Gabon : Imbroglio judiciaire autour de Jean Remy Yama

Par Brandy MAMBOUNDOU / 17 juin 2022 / 0 commentaire(s)
La détention en prison de Jean Rémy Yama est une atteinte à notre vivre ensemble.

Ayant bénéficié d’une mise en liberté provisoire dont il n’a guère fait profit, le président du Snec, président de la plus grande fédération syndicale du pays, Dynamique unitaire, a été à nouveau incarcéré… pour une affaire de détournements de deniers publics sans que la situation de sa santé n’émeuve l’instance judiciaire, visiblement bras armé de l’Exécutif pour broyer cet universitaire.

Il restera en prison ! C’est ce qu’en ont décidé les marionnettistes invisibles qui s’acharnent contre Jean Rémy Yama. Son avocat, Me Anges Kevin Nzigou, avait obtenu une mise en liberté provisoire. Pour deux raisons. Il a une garantie de représentation depuis le déclenchement de l’affaire, puis s’est ajoutée la délicate situation de son état de santé. Souffrant d’un syndrome d’apnée, parents, avocats et syndicalistes souhaitaient qu’il sorte de Gros Bouquet afin de sauver sa vie. Le juge d’instruction a répondu favorablement à cette requête. Mais le procureur de la République a vite déclenché une autre affaire.

En effet, incarcéré pour escroquerie et abus de confiance à l’égard de ses collègues ayant souscrit au projet immobilier géré par la SCI Serpentin dans le cadre des activités du Snec, Yama se défend depuis toujours d’avoir abusé quiconque. Co-gérant de la SCI Serpentin, il n’aurait pas permis aux sociétaires d’acquérir le bien immobilier promis après le dépôt d’une contrepartie financière. Pour cette affaire, le juge d’instruction a considéré qu’il pouvait bénéficier d’une mise en liberté provisoire surtout que cette décision était assortie d’une interdiction de sortie du territoire.

Mais l’acharnement a eu raison du bon sens et de la justesse de l’approche du juge d’instruction. Désormais, pèse sur le détenu Yama une affaire de détournement de deniers publics. Une affaire sur l’affaire ! Où le procureur a-t-il trouvé cette nouvelle malice ? Selon le récit de l’affaire Serpentin, Omar Bongo aurait donné au Syndicat national des enseignants-chercheurs et chercheurs (Snec) une bagatelle somme d’argent de cinq milliards pour viabiliser un terrain à Agondje, début des années 2000. La SNI se disait d’ailleurs propriétaire du terrain. Les cinq milliards devaient servir à assainir le terrain en le remblayant notamment, car le terrain est marécageux. Des offres sont ensuite faites aux enseignants moyennant 24 millions ou 40 millions, selon le standing. La SCI Serpentin est créée pour gérer tout ceci. Et Jean Rémy Yama, avec une de ses collègues, en prennent la direction. Les maisons commencent à sortir de terre dans la décennie 2010, quelques sociétaires y habitent même, mais d’autres ayant versé leur argent pour acquérir une maison, déchantent. Le projet est devenu tortueux, ruineux, des maisons sont inachevées, au point que la SCI demande désormais à chacun de terminer sa maison.

La Cour des comptes est entrée dans les comptes de Serpentin en 2017, alors que des soupçons de malversations financières pesaient sur la gestion de la SCI. Après évaluation, les comptes semblaient propres. Et la première plainte contre Yama, qui date de cette époque, ne prospéra pas ; elle fut classée sans suite car l’escroquerie et l’abus de confiance n’étaient pas démontrés.

La semaine écoulée, Jean Rémy Yama a dû avoir le vertige. Parti chez le juge d’instruction pour une audition, il a été aussi chez le procureur, puis entendu au B2, et ramené en prison malgré la mise en liberté provisoire obtenue dans la foulée. Le procureur en a décidé autrement en déclenchant une nouvelle plainte avec de nouveaux chefs d’accusation. Cette fois-ci, il est poursuivi pour détournements présumés de deniers publics, autrement dit la justice le soupçonne d’avoir détourné une partie des 5 milliards accordés par l’Etat où régnait Omar Bongo.

Cette nouvelle plainte et cette nouvelle détention sont-elles le traitement thérapeutique pour le soigner de sa maladie ? La justice donne une réponse répressive à un problème de santé, clament à raison et humainement les membres de Dynamique unitaire. Des dispositions ont-elles été prises pour que le président de DU soit pris en charge médicalement ? En tout cas, l’inquiétude est toujours grande auprès de ses avocats, des membres de sa famille et de ses collègues.    

Dans tous les cas, depuis le fond de sa cellule, Jean Remy Yama comprend aisément qu’il est un grand homme contre lequel le pouvoir s’acharne pour le détruire ; comme l’a été Nelson Mandela.

Dess BOMBE

Article du 17 juin 2022 - 11:30am
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