Crise à la tête du Barreau national du Gabon/Me Jean-Paul Moumbembé : « A mon avis, il n’existe point de Bâtonnier intérimaire légal »

Par Brandy MAMBOUNDOU / 08 nov 2023 / 0 commentaire(s)

 

Une atmosphère des plus fétides empoisonne le Barreau du Gabon depuis la fin du mandat de Maître Lubin Ntoutoume. En janvier 2023, l’élection de Raymond Obame Sima, très contestée, s’était soldée par son invalidation par le Conseil d’Etat, saisi par des avocats. Depuis le week-end dernier, un élément s’est ajouté à la contingence avec la partition du barreau en deux groupes. Le premier a choisi de reconduire Maître Lubin Ntoutoume comme bâtonnier intérimaire, alors que le deuxième a opté pour un bâtonnier ad hoc en la personne Maître Jean-Paul Moumbembé. Ce dernier nous livre sa part de vérité sur cette situation.

Me Jean-Paul Moumbembé, depuis janvier dernier, après l’annulation, par le Conseil d’Etat, de l’élection de Raymond Obame Sima, le barreau du Gabon est à nouveau dans la tourmente. A la demande du nouveau ministre de la Justice d’organiser l’élection d’un nouveau bâtonnier, une partie des avocats a décidé, la semaine dernière, de reconduire l’ancien Bâtonnier Lubin Ntoutoume, comme intérimaire. Cette décision a été rejetée par une partie des avocats, dont vous-même. Que s’est-il passé ?

Me Jean-Paul Moumbembé : nous ne pouvons pas faire fi des dispositions de la Loi sur l'exercice de la profession d’avocat au Gabon en se levant un samedi matin et procéder à la nomination d’un bâtonnier intérimaire, en vue de tenter de combler le vide prévalant à la tête de notre Barreau. Le Christ a dit : « Il est normal que le scandale arrive, mais malheur à celui par qui ce scandale vient ». C'est pourquoi, en notre âme et conscience, mais aussi en notre qualité d'aînés, nous avions estimé que face à un tel coup d'Etat ordinal, il fallait répondre immédiatement par ma désignation, à l'unanimité, comme Bâtonnier ad hoc avec une mission unique : mener toutes les démarches utiles et nécessaires auprès des autorités du Conseil d'État, afin que cette haute juridiction administrative vide sa saisine. Je rappelle que nous étions deux confrères à avoir saisi le Conseil d’Etat : Maître Gilbert Érangha et moi.

Vous avez été désigné « bâtonnier ad hoc », qu’est-ce à dire exactement ?

Nous avons sollicité, depuis quatre ou cinq mois, que le Conseil puisse nommer un bâtonnier intérimaire. Je rappelle qu'en cette matière, c'est la formation collégiale saisie par nous qui est seule compétente pour décider. Les magistrats étant en grève et en pleines vacances judiciaires, il revenait à chaque avocat de patienter ! Maintenant qu'un groupe d'avocats se retrouve pour une concertation intellectuelle, en vue de trouver des voies et moyens de réconcilier et unifier notre famille, c'est une bonne chose. Mais aller jusqu'à nommer ou élire un Bâtonnier intérimaire, avec mission de convoquer une assemblée générale extraordinaire élective, c'est vraiment assassiner volontairement notre Loi des avocats au Gabon !

Dans une publication du 6 novembre, un confrère titrait : « Deux bâtonniers à la tête du barreau du Gabon ». Est-ce aussi votre avis ?

Pas du tout. Mais il fallait s'attendre à cette situation. En conformité avec la Loi en vigueur, un bâtonnier ad hoc a été élu à l’unanimité. Il a pour mission d'incarner l'idée selon laquelle chaque avocat doit respecter l'esprit et la lettre de notre Loi. À mon avis, il n'existe point de Bâtonnier intérimaire légal. Nous devons nous en tenir à la loi et à la jurisprudence en la matière. A savoir que seul le Conseil d'État, dans sa formation collégiale, est compétent à nommer un Bâtonnier intérimaire. En ma qualité de représentant de la frange légaliste, je dois continuer à rappeler cela à tous. Et ce, pour l'intérêt général de notre corporation.

Pensez-vous que le barreau du Gabon retrouvera sa sérénité d’antan ?

Je continuerai à plaider l'application de notre loi, sans laquelle l’ordre ne serait jamais qu’une vue de l’esprit. Ainsi valent, loin de l'ego de tout un chacun, la confraternité et l'unité du Barreau national du Gabon.

Avez-vous un message au peuple gabonais, pour le rassurer, et à vos confrères dans le sens de la recherche d’un consensus pour la direction du barreau du Gabon ?

Je tiens beaucoup aux valeurs cardinales dans ce milieu où l'argent corrompt, tout en dictant le mal aux esprits faibles. C’est pour mieux insister sur le respect des textes que nous avons choisi l’application de la Loi dans toute sa rigueur. Ma désignation, par certains de mes pairs légalistes, est tout simplement la réponse du berger à la bergère. Les autres devraient se tenir à cette réalité.

Des propos recueillis par Vichanie Mamboundou

Article du 8 novembre 2023 - 7:16pm
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