Gabon : La Culture et les Arts au ministère de l’Enseignement supérieur…, une incongruité

Par Brandy MAMBOUNDOU / 17 mar 2022 / 0 commentaire(s)
Lors du dernier conseil des ministres, le gouvernement a décidé de faire greffer un département pour la Culture et les Arts au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et du Transfert de technologies.

A la faveur du dernier remaniement ministériel, Ali Bongo et son Premier ministre ont décidé de faire de la Culture et des Arts un simple département greffé au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et du Transfert de technologies, quand bien même ils n’ont aucun rapport. 

Plusieurs acteurs culturels approchés se sont interrogés sur la pertinence d’un tel jumelage, surtout lorsqu’on sait que ce mélange de genre a toujours desservi la Culture et les Arts. Ironisant, l’un d’eux a suggéré que la Culture et les arts soient jumelés au ministère du Budget. Un autre s’est demandé pourquoi Ali Bongo, artiste comme eux, n’a-t-il pas créé un Haut-commissariat à la Culture et aux Arts, directement rattaché à la présidence de la République.

La pratique qui consiste à greffer le secteur de la Culture et des Arts à n’importe quel ministère semble déplaire aux acteurs culturels gabonais qui y voient la traduction du peu d’importance que les plus hautes autorités du Gabon lui accordent. Aussi pensent-ils que l’important rôle de la culture et des arts dans le développement économique, social et politique d’un pays, semble être méconnu des personnes en charge des affaires de l’Etat qui donnent année après année, l’impression de classer la culture et les arts dans le simple registre du divertissement et de l’agrémentation de quelques manifestations privées et publiques, à l’exemple de ce concert organisé à l’occasion du 54ème anniversaire du parti au pouvoir.

Or, contrairement au cliché ancré dans l’esprit des gouvernants et d’une bonne frange de la population gabonaise, l’UNESCO affirme que : « la culture est un élément déterminant du développement économique, social et humain d’un pays, du fait qu'elle englobe trois dimensions éminemment essentielles dans une société, à savoir la dimension identitaire, la dimension socio-économique et la dimension politique. Que, par conséquent, la culture qui renferme les arts, c’est-à-dire le savoir et le savoir-faire d’un peuple, doit être prise plus au sérieux que ne le font les dirigeants gabonais.» 

LA DIMENSION IDENTITAIRE. Tout projet de développement, s'il n'intègre pas une dimension culturelle afin de se construire sur un processus d’appropriation, aucun programme gouvernemental ne peut atteindre les résultats escomptés en termes de développement effectif et durable si sa dimension culturelle n'est pas prise en compte et appliquée.

LA DIMENSION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE : L’ensemble des activités liées à la création, à la mise en valeur du patrimoine, à la production et à la diffusion de biens et services culturels est une source importante d’emplois, de création de revenus et de valeur ajoutée, et constitue un vecteur du dynamisme économique et social majeur.

LA DIMENSION POLITIQUE : La manifestation des valeurs profondes et des projections de la société́ à travers la création artistique et les expressions culturelles sensibilisent celle-ci à ses propres défaillances, consolident la citoyenneté́ et ouvrent les voies de la transformation des esprits. La bonne gouvernance d’un pays et son engagement démocratique sont intimement liés à ce processus. En effet, tout peuple porte en lui le principe de sa propre cohésion. C’est-à-dire, un ensemble de valeurs sacrées pour tous les membres de la société. Lorsque petit à petit disparaissent ces valeurs enfouies dans le socle qu’est la culture, le peuple en manque de repères, s’accroche aux modèles importés et la cohésion devient un leurre. Et au Gabon, la méprise de ces trois dimensions par les gouvernants est la principale cause du nanisme dont souffrent la culture et les arts. Aussi est-il important que, comme ailleurs, ce domaine bénéficie d’une attention toute particulière, vu la vitesse avec laquelle le Gabonais perd ses valeurs, et son patrimoine culturel matériel et immatériel, exposant les prochaines générations à une identité d’emprunt et à des pratiques issues d’autres civilisations qu’à celle de leurs ancêtres.

Si les autorités gabonaises continuent de faire de la Culture et des Arts, ce qu’ils sont en train faire, dans quelques années la culture ne sera plus ce qui nous reste lorsqu’on a tout perdu, mais ce qu’on aura perdu lorsqu’il ne nous restera plus rien. Pour ressortir la Culture et les Arts gabonais de leur déclin, un département ministériel doit lui être entièrement consacré, plutôt que ce greffage absurde auquel se livrent Ali Bongo et ses premiers ministres régulièrement.

Alors qu’en France, pays auquel les autorités gabonaises se réfèrent en tout, les médias et la communication se trouvent au sein d’une direction générale du ministère de la Culture, au Gabon, l’on en a fait tout un ministère.

C’est à croire que personne au sommet de l’Etat ne constate que depuis plusieurs années, la culture gabonaise a perdu la place qu’elle occupait au plan international, alors qu’elle compte parmi les plus riches d’Afrique de par sa diversité et devrait être une fierté.

Or, faute de politique culturelle, le Gabon est devenu le grand absent des rendez-vous culturels internationaux. Le temps où il rayonnait à travers sa culture ne relève que du passé. Le grand témoignage du peu d’intérêt que les gouvernants ont pour la culture reste le Centre international des Civilisations Bantu qui n’existe plus que de nom.

Quelle honte !

Nicolas NDONG ESSONO

Article du 17 mars 2022 - 12:58am
Article vu "en cours dév"

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