Situation critique dans le monde éducatif au Gabon
Trois questions à Donatien Boulingui, président du Conseil national des parents d’élèves (Cnpe)
« Nous finirons par faire venir les médias afin d’attirer l'attention, sinon sonner l'alarme et appeler à déclarer l’année blanche »
Gabonclic.info : Cela fait quasiment un trimestre que le monde éducatif au Gabon est secoué par la grève. Quelle analyse faites-vous de la situation ?
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’intérêt que vous portez au Conseil national des parents d’élèves (Cnpe) dont je suis le leader, surtout en cette période très complexe marquée par les grèves et leurs ravages dans le milieu éducatif au Gabon. D’entrée, je dirai qu’actuellement il y a une situation qui prévaut dans le secteur éducatif au Gabon. Depuis la rentrée des classes le 27 septembre 2021, les organisations syndicales, à savoir la Convention nationale des syndicats secteur éducation (Conasysed) et le Syndicat de l'éducation nationale (Sena) ont lancé simultanément les mouvements de grève. Et aujourd'hui, ils ont même formé une coalition. Tout le monde le sait. Et à ce jour, la grève continue. Aussi, nous savons que depuis la semaine du 20 au 24 décembre 2021, il y a eu des rencontres entre cette coalition et le ministère de l'Éducation nationale. Mais, malheureusement les syndicalistes n’ont pas encore trouvé satisfaction au regard de leurs revendications. Toute la communauté éducative déplore cette situation.
Nous les parents, vivons dans l’angoisse, bien qu’ayant déjà fait tout le nécessaire pour que les enfants retrouvent le chemin de l'école. Car à terme, sur toute la ligne ils sont les grands perdants. Personne ne peut se réjouir de ce qui se passe, quand on voit les efforts et les dépenses des parents. Pour l’achat des fournitures, des uniformes scolaires et autres, ce sont d’énormes sacrifices qui sont consentis. Du pré-primaire au primaire en passant par le lycée, chaque parent doit débourser une somme à remettre à l'administration de l’établissement.
En tant que représentant des parents, quelles actions avez-vous menées, ou entendez-vous mener pour ramener l'accalmie ?
Depuis le début, le Conseil national n'a pas croisé les bras. Depuis cette rentrée tumultueuse, nous avons mené nombre d'actions. Nous nous sommes rendus deux fois à l'Assemblée nationale, où nous avons dans un premier temps été reçus par le 6e Vice-président, puis par le 3e Vice-président de cette institution. Nous leur avons soumis les difficultés traversées par le secteur éducation au Gabon, et expliqué les raisons des grèves des enseignants, et le sens de la coalition formée par le Sena et la Conasysed. Jusqu'à présent, nous n’avons pas encore obtenu de réponses.
Nous avons donc suggéré à l'Assemblée nationale, qui représente l'ensemble des parents du Gabon, de se rapprocher du ministre de l'Éducation nationale afin de déminer cette crise qui perdure. Je pense aussi que l'Assemblée nationale a essayé déjà de donner un certain nombre d'orientations, et contribué déjà à favoriser le dialogue social. Ce dialogue social est justement celui que je soulignais déjà à l'entame de mon propos. C'est-à-dire celui qui a eu lieu du 20 au 24 décembre 2021. Cette rencontre avait pour objectif de débattre sur les différents points inscrits sur leur cahier de revendications. Par ailleurs, durant cette rencontre, ils n'ont pas manqué d'évoquer la mise sur bon de caisse des enseignants qui sont considérés comme des grévistes depuis la rentrée des classes 2021-2022.
Peut-être un mot à l'endroit des enseignants et des gouvernants qui peinent à trouver un terrain d'entente.
Le Conseil national par la voix de son président exécutif, demande au gouvernement, surtout le département éducation et aux deux organisations syndicales, le Sena et la Consasysed, de continuer à discuter pour trouver des solutions. Aujourd'hui, vous êtes des travailleurs, vous qui êtes enseignants. De l'autre côté le gouvernement est l’employeur. Qui souffrent aujourd'hui ? Ce sont nos enfants. Et ces enfants représentent le Gabon de demain. Après nous, il faudrait bien que les enfants arrivent à nous remplacer dans les administrations publiques ou privées. S’ils ne sont pas bien formés, la relève dans les différents secteurs d'activité ne sera pas assurée. Aussi, aujourd'hui sommes-nous très inquiets comme je le disais tout au début. Si jusqu'au mois de mars il n'y a pas cours, et même bien avant, nous finirons par faire venir les médias afin d’attirer l'attention, sinon sonner l'alarme et appeler à déclarer l’année blanche.
Il serait mieux d'agir ainsi, nous ne voyons pas d’autre solution si ce n’est le perpétuel rafistolage. Nous savons qu'il faut un volume d'heures de cours, sinon de semaines de cours pour la validation d'une année scolaire. Mais si les normes ne sont pas respectées, nous n’allons pas continuer à apporter des modifications au calendrier scolaire. En continuant à prolonger le calendrier, l'année scolaire ira jusqu'à quand ? Arrêtons de se mentir à nous-mêmes : que ce soient les enseignants ou l'administration, à un moment donné nous avons l’obligation de se parler franchement. Sinon ce sont les élèves qui risqueront d'en payer les frais. Je pense que nous avons longuement débattu sur la question de grève et de l'éducation dans notre pays. Que ce soit l'Assemblée nationale, le Sénat, toutes les institutions étatiques sans oublier le Président de la République, il est urgent de se pencher sur les nombreux problèmes qui gangrènent le secteur éducatif gabonais.
Propos réceuillis par Brandy MAMBOUNDOU
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