Turquie : Combien de Dina pour se ressaisir ?

Par Brandy MAMBOUNDOU / 29 mar 2023 / 0 commentaire(s)
Le corps de Dina Retrouvé dans la ville de Karabuk

La mort d’un adolescent est déjà inacceptable. Celle de Dina l’est encore plus par la manière barbare que ses bourreaux ont choisie de lui ôter la vie, et surtout par le fait qu’elle l’ait vue venir elle-même. La perte d’un génie à l’avenir aussi prometteur, bac D à 16 ans et études d’ingénierie, est révoltante pour les parents dont elle était fille unique nous a-t-on dit, et qui avaient décidé de lui construire un avenir au moins confortable. Elle interpelle.

Sans reproches a posteriori, ce sont nous  les parents qui sommes les premiers interpellés. Personne ne reprocherait à un père, à une mère de vouloir préparer et accompagner la construction de l’avenir de son enfant. C’est un devoir et c’est légitime. C’est le choix des destinations qui pose cependant problème. Dans les pays d’Afrique blanche et au-delà,  la montée du racisme black est très forte ces derniers temps. Il est latent chez certains, caché mais existant, ou plus affiché et beaucoup plus démonstratif chez d’autres. Les semaines récentes ont vu une explosion de violences xénophobes et anti noirs en Tunisie, obligeant certains États subsahariens à rapatrier leurs ressortissants par fourguées de charters. Le racisme qui est présent sur les bords sud de la Méditerranée est généralement considéré comme un fait marginal perpétré par une minorité. Belle hypocrisie quand cette minorité agit sans être inquiétée. Elle est même subtilement encouragée par un discours politique populiste qui accuse les migrants noirs d’envahir un espace de vie qui n’est pas le leur et sur lequel ils ne sont pas les bienvenus. À la population revient donc la rôle de faire le tri dans le tas entre le migrant sans papiers et l’étudiant en règle. Cet étudiant que les universités et même ces Etats sont allés chercher chez lui par des campagnes de promotion des universités. Cet étudiant qui est reversé au milieu d’une population qui ne veut pas de lui, mais dont on aime beaucoup l’argent de la scolarité. L’argent du noir n’y a aucune odeur, mais le noir lui-même n’y a pas droit de séjour.

Il faut dire que les parents sont eux-mêmes contraints. L’enseignement supérieur au Gabon est dans un état de dégradation si avancé qu’aucun parent ambitieux ne lui fait confiance. Entre les années académiques interminables et entremêlées, les grèves incessantes et perturbatrices des étudiants et des enseignants, l’état de ruines et de fin de guerre des structures et un État qui n’a cure des franchises universitaires, qui envoie la maréchaussée y régler les contestations à coups de matraques et de grenades lacrymogènes, personne ne souhaite plus y inscrure son enfant, surtout mineur. Dyna aurait pu poursuivre ses études d’ingénierie mécanique à l’USTM. Les images qui défilent dans la population de ce lieu de création de l’élite sont trop abominables pour y envoyer son enfant ou même accepter qu’il y soit admis. Il n’y a donc pas de choix et on comprend ceux qui se saignent désormais pour envoyer les leurs à l’étranger.

N'oublions pas qu'a travers ces enfants, c’est de l’avenir du Gabon qu’il est question. Le gouvernement qui a la charge de le construire ne réalise toujours pas qu’on ne peut le faire qu’avec nos propres ambitions et plans de développement qui incluent les choix qualitatifs et les cursus de formation des cadres dont nous avons besoin à court, moyen et long termes. Détruire notre propre système de formation comme il le fait pour nous accrocher aux structures de ceux qui posent les jalons de leur avenir en fonction de leurs propres besoins ne nous mènera à rien d’autre qu’à une impasse. En nous entêtant à ne pas nous armer pour futur, en promettant des universités qui ne restent qu’au niveau des promesses, en déstabilisant tout le système par des grèves non programmées ou provoquées par des comportements d’Ayatollah, préparons-nous à recevoir d’autres Dyna. Parce qu’au fond, c’est nous qui envoyons nos enfants chez les autres.

Elzo Mvoula

 

 

Article du 29 mars 2023 - 10:13pm
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