Luc Oyoubi : « Le PDG ne gérait pas le pays, même si ce sont ses militants qui étaient souvent les premiers responsables »
Quel est l’avenir du PDG dans le paysage politique du Gabon ? Quelles sont les incidences que peut avoir le plus vieux parti du pays face à l’escalade des démissions qui le caractérisent aujourd’hui ? Ce sont ces questions et bien d’autres sujets concernant l’ancien parti unique qui ont été évoqués dans l’entretien que l’actuel Secrétaire général intérimaire a bien voulu nous accorder. Lecture !
Propos recueillis par Louba Karl Randy
Gabonclic.info : Monsieur le secrétaire général, cette fin d’année 2023 est marquée par les démissions au sein de votre formation politique, en tant qu’intérimaire de ce qui reste du PDG, votre réaction ?
Luc Oyoubi : Toutes ces démissions nous permettrons de rester avec de vrais militants de notre Parti. Il y a des démissions qui peuvent être considérées comme étant des pertes pour le Parti. En revanche, celles des parachutés, comme eux-mêmes se qualifient, sont plutôt bénéfiques pour le Parti car la présence de ces quasis non-militants dans la hiérarchie du Parti a frustré plusieurs vrais militants.
Justement, dans sa lettre de démission, du 28 décembre dernier, Patrick Eyogo Edzang, l’un des anciens Sga du PDG, évoque « une hiérarchie mafieuse au dessein patriotique mortifère » en parlant vraisemblablement de René Ndemezo’Obiang de Démocratie Nouvelle. N’était-il pas un militant « parachuté » convaincu ?
Je prends le temps de vous répondre car je sais qu’actuellement de nombreux Gabonais se posent des questions concernant le Parti Démocratique Gabonais. Bien que les attaques se multiplient, je ne m'engagerai pas dans une joute verbale pour y répondre. Les militants comptent sur nous pour maintenir la cohésion et insuffler un nouvel élan au Parti en vue de l'organisation du prochain congrès.
Les agents permanents du siège du PDG réclament les arriérés de salaires. Pourquoi une telle situation honteuse et indigne d’une formation qui a régné, des années durant, sur les finances publiques sans partage ?
Au 30 août 2023, paradoxalement, les agents permanents du siège avaient deux mois d’arriérés, les mois de juillet 2023 et août 2023. Si à fin décembre, ils ne parlent que de trois mois d’arriérés, c’est parce que durant la période d’intérim, les arriérés des mois de juillet, août et septembre ont été épongés. Ce qu’il faut préciser, c’est qu’il y a souvent eu des arriérés de salaires du personnel permanent. La seule nouveauté, c’est qu’ils réclament désormais leurs arriérés par voix de réseaux sociaux. Ceci étant, les efforts se poursuivent au niveau du Secrétariat exécutif pour trouver une solution.
Le PDG ne gère que les finances de l’association et non les finances publiques. La situation financière du Parti est affectée par une gestion antérieure inadéquate des fonds de campagne du Parti qui démobilise les cotisants. Malgré cette pénurie, nous avons priorisé les salaires du personnel permanent et les frais de fonctionnement de ceux qui restent motivés. Pour poursuivre avec une gestion saine, nous devrons reconsidérer le soutien aux improductifs. Une réorganisation interne efficace encouragera le retour des cotisations et redressera nos finances. Il est primordial de rappeler que le PDG est un parti solidement enraciné, avec des fondations aussi solides qu'un roc et des militants fervents riches en compétences. C'est l'union de toutes ces forces, portée par des militants profondément convaincus et guidés par la foi en Dieu, qui nous permettra d'entrer dans cette nouvelle ère du Gabon.
Pour une fois, la transparence étant loin d’être l’apanage du bon Pdgiste, pouvez-vous dire ce qui se passe entre votre Secrétaire général « coincé » en résidence surveillée et vous au sujet de la gestion des comptes ?
Rien ne se passe entre le SG et moi. Son bureau l’attend, dès qu’il aura terminé avec la justice. Ce n’est ni le SG ni son intérimaire qui ont la signature sur les comptes. La question qui est posée est celle de la signature du Trésorier national adjoint en l’absence du Trésorier national. Nous aurons bientôt la réponse définitive des juristes.
Vous êtes SG par intérim du PDG. Qui a pris cette décision ? Est-ce le président du parti, Ali Bongo, qui est bien vivant ou le Sg qui est à Libreville ? les militants disent que vous vous êtes autoproclamé Sg par intérim ? Que répondez-vous ?
Les statuts du Parti (précisés par le Règlement intérieur), sont clairs comme de l’eau de roche, à l’article 82 : « En cas d’absence temporaire du Secrétaire général du parti, son intérim est assuré par son premier adjoint… ». En plus, sur ce point, je me suis toujours référé à l’avocat du Parti.
Quel est l’état du PDG, les militants disent que votre parti n’existe plus que sur le papier ?
Notre parti fonctionne. Nous organisons plusieurs réunions avec divers organes du parti, recueillant des suggestions du Conseil consultatif des sages, des membres du bureau politique des neuf provinces, ainsi que des responsables de l’exécutif local du parti. Ces rencontres sur lesquels nous ne communiquons pas beaucoup, ont renforcé notre engagement collectif envers le parti. Elles nous permettent d’élaborer, par ce processus participatif, un programme de travail qui nous mènera au congrès du parti. Le Congrès sera l’occasion d’actualiser nos textes et désigner de nouveaux responsables. La dynamique des réunions sera poursuivie dans les tout prochains jours avec des réunions par visioconférence pour échanger avec des militants de l’intérieur et de l’extérieur du Pays. Nous sommes en mouvement, adaptant notre stratégie et consolidant notre base de militants dévoués. Les défis sont l’essence même de notre progression.
Pourquoi, alors qu’il reçoit les chefs d’Etat étrangers, vous et la hiérarchie du PDG ne rencontrez pas « le distingué camarade », votre guide éclairé ?
Nous avons demandé une audience au DCP et nous attendons la réponse.
Vous aviez évoqué, lors de notre dernier entretien, la possibilité de la tenue d’un congrès pour clarifier la situation actuelle de votre parti, ne trouvez-vous pas que l’urgence commande de tenir rapidement ce congrès que d’aucuns vous accusent, à tort ou à raison, avec Eloi Nzondo, de vouloir en prendre la tête ?
Un Congrès du Parti démocratique gabonais n’a jamais été présidé par un membre du Secrétariat Exécutif.
Déroulons à présent le tapis du passé du PDG. Vous étiez l’homme de Cyriaque Mvourandjiami, lui et les membres de la Young Team, qui sont en prison pour des faits délictueux. Saluez-vous cette décision pour la salubrité publique ?
J’ai été élu député à Okondja pour la première fois en décembre 2001. J’ai été nommé au gouvernement en 2012 puis en 2014. J’ai travaillé pour la première fois avec Cyriaque Mvourandjiami en fin 2017, donc 16 ans après ma première élection comme député à l’Assemblée nationale. En 2023, j’étais absent de tous les tableaux : absent du Bureau politique, absent des listes des candidats aux législatives et locales, absent des structures d’organisation de la campagne. Si j’étais leur homme, je n’aurais pas été absent de tout.
Luc Oyoubi, vous êtes Gabonais de père et de mère, 14 ans durant, dormiez-vous du sommeil du juste au regard de la gestion criminelle du Gabon et des Gabonais par Ali Bongo et sa légion étrangère ?
Chacun de nous a sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé. Certains d’entre nous mettaient très peu de temps au Gouvernement du fait de désaccords sur certains points. Même l’opposition a sa part de responsabilité pour ne pas avoir joué correctement son rôle au Parlement.
Lorsque Cyriaque Mvourandjiami manquait publiquement de respect à « son père », comme on le dit chez les Bantous, Raymond Ndong Sima est bien son père, et traumatisait Milebou épouse Mboussou au Sénat, l’idée vous est-elle venue de lui dire « tu es allé trop loin » ?
Nous avons travaillé en étroite collaboration d’octobre 2017 à mars 2021, mais je n’avais pas ce rôle de conseiller auprès du camarade Cyriaque Mvourandjiami.
Objectivement, le PDG, au regard du désastre du Gabon, n’est-il pas dépourvu des valeurs d’éthiques ?
Le PDG ne gérait pas le pays, même si ce sont ses militants qui étaient souvent les premiers responsables en compagnie de personnalités venues de plusieurs horizons dont l’opposition. En termes de résultats, le Gabon a eu des résultats acceptables dans certains domaines comme l’environnement, les droits des femmes, la CNAMGS etc… Cependant, la gestion de certains domaines, notamment les finances publiques étaient approximatives depuis plus de vingt ans. Le Parti démocratique gabonais, dans sa charte des valeurs, prône le dialogue, la tolérance, la paix, la loyauté, la réconciliation, la solidarité, l’unité, la responsabilité, l’humilité, le mérite, la participation, le rassemblement pour garantir l'intégrité et favoriser le développement de notre nation. Nos valeurs authentiques resteront toujours un atout pour notre pays. Il est essentiel que chaque militant continue de les intégrer dans son engagement.
De plus en plus, au sein de l’opinion, monte l’idée selon laquelle si le sauveur du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, ressuscite le PDG, les populations risqueraient de marcher contre cette option. Avez-vous conscience du rejet du système Bongo-PDG par les Gabonais ?
Lorsque nous reprendrons nos activités de mobilisation, nous pourrons apprécier. Les réunions que nous avons avec les différents responsables du Parti sont rassurantes. Le PDG n’étant pas mort, le Président de la Transition n’aura pas à le ressusciter.
Le 30 août dernier, les militaires ont sauvé notre pays, grâce notamment à l’action politique de l’opposition et du travail de sensibilisation des populations par les journaux proches de ce bord, contrairement au PDG qui a cautionné la forfaiture. Etes-vous d’accord avec ce constat ?
L’action qui a conduit à un changement de régime, sans effusion de sang, est à mettre au crédit de nos forces de défense et de sécurité. Le PDG, lors de ses différents congrès, a toujours relevé les insuffisances constatées au niveau du Parti ainsi que de l’Etat, il a toujours proposé des pistes d’amélioration.
De nombreux Gabonais souhaitent connaître la vérité au sujet de l’affiliation d’Ali Bongo avec Joséphine Bongo et de Noureddin Bongo Valentin avec Ali Bongo. N’est-ce pas là un acte historique à poser pour dissiper les malentendus ?
N’étant pas de leur famille, je ne peux malheureusement rien vous apporter sur ce sujet. Une autre critique que j’ai lue quelque part et que vous n’évoquez pas ici est le travail supposé être fait en vase clos. Sur la contribution du Parti au Dialogue national inclusif, nous avons mis en place cinq groupes de travail de neuf personnes chacun, ce qui fait un total de quarante-cinq militants sollicités pour cette phase préparatoire. A titre de comparaison, pour préparer la concertation de février 2023, une vingtaine de militants avaient été sollicités pour la phase préparatoire.
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