Trois questions à Pepecy Ogouliguendé, membre de la société civile : « Voter « non » c’est pérenniser la présence des militaires au pouvoir »
C’est l’avis de la députée de la transition et présidente de l’ONG Malachie lors d’une interview accordée à la rédaction de Gabonclic.info, le 19 août 2024. Elle est revenue sur la question du référendum, en donnant son avis sur cette consultation politique qui domine les débats depuis plusieurs mois au Gabon. Lecture !
Gabonclic.info : Le débat sur le vote du « oui » ou du « non » lors du prochain référendum est d’actualité depuis plusieurs mois déjà. En votre qualité de membre de la société civile et du parlement de Transition, quel est votre position ?
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de pouvoir m’exprimer sur ce débat très sensible et qui traite en réalité du futur de notre pays. À chaud, je dirais effectivement que nous sommes dans un tournant capital de notre transition. La transition veut dire partir d’un régime non-démocratique vers un régime démocratique. Il est important de rappeler à tout le monde les spécificités de ce contexte caractérisé par une démocratie résiliente. C’est une restauration des institutions et il faut rappeler également les enjeux de la transition. Nous avons l’opportunité, sur la base d’une analyse profonde, de soutenir l’idée selon laquelle le Gabon a une des meilleures Transition politique en Afrique Centrale et de l'Ouest par son caractère pacifique et le respect de son Chronogramme par le CTRI . C'est vraiment très important de le noter. C'est dommage pour les dirigeants de ne pas avoir une communication adaptée aux enjeux du moment. Une communication de proximité avec beaucoup de pédagogie. Alors que dès le départ, un axe avait été dégagé pour la communication et la sensibilisation. C'est très important que les citoyens comprennent les enjeux de cette période vraiment spéciale. Quels sont les efforts qui doivent être fournis pour pouvoir revenir à l'ordre constitutionnel le plus rapidement possible ? Certes, il y a des efforts en termes de communication institutionnelle, mais il faut reconnaître que nous avons besoin d’une mobilisation citoyenne. Nous avons besoin de communication de proximité. Car, cette faiblesse fait le lit à l’intox, à la désinformation et autres informations qui prêtent à confusion et qui manipulent malheureusement la conscience collective. Après l'étape du dialogue national inclusif, nous sommes maintenant en train de préparer le référendum. Et il faudrait que les uns et les autres soient fixés sur cette opération. Le référendum ce n'est pas le bilan du CTRI, parce que le président de la transition n'est pas un président élu. Sa priorité c'est vraiment la restauration des institutions et de pouvoir organiser les élections libres et transparentes pour un retour à l'ordre constitutionnel. Nous devons avoir conscience de cela. Les questions de gouvernance, de transparence, de conditions de vie, de la dignité des concitoyens font partie également de sa feuille de route. Mais nous ne devons pas oublier qu’à la fin, nous devons converger vers le retour à l'ordre constitutionnel.
Concrètement, pourquoi voter « Oui » lors du prochain référendum ?
Certains compatriotes ont décidé de saisir la Cour constitutionnelle pour diverses raisons. Je pense que chaque Gabonais a le droit de dire et de faire ce qu’il juge bon. Mais, est-ce qu’on explique aux uns et aux autres les conséquences de voter « non » ? Les conséquences du « non » nous ramèneraient à reprendre le processus de la transition à zéro. Et si on reprend le processus à zéro, cela veut dire que nous rallongerons la durée de la transition. Cela signifie que nous pourrons être davantage sous le sceau des sanctions internationales. Il y a justement des risques pour les Gabonais. Parce que les sanctions, en cas d'aggravation et de la durée de la transition, seraient beaucoup plus lourdes pour les populations. Nous avons vu ces situations dans certains pays de l'Afrique de l'Ouest. J’ai été dernièrement dans plusieurs pays africains avec les Nations Unies où nous avons fait du Benchmarking (comparaison)des Transitions. Au-delà de ce que nous voyons dans les médias, je vous assure que la transition du Gabon est assez particulière et il serait dommage de mettre à mal la consolidation de la paix et tout ce qui s'ensuit. Voter « non » c'est une manière de pérenniser la présence des militaires au pouvoir, alors qu’aujourd'hui, l'objectif je pense, pour tous ceux qui comprennent l'enjeu, le retour à l’ordre constitutionnel est vraiment une urgence. La Transition politique par essence est un Gouvernement anticonstitutionnel. Elle ne doit pas être encouragée, encore mois perdurer. Si les citoyens sont informés, ils sauraient que la meilleure idée serait de voter « oui ». Bien sûr, en faisant confiance aux autorités qui prennent en compte les aspirations du peuple. Donc je pourrais dire que le « oui » permettrait d'accélérer le processus de la transition. Lors de sa tournée républicaine dans la Nyanga, le Président a émis le vœu d’accélérer le processus de la Transition. Il faudrait que nous retournions à l'ordre constitutionnel pour permettre aux investisseurs d'apporter des capitaux.
Votre mot de la fin ?
Le président de la République a si bien rappelé, lors de son adresse à la nation, que la liberté d'expression doit être de mise tout en respectant les normes et la loi. Il ne faudrait pas que d'autres fassent prendre à la population des risques démesurés. L’accompagnement de tous les acteurs consiste à converger inéluctablement et rapidement vers un Gouvernement Constitutionnel. En ma qualité de médiatrice de la paix, je pense que nous devons tous concourir vers le retour à l'ordre constitutionnel. Nous devons préserver cette paix qui est chère à notre pays, qui nous permet de vivre une transition assez particulière en Afrique et que nous soyons parmi ceux ayant réussi la transition. Je vous remercie.
Des propos recueillis par Elzo Mvoula
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