Afghanistan ou Zambie : quelle préférence pour le Gabon ?

Par Brandy MAMBOUNDOU / 18 aoû 2021 / 0 commentaire(s)
Jean Valentin Leyama

Chronique de Jean Valentin Leyama

L’actualité politique internationale est marquée par deux événements contrastés : la victoire des Talibans en Afghanistan et celle de l’Opposition en Zambie.

Dans le premier cas, le retrait après plus de 20 ans de présence des forces occidentales, Etats-Unis en tête, crée une débandade généralisée suite à l’effondrement, tel un château de cartes, d’un régime ainsi que d’une armée entrainée et équipée par l’OTAN. Avec la fuite sans gloire du chef de l’Etat, c’est le « sauve-qui-peut ». Plus d’armée, plus de police, plus de garde présidentielle, les corps habillés dont on vantait hier le professionnalisme et la loyauté ont jeté leurs uniformes pour se fondre dans la population ou partir en exil, rejoindre les millions d’Afghans réfugiés dans les pays voisins, en attendant d’être rattrapés par les vainqueurs pour rendre gorge. Tous ceux qui avaient pensé qu’ils nageaient sur un long fleuve tranquille sous la protection tutélaire de la première puissance militaire du monde se sont brutalement réveillés et retrouvés dans un cauchemar réel. Les scènes des milliers de personnes qui cherchent à fuir le pays, agrippés sur les ailes des avions-cargos américains sont pathétiques.

Qui cherche à fuir, qui a peur des talibans et de leur vengeance ? Pas le citoyen lambda dont la condition ne s’est pas améliorée au cours de cette double décennie en raison de la mauvaise gouvernance et de la corruption qui gangrenait le régime ainsi que des injustices sociales criardes. Non, ceux qui tentent de fuir sont précisément ceux qui ont beaucoup de choses à se reprocher. Les commis aux basses besognes, les « collabos », les forces de la répression, les homologues de nos DGR, B2, PJ et autres services spéciaux qui avaient fait le choix de « servir l’Etat, au détriment de la Nation », dixit Geoffroy Foumboula Libeka.

Le président en fuite

Malheureusement pour eux, le président en fuite ne s’est pas préoccupé de leur sort après son départ, il n’a emporté avec lui que sa femme et ses enfants. Les sbires qui soutenaient le régime envers et contre tout, les larbins qui clamaient urbi et orbi que tout allait bien comme dans le meilleur des mondes se retrouvent orphelins, désemparés et ne devront leur salut qu’à un ralliement au nouveau régime.

On peut naïvement penser que l’Afghanistan serait lointaine. Que c’est un pays en guerre. Que c’est une autre culture. Que nenni ! Que les thuriféraires des potentats africains n’oublient jamais comment s’est achevé le règne du Dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga.

« (…) Le temps presse : les mutins venus de Kota-Koli approchent. Au dernier moment, Mobutu et sa famille ne veulent plus partir. Le colonel Motoko, chef de la sécurité du président déchu, menace d’abattre quiconque empêcherait celui-ci de rejoindre aussitôt l’aéroport où l’attend le seul avion disponible, un cargo Iliouchine 124 de l’Unita, arrivé dans la nuit. C’est Nzanga qui raisonnera son père.

« Arrivés sur le tarmac, les soldats comprennent que leur chef s’enfuit. L’un d’eux, ivre de colère, menace : “Mon Maréchal, vous ne partirez pas.” Un autre enchaîne : “Vous nous abandonnez sans argent. Qu’allons-nous devenir ?” Le colonel Motoko assiste impuissant à cette scène impensable : Mobutu maltraité par des soldats du rang. Finalement, le Maréchal fait signe à son épouse de leur donner “l’argent”.

« (…) Des gardes du corps du maréchal, qui n’avaient pas été choisis pour l’accompagner, réussissent, dans la confusion, à monter dans l’avion. Ils n’en seront pas délogés.

« (…) On ne se bouscule pas en Afrique pour héberger le président déchu. Le Congo-Brazzaville, le Gabon et la République centrafricaine refusent de l’accueillir avec, selon eux, sa trop nombreuse famille, une centaine de personnes. Il est devenu un paria. Nelson Mandela dira plus tard, avec une certaine compassion : “Tous ceux qu’il avait aidés pendant trente ans ne voulurent plus le connaître pendant ses derniers jours sur terre.” (Extrait d’un texte de Nicole Agonhessou)

Présidents-dictateurs Ben Ali en Tunisie et Blaise Compaoré au Burkina Faso

La fuite de Mobutu et ses conséquences ressemblent en plusieurs points à celles des présidents-dictateurs Ben Ali en Tunisie et Blaise Compaoré au Burkina Faso, deux cas sur lesquels nous ne nous étendrons pas.

Celui qui l’a compris, quoique tardivement, c’est le président sortant de Zambie, Edgar Lungu. Après avoir « volé » plusieurs fois les élections face à son challenger de l’Opposition, Hakainde Hichilema qu’il avait fait incarcérer en 2017 sous le fallacieux prétexte de haute trahison et tentative de renversement du Gouvernement, il a dû se résoudre à accepter sa défaite et a félicité le vainqueur. Cette fois, la Commission électorale s’est affranchie de l’emprise du Pouvoir et proclamé les vrais résultats, la victoire écrasante de l’Opposition, avec une avance de près d’un million de voix, en dépit de toutes les obstructions, celle-ci n’a quasiment pas pu faire campagne, les meetings étant interdits pour cause de pandémie.

Edgar Lungu aurait pu effectuer un nouveau passage en force mais, cette fois, la raison, l’honnêteté et le réalisme l’ont convaincu de renoncer à cette aventure suicidaire. Ce geste d’une très haute portée le conduira à négocier une bonne passation de pouvoirs, laquelle leur permettra, lui, sa famille et ses soutiens de continuer à vivre en paix dans leur pays.

Quitter le pouvoir, tôt ou tard, sous des jets de pierre, des huées ou sous des acclamations est un choix.

Après l’épisode désastreux de 2016, quel choix pour le régime gabonais en 2O23 : Afghanistan 2021, Zaïre 1997 ou Zambie 2021 ?

 

Article du 18 août 2021 - 9:40am
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