Gabon : L’Union européenne peut-elle humaniser davantage le régime de Libreville ?
Le 14 septembre 2017, l’Union européenne a adopté une résolution sur la répression de l’opposition au Gabon et demandait que des sanctions soient prises contre des personnalités du régime de Libreville. Depuis lors, aucune sanction, au point que l’opinion publique gabonaise se demande si le diable n’a pas infesté le cœur des Européens.
A Libreville comme dans l’arrière-pays, le quotidien du Gabonais est resté anxieux et 2023 constitue un nouveau rendez-vous ravivant les peurs de 2016. Sur France 24, le 1 er septembre 2016, Jean Ping confie : « Nous enregistrons deux morts et plusieurs blessés. Ce scénario se répète depuis cinquante ans, la même chose : l’opposition gagne toujours les élections mais n’accède jamais au pouvoir. » Alors que l’opposant devenu est resté membre éminent du PDG au moins de 1990 à 2014 - il sait de quoi il parle s’il fait allusion aux présidentielles de 1993, 1998, 2006 et 2009 -, personne ne peut douter de lui.
Or, le régime ne prend pas seulement le pouvoir. A chaque élection présidentielle, le Gabon compte toujours des morts comme si une élection est un prélude à la guerre armée. Le régime possédant seul les armes, c’est donc lui seul qui les utilise, non contre des ennemis de la République mais contre les populations militant en faveur d’une alternance démocratique.
La résolution de l’Union européenne du 14 septembre 2017 a créé un espoir à Libreville. D’autant plus que la mission d’observation européenne conduite par Mariya Gabriel avait conclu que les résultats donnés par la Cénap d’Aboghe Ella et la Cour constitutionnelle de Marie-Madeleine Mborantsuo étaient vraisemblablement faux. Le camp d’Ali Bongo avait alors accusé le camp de Jean Ping de vouloir déstabiliser le pays par des ingérences étrangères et des émeutes à Libreville. La France, les Etats-Unis et l’Union européenne avaient demandé alors le recomptage des voix plutôt que de séquestrer des personnalités comme Zacharie Myboto, Chantal Myboto, René Ndemezo’Obiang…au QG de Ping.
Quatre ans plus tard, les sanctions souhaitées dans la résolution de l’Union européenne (UE) par les Européens n’ont pas été exécutées. Pire, la nouvelle ambassadrice de l’UE, Rosario Bento Pais, au nom d’un dialogue intensifié avec le régime gabonais, a tourné le dos à cette résolution. Symbolise-t-elle la défaite de l’humanisme européen et la faillite de la volonté française à accompagner les processus démocratiques en Afrique ou incarne-t-elle une volonté des lobbies voraces ayant décidé de renier les peuples au profit du business ?
Si les Gabonais ne croient plus à l’humanisme européen et s’ils pensent que la France soutient en définitive les régimes oppressifs, comment prévenir les risques de guerre, de déflagration et faire échec aux politiques de paupérisation toujours en œuvre dans un pays immensément riche avec une population d’à peine 1 800 000 habitants ? Que désirent vraiment les Européens ?
L’histoire semble avoir dit son dernier mot : la France travaille à ses intérêts et le colonialisme dont elle fut le penseur et l’agent méprise les peuples au profit d’un capitalisme sauvage. Or, ce dernier mot est infernal et annonce des enfers lors des prochaines joutes électorales. L’Union européenne semble n’être plus que dans une mise en scène où les acteurs sont conscients d’avoir abandonné les idéaux humanistes qui ont conduit à l’idée du progrès et de la civilisation.
Sous cet angle, l’Union européenne ne peut pas civiliser davantage le régime de Libreville. Son attitude serait même la preuve qu’elle a perdu ce qui fait de l’Europe une civilisation. Si demain ne meurt jamais, le feu qu’allumeraient de nouvelles élections violentes pourrait ne plus jamais s’éteindre. Et c’est cela qu’il faut éviter. Que les Gabonais donc apportent la civilisation là où il n’y a plus que la barbarie.
Mais en ont-ils suffisamment de volonté et de force ? Là est toute la question.
Nicolas NDONG ESSONO
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