Réforme de l’Université Omar Bongo : une si longue attente

Par Nicolas NDONG ESSONO / 07 juin 2022 / 0 commentaire(s)
L'université Omar Bongo se relèvera t-elle un jour?

Au sortir des états généraux et du cinquantenaire de la mère des universités gabonaises, fin 2021, l’administration universitaire avait promis et juré de faire en sorte que l’UOB « reprenne sa place dans l’univers académique ». Ce temple du savoir est loin d’en prendre le chemin, pris en étau entre la mauvaise volonté politique et l’incapacité des dirigeants.

En moins de deux semaines, l’Université Omar Bongo s’est rappelée, par la lucarne habituelle du « Faits divers », au mauvais souvenir des Gabonais. D’abord par le mouvement d’humeur des étudiants aux prises avec les gendarmes ; ensuite des actes de vandalisme perpétrés dans des locaux administratifs ; enfin – ceci expliquant cela, l’ultimatum adressé par le Centre national des œuvres universitaires (CNOU) aux commerçants et jardiniers priés, le 28 mai dernier, de quitter les lieux pour cause d’insécurité chronique au sein du campus. Trois séquences éloquentes, comme autant d’expression d’un malaise plus profond, celui d’une université qui, en trente ans de crises, peine à se réformer dans la perspective d’une urgente modernisation.

Pourquoi, d’année en année, les mêmes problèmes resurgissent-ils à l’UOB ? Pourquoi l’administration se montre-t-elle incapable, malgré la valse des recteurs, de prendre résolument le taureau par les cornes ? Comment expliquer la faillite endémique de l’Etat dans le sauvetage du temple du savoir ? Les questions n’ont cessé de germer, les réflexions se sont multipliées, il n’en demeure pas moins que la première université du Gabon se trouve emprisonnée dans les sables mouvants conjugués de l’inertie gouvernementale et de l’impéritie de l’administration rectorale. À l’heure présente, entre délabrement structurel et assoupissement conjoncturel, l’UOB semble plongée dans le coma, pendant que les étudiants rongent leur frein.

Une énième esbroufe nommée « états généraux »

Pourtant, les derniers mois de l’année 2021 laissaient poindre un vent d’optimisme, et augurer des changements de fond. La tenue des états généraux du 23 au 27 novembre s’inscrivait dans un esprit louable, matérialisant la volonté de diagnostiquer les nombreux dysfonctionnements de l’institution. Bien que tout le monde soit pénétré des problèmes chroniques de l’université, l’euphorie était telle que beaucoup d’argent a été décaissé pour faire le constat que le calendrier universitaire est à revoir, qu’il faut mieux gérer les carrières des enseignants-chercheurs, qu’il manque des infrastructures, etc. Et Frédéric Mambenga Ylagou, secrétaire général du ministère de l’Enseignement supérieur de rêver de « l’université numérique qui permettrait d’endiguer la massification des effectifs » !

Cette grand-messe ne fut en réalité qu’une énième esbroufe destinée à s’octroyer entre soi des per diem gracieux, versés aux enseignants, personnels administratifs et Atos invités à faire le nombre et relever la solennité poussive de l’événement. Des syndicalistes, sous couvert de faire entendre leur voix, se sont aussi complu à participer à cette inutile fanfaronnade. Et sur le modèle des Actes du dialogue politique d’Angondjé (2017), le rapport final desdits états généraux a été remis à Noël Mesmin Soumaho le 20 avril 2022. Un total de 246 recommandations, dont on peut prédire la non prise en compte par le gouvernement, jamais aussi autiste et rétif que lorsqu’il est question de l’avenir des jeunes gabonais qui n’ont pas eu la chance de naître avec une cuillère en or dans la bouche. Malgré tout, le Recteur croit dur comme fer que l’UOB « va retrouver son lustre d’antan ».

En vérité, le temps des diagnostics est largement dépassé depuis belle lurette. Tout comme celui des bilans, rappelés à satiété lors du Cinquantenaire de l’Université Omar Bongo, célébré en grande pompe du 17 au 24 décembre 2021. Présent à ces assises commémoratives, Patrick Mouguiama Daouda, ministre de l’Enseignement supérieur en a profité pour dévoiler un modeste monument censé symboliser ce jubilé. Ce qui en dit long sur l’ambition universitaire d’Ali Bongo : n’eut-il pas été plus approprié d’inaugurer un amphithéâtre ultra moderne, ou bien la cité universitaire restaurée ? À chacun d’y répondre, et de se faire – en son intime conviction – son opinion sur la notion de l’excellence telle que conçue par nos dirigeants.

Déficits structurels et faillite conjoncturelle

Si les maux qui frappent l’université gabonaise sont répertoriés depuis longtemps, c’est qu’ils relèvent de l’organisation et de l’administration structurelle. Amphis bondés par incapacité d’accueil liée elle-même à la non-réforme du baccalauréat devenu un droit social, et par l’absence de bâtiments ; bibliothèques obsolètes et non pourvues de ressources bibliographiques ; défaut de fourniture en équipements et matériels informatiques et numériques ; culture, dans un espace supposé policé, d’une éthique de la jungle en milieu universitaire traduite par des pratiques mafieuses et immorales importées de la biosphère politique, avec les mêmes résultats mortifères, etc.

Au-delà de ce constat qui laisse une impression de déjà entendu, la décadence de l’Université Omar Bongo est aussi la conséquence de mauvais choix des personnes, une bouillabaisse conjoncturelle. Aux dires des acteurs principaux, excepté Pierre Nzinzi exemplaire dans la moralisation du fonctionnement de l’institution, les autres recteurs depuis quinze ans, y compris son prédécesseur Pierre-Fidèle Nzé Nguema, ne sont pas exempts de reproches. Acculé à la démission le 11 février 2020, par l’usure, la cabale permanente de ses « ennemis » et ses propres excès, Marc-Louis Ropivia a brillé par une gouvernance de l’ego, par l’ego et pour l’ego. À son départ, il fallait une forte personnalité – de caractère et de trempe scientifique – pour recoller les morceaux d’une vitrine intellectuelle en lambeaux.

Soumaho/Mombey : à hue et à dia

Noël Mesmin Soumaho, son successeur et non moins disciple, sera-t-il à la hauteur ? En deux ans d’un intérim éternisant, ce maître-assistant en Sociologie devenu Professeur par décision politique, a bien du mal à s’imposer. Il suffit de faire un tour à l’UOB pour prendre le triste pouls d’une ambiance léthargique, symptomatique d’une maison qui n’est pas tenue. À tort ou à raison, le Recteur est dépeint comme manquant de carrure, pas toujours inspiré lors de réunions imparfaitement maîtrisées, et souvent parti en mission alors que les dossiers brûlants s’empilent sur son bureau. Pire, cet homme affable subirait la loi de l’omnipotente Secrétaire générale de l’UOB, Henriette Aurélia Mombey épouse Lebonda Massala, laquelle imposerait ses décisions. Vérité ou affabulation, on notera quand même la volonté de puissance de cette dernière, qui ne presse pas le gouvernement de lui affecter un adjoint, depuis le décès en avril 2021 de Mike Moukala Ndoumou. Pendant ce temps, le service en pâtit.

Sans avoir été exhaustif, avec autant de handicaps, il va falloir à la jeunesse gabonaise attendre encore pour voir enfin son alma mater présenter le visage moderne qui ravit le regard à Cheikh Anta Diop (Dakar) ou à Félix Houphouët-Boigny (Abidjan). Dans l’immédiat, c’est plutôt une grève des enseignants qui se préparerait, en raison de rumeurs persistantes sur la gestion controversée des frais d’inscription et le versement anticipé d’une certaine prime qui agite les fins limiers de la répression financière. Quant aux réformes, préalables à l’excellence des performances de nos étudiants et de nos enseignants-chercheurs précarisés, il faudra patienter. Avant qu’une « aurore se lève ».

Virginie L’amiral

 

 

Article du 7 juin 2022 - 8:08am
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