Gabon/Lionel Engonga, député de la Transition : « Le système judiciaire doit pouvoir mettre en œuvre un programme de réinsertion »
Ainsi souhaite le défenseur acharné des droits humains en milieu carcéral. Le président de L’association de SOS Prisonniers Gabon (SPG) estime que « L’administration pénitentiaire n’a pas pour unique mission la garde des détenus. Elle doit aussi préparer leur réinsertion sociale et leur éviter de récidiver une fois de retour dans les communautés ». Lecture !
Gabonclic.info. Comme promis dans son discours du 31 décembre 2023, le président de Transition a gracié plusieurs détenus, avant le début du Dialogue national inclusif. Que dites-vous face à ce geste ?
Lionel Engonga : rappelez-vous que le 7 décembre 2023, lors de la présentation de la feuille de route du Premier ministre devant l’Assemblée nationale de la Transition, nous l’avions interpellé sur la surpopulation carcérale, qui porte gravement atteinte à la dignité humaine. Par la suite, le président de la Transition a fait la promesse de libération de 1000 prisonniers, à l’occasion de son discours de vœux de nouvel an le 31 décembre 2023. Cette annonce était donc comme un véritable cadeau de fin d’année pour nous. À la veille du Dialogue national, la promesse du président de la Transition s’est concrétisée. Une véritable bouffée d’oxygène pour nous, pour les familles et les détenus eux-mêmes. Cette décision salutaire participe à lutter contre la surpopulation carcérale.
Cependant, depuis quelques jours, nous voyons sur les réseaux sociaux plusieurs articles selon lesquels que les ex-détenus graciés seraient encore à l’origine des braquages et autres. Nous tenons à démentir toute cette vague de publication qui a pour seul objectif de stigmatiser ces personnes qui ont bénéficié de la grâce présidentielle et, indirectement, dire que le président n’aurait pas dû les libérer. Nous pensons même que le président de la République aurait libéré plus de 1000. Nous le remercions, une fois de plus.
Pourtant, il n’est pas rare de revoir souvent nombreux de ces graciés retourner à Sans-Famille quelque temps après. Vous qui œuvrez pour le bien-être des prisonniers, que faire pour éviter cela ?
Il faut d'abord rappeler qu’en 56 ans de gestion, le pouvoir déchu n’a jamais mis en place une politique de réinsertion sociale pour les ex-détenus. Notre système pénal est essentiellement répressif. Parler de récidive montre que la prison gabonaise ne joue pas son rôle, celui de permettre à la personne incarcérée, une fois sa dette payée, c’est-à-dire qu’elle aura fini de purger sa peine, qu’elle se réinsère dans la société à laquelle elle continue d’appartenir, tout en étant en prison.
L’administration pénitentiaire n’a pas pour unique mission la garde des détenus. Elle doit aussi préparer leur réinsertion sociale et leur éviter de récidiver une fois de retour dans les communautés. Il faut tout d'abord décliner les facteurs favorisant la récidive. Il s’agit, notamment, de l’isolement social ou familial, la précarité, le chômage, l’oisiveté, le faible niveau d’éducation ou de formation, l’absence de logement, etc. Pour cela, le système judiciaire doit pouvoir mettre en œuvre un programme de réinsertion, afin d’aider les détenus à avoir un futur métier et à préparer leur retour en toute sérénité dans la société. Cela passe concrètement par la formation et la pratique de ce métier pendant leur détention.
Votre mot de fin !
Le 19 mars 2024, le Sous-comité de l’ONU pour la prévention de la torture et les mauvais traitements a recommandé aux autorités gabonaises de s’attaquer de toute urgence à la surpopulation carcérale, aux horribles conditions dans les prisons, afin de mettre fin aux traitements cruels, inhumains et dégradants infligés aux personnes en détention.
Les populations attendent donc impatiemment la mise en application des recommandations issues du 1er Symposium du système judiciaire gabonais. Car, ces travaux ont annoncé une Réforme du système judiciaire qui garantirait le respect de la dignité humaine et l’accès à une Justice de qualité pour tous. Nous avons également une pensée pour tous ces détenus qui n’ont pas bénéficié de la grâce, y compris ceux qui sont en détention depuis plus de 10 ans, sans jugement. Il est temps que nos autorités judiciaires soient courageuses, en mettant en liberté toutes ces personnes en attente de jugement au-delà des délais légaux.
Propos recueillis par Elzo Mvoula
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