Justine Judith Lekogo, députée de la Transition : « Je demande à ceux qui ont eu la confiance du chef de l’Etat de placer le patriotisme au centre de l’action de la Transition »
Après la rentrée parlementaire de la session de 2024 et à l’approche du Dialogue national d’avril, la députée de la Transition dresse un bilan sommaire des travaux de l’Assemblée nationale. Elle donne également son appréciation du futur Dialogue national, qu’elle souhaite « inclusif », contrairement aux précédentes concertations. « Je n’ai aucun doute de ce que ce dialogue sera différent des autres rencontres », assène-t-elle, sans hésitation, dans l’entretien ci-dessous. Lecture.
Propos recueillis par Randy Louba
L’Aube. Madame Lekogo, après plusieurs mois de présence dans la Maison du peuple, en tant que députée de la Transition, peut-on dire que les choses vont dans le bon sens.
J. J. LEKOGO : permettez-moi de vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez, en me donnant la parole dans votre média. Pour répondre à votre question, il est important de retenir que la mission d’un député, qu’il soit de la transition ou pas, est de :
•Voter les lois (article 36 de la Constitution du 26 mars1991);
•Consentir l’impôt (article 36 de la Constitution du 26 mars 1991) ;
•Contrôler l’action du pouvoir exécutif (article 36 de la Constitution du 26 mars 1991);
•Evaluer le Plan d’action et la feuille de route du Gouvernement de la Transition (article 50 de la Charte)
La particularité de ce Parlement de la Transition, c’est l’absence de groupes parlementaires. Les dé- putés de la Transition sont libres et aucun député dans ce parlement ne dépend d’aucune organisation politique ou civile. La seule chose que les parlementaires ont en commun, c’est le Gabon, servir le Gabon et servir le peuple gabonais. Nous avons le futur du Gabon entre nos mains, et le patriotisme doit prendre les devants, surtout en cette période exceptionnelle. Donc avant de se prononcer sur un projet de loi, nous avons l’obligation en tant que député de la Transition, de peser le pour et le contre. Nous avons l’obligation de poser la question de savoir si cette loi que nous allons voter va impacter positivement le plus grand nombre, à court, moyen et long terme.
En se référant aux missions du Parlement de la Transition, je dirais que les choses se passent très bien au sein de l’Assemblée nationale de la Transition. Nous avons, dans le cadre de nos travaux, adopté et voté neuf actes réglementaires portant sur :
•La révision de la Charte de la Transition ;
•Le Règlement de l’Assemblée nationale de la Transition ;
•La Réorganisation de la Commission nationale des droits de l’Homme en République •Gabonaise (CNDH) ;
•La ratification de l’ordonnance n°002/PR/2023 du 30 septembre 2023 portant suppression l’Au- torité nationale de vérification et d’audit (ANA-VEA) ;
•La détermination des ressources et les charges de l’Etat pour l’année 2024.
•La ratification de l’ordonnance n°0004/PR/2023 du 24 octobre 2023 portant création,
attributions et organisation de l’Agence nationale du médicament et autres produits de santé;
•La ratification de l’ordonnance n°005/PR/2023 du 24 octobre 2023 modifiant et supprimant cer- taines dispositions de la loi organique n°0001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décen- tralisation ;
•L’autorisation du président de la Transition, président de la République, chef de l’Etat à légiférer par ordonnances pendant l’intersession parlemen- taire.
Aujourd'hui, plusieurs voix s'élèvent pour fustiger des nominations tous azimuts et le retour au-devant de la scène des hommes qui ont dé- truit le pays. Quel est votre avis ?
Si je ne me trompe pas, je crois que la majorité de ces nominations concernent les Gabonais, et per- sonne d’autre. Le président de la Transition a choisi de se faire entourer de toutes les forces vives de la nation pour mener à bien cette transition. Autour du président de la Transition, président de la République, chef de l’Etat, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, vous avez ceux de l’ancienne majorité, de l’ancienne opposition, la société civile, les activistes et bien d’autres. Au lieu de fustiger les nominations de nos frères et sœurs gabonais aux postes de responsabilité, il serait souhaitable de sensibiliser ceux qui ont l’op- portunité de travailler autour du CTRI (Comité pour la transition et la restauration des institutions, ndr) de penser « Gabon d’Abord ». Que chacun oublie, un tant soit peu, les intérêts personnels.
La question est de savoir si ces Gabonais vont profiter de cette transition pour se rattraper et travailler réellement pour le bien-être du Gabonais. Il ne s’agit pas seulement de ceux qui sont au Gouvernement de la Transition, au Parlement de la Transition, et bien d’autres secteurs d’activité. Je m’adresse à tous les Gabonais, peu importe le secteur d’activité. Il va falloir que chacun apporte sa pierre à l’édifice. Agent simple, chef de service, etc., la transition n’est pas l’affaire d’Oligui Nguema. C’est l’affaire des Gabonais.
Je n’ai pas d’avis à donner sur ces nominations. La seule chose que je demande à ceux qui ont eu la confiance du chef de l’Etat, « c’est de placer le patriotisme au centre de l’action de la Transition ». Tous ceux qui occupent des postes de responsabilité en période de Transition doivent se surpasser pour rendre un travail de qualité. Je demande au chef de l’Etat de se débarrasser de ceux qui veulent désorienter sa vision.
Le Gabon entend organiser un énième dialogue national. Pensez-vous que celui-ci sera différent des autres ?
Le dialogue national d'avril prochain, s’il se passe bien, va faire ressortir deux camps : la société civile et le peuple gabonais d'un côté, les leaders des partis politiques de l'autre. Notre pays n'a cessé d'organiser, depuis 1990, des messes politiques, notamment la Conférence nationale, les Accords de Paris, les Accords d'Arambo, le Dialogue politique d'Angondje, et la Concertation politique de 2023. Au sortir de ces multiples rencontres, nous avons constaté que tout est plus ou moins dédié à la cause des seuls politiciens et de leurs partis politiques. Aucune de ces assises n'a bénéficié directement aux Gabonaises et aux Gabonais. Tout au plus, ces assises ont contribué à plus d'appauvrissement du peuple et à plus d'enrichissement pour les politiques. D'ailleurs, les causes inhérentes à ces dialogues étaient toutes politiques.
Quelles sont ces causes ?
Liberté d'expression et multipartisme en 1990 ; Gouvernement de large consensus en 1994 après la Paix des braves des Accords de Paris ; nettoyage du Code électoral avec l'introduction de la biométrie et de l'enveloppe poubelle aux Accords d'Arambo ; dialogue politique à Angondjé après les massacres de 2016, et Dialogue politique préélectoral de 2023 à la présidence. Le sort du Gabon n'a jamais effleuré les pensées des participants. Au moment où le CTRI nous offre l'opportunité de dialoguer, il y a lieu de préciser ici que pour ne pas frustrer plus d’un et pour la prise en compte de l’intérêt supérieur de la nation, les Gabonais ont besoin d’un dialogue inclusif et, par extension, qui va créer une voie démocratique pour le Gabon. Pour ne pas tomber dans les mêmes travers, le Dialogue national va devoir rassembler les Gabonais du CTRI, leaders politiques, l'opposition civile et militaire, ainsi que les acteurs de la société civile, des milieux professionnels, religieux et traditionnels.
Je n’ai aucun doute de ce que ce dialogue sera différent des autres rencontres, en ce qu’il va faire entendre un ensemble diversifié de voix à travers le Gabon, tout en offrant une occasion sans précédent de s’engager dans un débat ouvert pour la construction de la cohésion nationale. Le caractère inclusif de ce dialogue sera le seul garant de la prise en compte des points de vue de toutes les sensibilités qui seront représentées pour permettre la tenue de débats véritablement contradictoires.
Un dernier mot ?
Pour le mot de fin, je dirai aux Gabonais que les divisions alimentées par des rancœurs et des oppo- sitions tenaces ne peuvent que gêner notre marche vers la félicité. Ce n’est pas avec des menaces, la diffamation sur les réseaux sociaux, les tracts et la rumeur publique que nous allons construire le Gabon nouveau. C’est pourquoi j’invite, chacune et chacun, à faire preuve, plus encore que par le passé, d’esprit patriotique. C’est fort de cet esprit patriotique que nous avons accueilli le coup de la libération sans heurt. Notre combat pour la libération et le développement du Gabon devient, dans ce contexte, une énorme tâche qui sollicite toutes les volontés et qui demande la pleine participation de tous.
Alors, comme un seul homme, serrons-nous les coudes pour continuer à mener ensemble ce combat dans la paix et l’unité. Le président de la Transition, président de la République, chef de l’Etat, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, compte sur chacun de nous, et nous sa- vons tous l’intérêt de l’appel qu’il a lancé à notre endroit.
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