Mali : Entretien avec Boubacar Bocoum, président du Parti Africain pour l’Intégration et la souveraineté (PAIS)

Par Brandy MAMBOUNDOU / 11 jan 2023 / 0 commentaire(s)

 

L'équipe de Gabonclic.info a rencontré de Boubacar Bocoum pour un entretien, à bâton rompu, sur l’actualité du Mali. Boubacar Bocoum est analyste politique, spécialisé en guerre et l'économie mondiale, assistant chercheur au Centre des études stratégiques Sénè à Badalabougou. Il est également le Président du Parti Africain pour l’intégration et la souveraineté (PAIS). Dans cet entretien, Boubacar Bocoum est revenu sur les situations sociopolitique, sécuritaire et économique du Mali et au-delà.

Gabonclic.info : Le Mali a décrété une journée de souveraineté retrouvée, quelle est la position de votre parti sur le sujet ? Quand peut-on dire qu'un État est souverain ?

Boubacar Bocoum : L’objectif, la vision du Parti est d’abord la dignité retrouvée, la grandeur de la société restaurée et la rémunération revalorisée. Ce qui suppose effectivement que vous pouvez entrer dans le concert des nations. De pouvoir prétendre s’attaquer à la guerre économique mondiale pour avoir sa part de marché. Mais, il faudrait d’abord que vous soyez souverain. Cette notion de souveraineté n’est pas seulement théorique, elle est dans les faits. Vous avez les souverainetés économique, monétaire et financière. Pour le moment nous n’avons qu’une partie de la souveraineté qui est dite politique et qui est superficielle, donc qui n’est pas réelle. Alors, nous sommes dans la réflexion pour dire que si nous voulons être souverains, il faut que tous les Etats africains qui ont été soumis aux affres de la colonisation, en soient débarrassés. Mais nous sommes encore victimes du néocolonialisme. Donc, les colons sont partis, mais seulement en partie. Vous savez, depuis 1496, le roi Henri VII qui a donné une lettre patente à la famille Kabo, un Italien qui a été naturalisé Anglais, par l’effet du mariage avec une Anglaise, qui avait été chargé de venir recueillir la main-d’œuvre. Les noirs que nous sommes, depuis là, les Etats comme l’Angleterre, la France et autres, notamment aujourd’hui les pays de l’OTAN, n’ont pas arrêté de piller nos ressources. Donc le fait qu'ils nous aient dit : « oui nous vous donnons l’indépendance », mais économiquement, ils nous maintiennent sous leur pouvoir. Politiquement, c’est eux qui décident qui doit être président dans nos différents Etats. Donc aujourd’hui, nous sommes dans une autre posture. C’est pourquoi le Parti africain pour l’intégration et la Souveraineté dit, non seulement qu’il faut avoir la souveraineté du Mali, mais il faut avoir aussi une intégration africaine, si nous voulons être plus dynamique et être les meilleurs dans le monde. Aujourd’hui, nous disposons de toutes les ressources naturelles en grandes parties. Et nous avons un grand potentiel intellectuel qui est dispersé à travers le monde. Donc, il va falloir, à un moment donné, qu’on comprenne que c’est avec les intelligences, donc le capital humain, qu’on crée de la valeur ajoutée. Si nous recapitalisons les intelligences africaines, elles pourraient mettre en valeur les ressources naturelles disponibles pour faire du continent un continent émergent. Aujourd’hui, c’est le Mali qui amorce ce processus. Nous pensons que le Mali va être ce pays qui va réaffirmer sa souveraineté. Nous, on ne parle pas de souveraineté retrouvée, nous parlons de la réaffirmation. Parce qu'on nous l’a donnée, mais nous n’avons pas pu affermir les liens, nous n’avons pas pu acter réellement notre souveraineté. Nous nous imposons en tant qu’Etat indépendant, Etat souverain, libre de prendre toutes les décisions de façon souveraine sans influence extérieure aucune. Vous savez l’économie mondiale a fait de telle façon que tous nos chefs d’Etat qui sont passés, étaient des chefs d’Etat corrompus, entretenus par l’occident, financés par l’occident. Du coup on ne pouvait avoir des chefs d’Etat dignes de la fonction de dirigeant. Malheureusement nous avons encore aujourd’hui certains chefs d’Etat qui sont dans cette posture, ou ont encore les séquelles de la dépendance. C’est pourquoi, aujourd’hui la CEDEAO, et l’UEMOA ne répondent pas aux besoins réels

de nos concitoyens, simplement parce que ces institutions sont dirigées par des gens qui sont, eux-mêmes dirigés par l’Occident. Je pense que c’est le Mali qui décide aujourd’hui de mettre le frein à cette hégémonie. Et le Mali va se sacrifier et faire cette résistance jusqu’à ce que nous puissions gagner le combat. Je pense très sincèrement que les autres pays du continent africain vont se rallier pour que le combat soit un combat commun. C’est pourquoi nous avons parlé d’intégration africaine. Nous avons un rêve, un rêve de la monnaie unique africaine, un rêve de l’unité africaine.

Vous êtes spécialiste de guerre et de l'économique mondiale, qu'est-ce que vous proposez pour sortir de la crise au Mali ?

Vous savez, il n’y a pas de crise au Mali en réalité. Il y a ce qu’on appelle les mouvements de l’extrémisme violent, qui sont la résultante du capitalisme violent. Vous avez une mafia internationale qui contrôle le monde. Cette grande famille s’appelle « Rock Clins ». Ce sont des Juifs qui contrôlent l’économie mondiale et qui engendrent l’économie de la guerre, l’économie criminelle. Tout ce que vous voyez comme vente d’armes, coup d’Etat, déstabilisation à travers le monde est un mécanisme qui fait fonctionner le capitalisme. C’est dans les crises que certains s’enrichissent. Pour vendre des armes, il faut qu’il y ait des guerres. Pour pouvoir contrôler, il faut qu’il y ait de la déstabilisation à l’intérieur, elle peut être ethnique, culturelle et on va même jusqu’au génocide, si les barons du système capitalisme estiment que cela est indispensable. C’est dans cette optique que le colonel Kadhafi a été tué, parce qu’il s’est opposé à certains intérêts occidentaux. C’est dans ce cas aussi que le président iraquien, Saddam Hussein a été assassiné, simplement parce qu’il a refusé de donner son pétrole pour le pétrodollar. Quand le président Saddam Hussein a dit, «  Ça suffit, mon pétrole ne se vend plus à travers le dollar », on a décidé de le liquider. C’est ça la réalité du monde. Aujourd’hui, il est évident que dans cette notion que nous appelons l’extrémisme violent, nous n’avons pas de crise, mais nous sommes victimes d’une guerre économique mondiale. Le Mali, malheureusement ou heureusement, regorge assez de ressources naturelles. Tous les pays africains ont des ressources naturelles. C’est pourquoi, souvent on dit qu’ils sont maudits, parce qu’il y a des guerres et ça ne s’arrête pas. Le Congo en est un exemple patent. Vous comprendrez aisément que ce n’est pas une crise malienne, c’est une crise qui nous est imposée par le capital bancaire, financier et mondial pour appliquer ce qu’on appelle la doctrine du choc. La doctrine du choc est élaborée par Naomi Clean, qui consiste à dire qu’il faut faire peur aux gens pour pouvoir les dompter mentalement, psychologiquement et économiquement. Et cette doctrine est utilisée par les grands stratèges de ces différentes structures, qui permettent d’instaurer les Etats africains pour pouvoir avoir les ressources. C’est ce qui nous est arrivé en 2012, quand on a dit que les djihadistes allaient venir à Bamako le vendredi, le Président Djoncouda Traoré a paniqué et a signé un accord avec la France. Ce qui a amené l’Opération Serval, qui, avec le recul aujourd’hui, nous comprenons que l’Opération Serval n’était qu’une escroquerie. C’était juste une escroquerie pour permettre à la France d’avoir la maîtrise de tous ceux qui vont venir après, à travers la MINUSMA, de toute l’armada qui va être drainée au Mali après cette intervention. Toute la manne. Et de façon intelligente, de faire main basse sur toutes nos ressources. Même la souveraineté était hypothéquée à cette époque, parce que notre armée n’avait ni la possibilité de se payer les armes, ni la possibilité de sa libre mouvance sur le territoire. Et aujourd’hui, notre armée se déplace là où elle veut sur le terrain. Elle a la capacité d’acheter ses propres équipements, elle a la capacité de réaffirmer ce que nous appelons la « souveraineté ». En réalité, il n’y a pas de crise, c’est une crise imposée par l’Occident. Ce que le Mali est en train de faire, il faut que cette crise s’arrête, on n’acceptera plus qu’on nous impose quoi ce soit. Nous allons aussi nous battre pour avoir la place que nous méritons dans le concert des nations. Et ça se passe à travers le combat pour les ressources, par le travail et la création des richesses.

De nombreux Maliens pensent que la cherté de la vie perdure, qu'en pensez-vous ?

La cherté de la vie est un problème mondial, mais cela ne dédouane pas les autorités maliennes, parce qu’on vous choisit en tant que dirigeants. Pourquoi dire aux gens qu’il y des 'obstacle ? C’est une conjoncture mondiale. Non, on vous dit de nous trouver des solutions, c’est ça le dirigeant. Le dirigeant n’est pas là pour répéter en même temps que la population pour dire, « c’est l’Ukraine, la Russie, c’est le monde qui en crise ». Non. C’est une réalité, c’est un facteur important. Mais le rôle des dirigeants, c’est de trouver des solutions. Quand on est un technicien, nous créons des problèmes, vous, vous les résorbez. À travers le monde chaque chef d’Etat est confronté à des difficultés et chaque chef d’Etat se donne les moyens de chercher les ressources. C’est pourquoi les occidentaux viennent chercher les ressources chez nous. Ils n’ont pas d’or. Il n’y a aucune mine en France, et pourtant la France a une grande réserve d’or. Où sont-ils allés le chercher et à quel prix ? La conjoncture mondiale est certes difficile. C’est pourquoi nous l’avons appelée dans notre analyse, la crise globale, sociale, sécuritaire. La crise est globale, elle touche toutes les couches sans exception, elle est sociale, elle est sécuritaire. Vous comprendrez qu’en ce moment précis, nous avons une conjoncture mondiale dans laquelle les chefs d’Etat doivent nous montrer qu’ils sont méritants qu’ils sont intelligents, qu’ils ont des idées. C’est de ça qu’il s’agit. Seulement aujourd’hui, il faut une forme d’intelligence qui doit permettre de relever ces défis. Actuellement, observez-vous pourquoi les denrées qui sont cultivées chez nous sont extrêmement chères ? Parce que ces gens aussi doivent acheter des produits qu’eux ne produisent pas. Donc, le mécanisme économique est mort. Le Mali a cessé d’exister en tant qu’économie il y a très longtemps. Nous sommes dans un système financier mondial dans lequel nous empruntons de l’argent sur le marché financier. Donc nous ne sommes pas dans le système économique. Aujourd’hui, vous êtes capables de financer les opérations de maraîchage, par exemple, pour donner la possibilité à des femmes de cultiver assez d’oignons, à un moment donné, le marché sera envahi d’oignons et le prix baissera de lui-même. Mais quand les gens ont du mal à se nourrir eux-mêmes de ce qu’ils ont cultivé, à cause de la pauvreté, ils sont obligés de les vendre. Dans deux ou trois ans encore pour courir derrière les produits qu’ils eux-mêmes ont vendus. Ça veut dire que l’économie est arrêtée. Donc, il va falloir maintenant que nos autorités pensent à donner plus de dynamisme à l’économie locale. L’économie que nous appelons la relance globale de l’économie. Il faut booster tous les secteurs. Et de ne pas se tromper de penser à aller à l’industrialisation. L’industrie, c’est une autre étape parce que cela crée de façon virtuelle, un peu de recherche, quelques emplois, mais ne résorbe pas fondamentalement l’économie. Alors nous avons besoin aujourd’hui de relancer l’économie de façon définitive et pérenne pour nous puissions donner à nos jeunes au moins 80 % d’emplois. Aujourd’hui, vous faites une usine d’égrenage de coton, elle va absorber combien de millions de personnes. Je suis désolé, mais elle n'absorbe que quelques milliers. C’est exactement le même système que la MINUSMA par exemple. Les ONG, que le Mali a décidé de mettre dehors, les gens vont dire que ça fait une perte d’emplois. Oui, chaque pan qui tombe fait tomber une partie de l’emploi. Pourquoi les gens ne se posent pas les bonnes questions ? Vous prenez l’exemple à Gao, ils sont entretenus par la MINUSMA, il n’y a pas d’emploi, l’Etat est absent. Donc, il faut que l’Etat fasse dégager la MINUSMA et créer les conditions pour que les jeunes puissent avoir des emplois. Donc, si vous ne créez pas les bonnes conditions de l’emploi, les usurpateurs vont se substituer à l’Etat. Le vide que l’Etat a créé, même les ONG prennent sa place, parce que ce sont elles qui donnent de l’emploi, ce sont elles qui financent les micros-projets qui en font un rôle régalien de l’Etat en réalité. Si l’Etat est absent, ce vide profite à d’autres qui ont des calendriers cachés. À un moment donné, si on veut la souveraineté, touq ces postes-là, l’Etat doit les occuper. Ça veut dire qu’on va créer ce qu’on appelle le plein emploi pour un développement durable .

Entretien réalisé par Hamadoun Alphagalo (de notre correspondant permanent au Mali)

Article du 11 janvier 2023 - 3:22pm
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