberd, j’ai acheté le ciment chez Foberd. Le premier vendait la tonne à 115 000 Fcfa, le second à 80 000 Fcfa, importé de Chine et avec une qualité supérieure. Maintenant, c’est vrai qu’il a profité du fait que nous achetions hors taxe chez lui. Mais pendant que les chantiers de Séricom étaient arrêtés, Foberd a fait rentrer 20 000 tonnes de ciment. Pour qui ? S’il a magouillé, c’est lui qui paie, c’est lui qui a essayé de frauder l'État mais avec l’accord des douaniers parce qu’il ne peut pas faire ça tout seul.
Qu’est-ce que le fils de l'ambassadeur du Gabon aux Etats-Unis, monsieur Moussa, fait dans tout ça ?
Lui, c’est notre agent en douane. C’est lui qui s’occupait de toute notre marchandise. Il était ami avec Foberd et les autres. Nous on est blanc comme neige. Notre métier, c’est de construire. Nous ne sommes pas des fraudeurs ni de vendeurs de ciment. C’est l’Etat gabonais qui est en train de former les fraudeurs, les douaniers, les impôts, le contre-espionnage l’armée… c’est eux qui font de la fraude.
Est-ce qu’aujourd’hui vous regrettez d’avoir fait affaire avec Ali Bongo ?
Je regrette énormément. Pourquoi moi ? J'ai fait des travaux, ils m'ont donné la route Tchibanga-Mayumba et elle est finie à 98%. Il ne reste que 4 Km à goudronner et tout le reste est fini. La route de Mouila-Ndende, on mettait 6h, et aujourd'hui c'est 40mn. Le chef de l'Etat est allé plus de 15 fois visiter le chantier. Ils doivent avoir honte. Sur ce seul marché, ils m’ont donné 5 milliards et ils me doivent encore 80 milliards. Nos chantiers sont là-bas, nos routes sont là-bas. Sur nos routes on passe, sur nos routes on marche. La vie se fait.
Sur la route Akieni-Onga, vous avez été payé ?
Sur les 60 km, on a fait 27 km. Ils ont payé 7 ou 8 milliards sur 60 milliards de Fcfa ! Faites le calcul de ce qu’ils nous doivent pour finir le contrat ? Ils nous ont bloqué après, demandant de laisser cette route… Même l'aéroport d'Akiéni… Ils nous ont fait travailler et ne nous ont pas envoyé le contrat.
La société qui a détruit la Cité de la démocratie à la demande de l’Etat porte plainte pour facture impayée. Il y a un problème ?
Ecoutez, la cité de la démocratie, le port de Libreville, l'autoroute... Ça fait trop quand même ! Comment peut-on lancer autant de chantiers sans les moyens de les financer ? C'est un dangereux manque d'organisation.
Pensez-vous qu'on puisse redresser le Gabon ? Si oui, comment ?
Difficile avec Ali Bongo. Même ses meilleurs amis sont partis. Il s'est entouré des gens comme Maixent Accrombessi. C'est lui qui tenait l'argent du budget. Où est-ce qu'il a mis cet argent ?
Votre mot de la fin ?
Même si je meurs, mes enfants poursuivront mon œuvre pour recouvrer mes créances au Gabon.
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