Gabon/Kidnapping de syndicalistes : Alain Mouagouadi raconte leur mésaventure
Kidnappés vendredi 1er mars 2024 après une séance de travail au ministère de la Fonction publique, le vice-président de Dynamique Unitaire (DU) et Délégué général de la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed) et l’un de ses collègues, ont été libérés dimanche 03 mars. Un enlèvement qui a suscité plusieurs interprétations sur les réseaux sociaux et dans l’opinion publique gabonaise. Aussi, le leader syndical nous a relaté ce qui s’est passé.
Propos recueillis par Randy Karl Louba
Gabonclic.info : Monsieur Mouagouadi, on peut dire comme William Shakespeare : «Tout est bien qui finit bien », mais on ne peut oublier que votre disparition avait l’air d’un enlèvement. Que s’est-il réellement passé ?
Alain Mouagouadi : Nous étions à une rencontre initiée par le ministère de la Fonction publique. Après la réunion, pendant que le camarade Thierry Nkoulou et moi partions vers le rond-point de la Démocratie, nous avons été pris en tenaille par trois pick-up neufs de couleur blanche, nous obligeant de nous arrêter. Les hommes à bord ne nous ont pas signifié l’objet de notre interpellation, ni présenté un quelconque document. Et nous ne savions pas de quel service ils appartenaient. Ils nous ont tout simplement demandé de descendre de notre véhicule. Ils nous ont embarqués dans deux véhicules différents. Nous sommes partis du rond-point de la Démocratie vers les Charbonnages. Et avant d’atteindre les Charbonnages, ils m'ont mis une cagoule sur la tête. Du coup, je ne voyais plus où on se dirigeait. Mais je sais que nous avions été détenus dans la zone des Charbonnages, avant ou après, je ne sais plus exactement.
A la fin de ce trajet, qu’est-ce que vous avez remarqué ou entendu ?
Lorsque nous sommes arrivés au lieu de la séquestration, un moment j'ai entendu la voix de Thierry Nkoulou et celles des personnes qui s'adressaient à lui. Ensuite, j'ai été conduit dans une pièce dans laquelle j'ai passé ces deux jours. Je n'ai pas été violenté. Ils nous ont servi à boire et offert des fruits. La situation a évolué et aujourd'hui (dimanche 03 mars, ndlr) autour de 3 heures, mon ravisseur est venu vers moi pour me faire comprendre qu'il va aller en finir. Ils m'ont embarqué dans un véhicule et nous sommes partis. Quinze minutes environ plus tard, j'ai entendu des interpellations venant d’agents ou des civils à bord d’un autre véhicule, qui leur ont demandé de s'arrêter. J'ai profité de cette occasion pour enlever ma cagoule et j'ai constaté qu’il s’agissait des agents spéciaux de la présidence de la République. Ils se sont présentés à moi. Ils ont embarqué les ravisseurs dans le véhicule à bord duquel je me trouvais et m’ont conduit à bord d’un autre véhicule à la présidence de la République.
Qui vous a été votre interlocuteur à la présidence de la République ?
En arrivant à la présidence de la République où j'ai repris ma montre, j'ai constaté qu'il était 4 heures. Nous avons été reçus vers 9 heures par le directeur de ce service. Ce qui veut donc dire
que la scène que je vous ai racontée tout à l’heure s’est déroulée sur au moins 30 minutes avant. Je peux vous dire que je suis sorti de là autour de 3 heures. Les agents qui nous ont interpellés avaient pour mot de passe « Cuisinier ». Il fallait aussi retrouver la voiture au volant duquel j’étais (avant l’enlèvement, ndlr). Nous ignorions où elle était garée, mais ils nous l’ont ramenée.
Vous avez tout de même soupçonné pourquoi vous étiez arrêtés ?
L’objectif était, sans doute, de m’empêcher de participer à l’assemblée générale de la Conasysed (de samedi matin, Ndr). Mais aujourd’hui, les agents de la présidence de la République ont gardé ces ravisseurs.
Quelle suite donnez-vous à ce rapt ?
La suite, c'est que le procureur doit se saisir du dossier. Si, d'ici une semaine il n'y a pas de retour, nous penserons à un montage. Si rien n’est fait, nous allons prendre nos responsabilités. Ce genre d’actes doit cesser. Il faudrait effectivement que nous puissions porter plainte pour que ces personnes ne recommencent plus ce qu’ils ont fait.
Votre mot de fin ?
Il faut que nous ayons cette culture de lutte contre l’impunité. C’est-à-dire éviter que celui qui fait du mal prospère. Nous, au niveau de Dynamique unitaire, nous allons œuvrer à aider le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) sur ce chapitre. Si le procureur ne se saisit pas de ce dossier, nous prendrons nos responsabilités et nous allons porter plainte.
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