Gabon : Accidents récurrents à Setrag ou seconde mort d’Omar Bongo ?

Par Brandy MAMBOUNDOU / 28 sep 2022 / 0 commentaire(s)
Ici lors de l'inauguration du chemin de fer.

Les années 1970 ont été marquées par ce défi de l’ancien chef de l’Etat au-devant de la scène économico-diplomatique de la planète. Personne n’a oublié que le fils de Léwaï avait fait du chemin de fer Transgabonais un défi, qu’il a d’ailleurs su relever avec brio. Aujourd’hui ce fleuron national est menacé.

« Même s’il faut pactiser avec le diable, le Transgabonais se construira ». Cette phrase a marqué la détermination d’Omar Bongo de doter le Gabon, comme tous les autres pays africains, d’un chemin de fer ultra moderne. Pari gagné, même si l’économie gabonaise s’est trouvée bien affaiblie après cette œuvre de grande envergure. Omar Bongo avait été qualifié de « fou », lorsqu’il avait lancé le chantier du chemin de fer, parti d’Owendo, dans la banlieue librevilloise, jusqu’à Franceville, le chef-lieu de la province du Haut-Ogooué, tout en traversant cinq des neuf provinces du pays. Le Gabon pouvait déjà éprouver de la fierté à la fin de ce chantier, déclaré « plus grand chantier du monde » pendant plus de dix ans qu’avait duré sa construction. Aujourd’hui, après un peu plus de quatre décennies de sa phase opératoire, le Transgabonais peine à retrouver ses titres de noblesse. Comme si la mort d’Omar Bongo avait signé la fin de ce monument d’orgueil national.

Bénéfices pour Comilog, gueule de bois à Setrag

L’attitude de la société d’exploitation du Transgabonais (Setrag) relève ni plus, ni moins d’une véritable volonté de sabotage. Car, il est incompréhensible que le chemin de fer, qui fait partie du fleuron en la matière en Afrique, soit soumis à une gestion indigne d’une grande firme. Il devient même un véritable challenge pour les usagers de s’embarquer sur les trains de Setrag, tant les accidents sont devenus fréquents. Comment en est-on arrivé à ce désastre honteux, alors que Setrag est dirigée par des Européens, qui n’arrivent pas à entretenir cet ouvrage, le plus grand héritage laissé par Omar Bongo au Gabon ? N’est-ce pas un sabotage inique des Français, qui voyaient déjà d’un mauvais œil la construction de ce chemin de fer, refusant même son financement, au motif qu’il ne serait pas bénéfique pour le pays ? Aujourd’hui, le plus gros client de cette société demeure Comilog, l’exploitant du manganèse gabonais, avec un rythme de 39 wagons quotidiens transportés du Haut-Ogooué au port d’Owendo. Comment comprendre qu’avec un tel usage et les bénéfices que tire Comilog du chemin de fer, cette compagnie, qui fournit la plus grande partie du manganèse dans les usines d’Eramet, ne puisse entretenir cet outil de grande importance ?

Il est à rappeler que la Comilog exploite, dans le Haut-Ogooué, le gisement de manganèse de classe mondiale, ayant une teneur moyenne de 46 %. Estimé à plus de 70 années d’exploitation, ce gisement représente 25 % des réserves mondiales de minerai de manganèse. La Setrag transporte ce manganèse quotidiennement, par le chemin de fer, sur les ports d’Owendo à Libreville. Et comme partout où passent les Français, le désastre suit irrémédiablement. La preuve est qu’après l’exploitation de l’uranium, Mounana est aujourd’hui une ville fantôme, après le passage des exploiteurs français, qui ont abusé des mines d’uranium, causant un des désastres écologiques dont personne ne parle à ce jour. La pollution des cours d’eau dans la région n’est qu’un secret de Polichinelle. Mais les Français n’en ont cure : « Les microbes ne tuent pas les Africains », disent-ils avec ironie. À Setrag, c’est la gueule de bois perpétuelle.

Accident ferroviaire devenu normal, voire banal

L’arrivée de Christian Magni à la tête de Setrag, en remplacement de Luiz Renato Lombardo, avait donné un certain espoir aux Gabonais, qui voyaient dans le nouveau directeur général un compatriote qui pourrait relever cette compagnie et préserver les efforts incommensurables d’Omar Bongo. Mal en a pris aux usagers de cette compagnie, laissée-pour-compte et qui ne sert désormais qu’au transport, à une vitesse effrénée, du manganèse gabonais. Et pourtant, en Europe, d’où sont originaires les dirigeants de Comilog et même de Setrag, un accident de chemin de fer entre dans la classe de l’extraordinaire. Au Gabon, un accident ferroviaire est devenu presque normal, voire banal. Pourtant, l’entretien de ce chemin de fer devrait être une priorité pour leurs activités. Mais ce n’est pas l’avis de Comilog, encore moins de Setrag. N’a-t-on jamais vu un Européen, a fortiori un Français, à bord d’un train de Setrag ? Pour eux les trains ne servent qu’à transporter « leur » manganèse. Les usagers gabonais sont parqués comme du bétail dans les wagons, utilisés en Europe pour le transport des marchandises. Et de surcroît, ils ne sont pas capables d’entretenir le chemin de fer, pour lequel les Gabonais ont été saignés aux quatre veines. 

Pauvre Gabon, encore et toujours victime de ses richesses.

Elzo Mvoula

Article du 28 septembre 2022 - 12:00pm
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