Me Moumbembé persiste et signe au sujet de l’élection du Bâtonnier : « Le Barreau des avocats est un Ordre et non un Désordre »
Suite à la réélection de Raymond Obame Sima à la tête du Barreau des avocats du Gabon, certains caciques de l’Ordre ne semblent point se reconnaître dans cette nouvelle désignation. Me Jean-Paul Moumbembé serait la tête de proue de la « fronde » qui se veut légaliste et s’oppose avec véhémence à cette autre tentative de passage en force. Entre deux coupes de champagne, en plein réveillon de la Sainte Sylvestre, il a bien voulu répondre à nos questions. Il promet d’aller jusqu’au bout pour obtenir l’invalidation de cette réélection, dont les jeunes avocats seraient les fauteurs de troubles au Barreau.
Propos recueillis par Elzo Mvoula
Gabonclic.info : Maître, le barreau du Gabon vient de s’élire un nouveau bâtonnier, en la personne de Maître Obame Sima. Celui-là même qui avait vu son élection invalidée, en avril dernier, par le Conseil d’Etat. L’opinion en perd son latin. Maître Obame Sima a-t-il aujourd’hui toutes les qualités requises pour diriger le barreau du Gabon ?
Me Jean-Paul Moumbembé : Il n'y a pas eu élection par l'assemblée générale extraordinaire élective des avocats du Gabon. C'est encore un coup de force perpétré par certains jeunes qui refusent de se soumettre à nos lois, us et coutumes qui régissent notre corporation. Ces jeunes, au lieu d'écouter pour apprendre des aînés, s'érigent en législateur gabonais en refusant de comprendre. Ils veulent le pouvoir ordinal dans l'illégalité. Ils cachent quoi dans leurs rapports avec leurs clients ? Car, j'ai appris qu'il y aurait beaucoup de dossiers sur la table du Bâtonnier. Il s'agirait des accusations d'abus de confiance. Chacun de nous devrait s'approprier cette idée selon laquelle le Barreau National du Gabon est un « Ordre mais point un « Désordre ». Et un Ordre est organisé par une loi prise par le Parlement de la République et non pas par un groupe d'avocats. Nous avons beau expliquer cela, mais c'est comme si nous plaidons dans la maison des avocats dont l'esprit est fortement dirigé par une main noire et dangereuse cachée. Car comment comprendre que tout en sachant l'existence de la loi sur l'exercice de notre activité d'avocat, mais on va franchir le Rubicon malgré les conseils et ce, tout simplement en voulant coûte que coûte détenir et exercer le pouvoir ordinal ?
Nous savons que vous avez été parmi les plus acharnés pour l’invalidation de la première élection de Maître Obame Sima. Il se dit que cette fois-ci encore, vous avez saisi le Conseil d’Etat et même le Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI) pour faire constater un vice de procédure qui entacherait cette nouvelle élection. Avez-vous des partisans dans le corps pour vous soutenir dans cette démarche d’une autre invalidation ?
De mon côté depuis 1989, année de ma prestation de serment, je n'ai jamais présenté ma candidature définitive pour être Bâtonnier ni même membre du conseil de l'ordre. Et pourtant, cela fait déjà plus de 34 ans d'exercice de cette activité prestigieuse au Barreau ! J'ai beaucoup appris dans ce métier prestigieux. Aujourd'hui, je l'avoue : je sais que beaucoup sont dans des ordres-loges différents... Hélas ! Je constate que Satan a réussi à s'emparer de notre Barreau. D'où ce désordre glacial volontaire. La sorcellerie professionnelle est au su et au vu de tous. Nous nous acheminons vers la désorganisation de notre corporation en deux clans, à savoir : les légalistes, dont je suis le porte-parole et le porte-voix. Et les violeurs permanents de la loi au su et au vu de tous. Car comment comprendre ou imaginer le schéma suivant : deux jeunes avocats, anciens membres du Conseil de l'Ordre, vont à juste titre proposer aux avocats une réunion avec un ordre du jour précis, à savoir : la recherche des solutions pour résoudre la question du vide au sommet de l'Ordre des dirigeants, à la suite de l'annulation des élections du Bâtonnier et des membres du Conseil de l'Ordre par le Conseil d’État qui n'avait pas nommé le Bâtonnier intérimaire. Comment comprendre ce scénario crapuleux, à savoir : la transformation d'une réunion en assemblée générale extraordinaire de désignation d'un bâtonnier et de la conduite de l'ancien Conseil de l'Ordre descendu de charges ? Comment admettre que ceux-ci n'ayant reçu aucun mandat de l'ensemble des Avocats, vont organiser les élections ordinales entre eux et venir s'imposer comme les dirigeants légaux du Barreau national du Gabon alors que celui-ci n'est ni régional ni clanique, ni amical ?
Maître Moumbembé, vu le pourcentage obtenu (soit 92 voix sur 107) pour la « réélection » de Maître Obame Sima, on pourrait croire que le consensus a été presque obtenu et que le barreau du Gabon peut enfin fonctionner sans une autre contrainte. Mais votre nouvelle saisine ne pourrait-elle pas paraître comme un acharnement personnel de votre part contre Maître Raymond Obame Sima, autrement dit, le Me Vergès gabonais (surnom que l’opinion vous attribue), ne serait-il pas trop vindicatif ? Et pourquoi ne vous présentez-vous pas à l’élection pour cette fonction, puisque vous cochez incontestablement toutes les cases qui vous permettent d’être à la tête du barreau du Gabon ?
Tout cela dépasse mon entendement de dixième Avocat parmi les 144 en tout. J'ai beau être soutenu par certains jeunes et anciens compagnons du prétoire, mais rien à faire pour ce groupe d'avocats de moins de 15 ans de carrière qui sont majoritaires au sein de notre Ordre où l'on déplore des détournements d'argent des clients. Comment vouloir admettre des candidatures au Bâtonnat pour des confrères qui ne peuvent plaider ou représenter le Barreau devant la Cour de Cassation et la Cour Constitutionnelle, parce que n'ayant pas encore atteint les 10 et 15 ans d'exercice d'avocat après les trois ans au petit tableau ? Et pourtant... Quand l'avocat prête serment, il jure respecter les lois de la République, qui sont non pas seulement notre Loi des avocats mais aussi celles des autres institutions judiciaires comme la Cour de Cassation et la Cour Constitutionnelle. Notre division au sein de notre Ordre est et reste intellectuelle sur cette question de l'entendement et de l'application des lois de la République, de toutes les lois.
Des jeunes confrères se sont retrouvés en réunion pour trouver les solutions. Et tout à coup, séance tenante, ils transforment cette séance en assemblée générale pour voir désigner l'ancien Bâtonnier Lubin Ntoutoume comme Bâtonnier intérimaire, avec son ancien Conseil de l'Ordre pendant que nous les légalistes, nous nous opposons à cette initiative illégale. C'est pourquoi nous avons saisi le Conseil d’Etat pour nommer justement un Bâtonnier intérimaire suivant la jurisprudence du Conseil d'État. Il y a eu la Grève des Magistrats et les vacances judiciaires. Il fallait donc patienter. Voilà déjà un mois que nous avons ressaisi le Conseil d’État pour pouvoir obtenir l'annulation de ladite réunion transformée en assemblée générale ayant désigné séance tenante ce groupe d'avocats organisateurs de ces deux sortes d'élections de leur Bâtonnier et le Conseil de l'Ordre. Là, ils ont franchi le Rubicon. Nous, les légalistes, nous allons prendre les décisions qui s'imposent pour éviter que se réalise cet horizon qui se dessine déjà, à savoir : la composition du Barreau National des Avocats en deux clans : celui des légalistes et celui des anticonformistes. Cependant, le Barreau étant une Institution de la République, nous saisirons le CTRI compétent en droit pour régler ces questions institutionnelles ! Le Conseil d’État, quant à lui, serait saisi en vue d'annuler ces actes des confrères faisant de l'Ordre des Avocats un Désordre ! Nous disons avec force mais sans fracas que le Barreau que son défunt-bâtisseur, le vieux Me Pierre-Louis Agondjo-Okawé nous a légué, n'est pas un Désordre, mais plutôt un Ordre qui a sa loi et son règlement intérieur. Ceux-ci doivent être retenus et être appliqués scrupuleusement. Nous devons tout faire pour arrêter cet acheminement dangereux de la composition du Barreau vers une scission.
Avez-vous un mot pour la fin ?
Je fais la promesse d'aller jusqu'au bout du combat. Non pas pour mon ego mais pour la pureté des lois de la République Gabonaise, en l'occurrence de la loi des Avocats faisant référence au respect des lois de la Cour de cassation et de la Cour Constitutionnelle !
Vive la République des Légalistes... Bonana au Barreau National du Gabon
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