Michel Essonghé : la sagesse en jachère

Par Nicolas NDONG ESSONO / 23 sep 2021 / 0 commentaire(s)
La rigueur de Michel Essonghe devrait éviter certaines dérives observées aujourd'hui.

Si Ali Bongo Ondimba avait écouté les anciens proches collaborateurs de son prédécesseur de père, à l’instar de Casimir Oyé Mba, Jean-Pierre Lemboumba Lepandou… la face du Gabon s’en serait trouvée changée. Il en a été autrement : même la sagacité d’un Michel Essonghé, appelé à ses côtés, n’a jamais été sollicitée. Un incommensurable gâchis.

Il est presque passé inaperçu pendant plus d’une décennie à la présidence de la République, ne devant surtout un reste de notoriété qu’à son parcours et ses services sous Omar Bongo Ondimba. Michel Essonghé, toujours hiératique, plus que jamais monolithique, est de ces anciens collaborateurs qui murmuraient à l’oreille d’Omar Bongo Ondimba, au mitan des années 1970 jusqu’à sa mort. Depuis 2009 au service du fils, sa charge semble avoir perdu de son prestige : bien qu’officiellement conseiller politique d’Ali Bongo Ondimba, l’action du dirigeant gabonais – de gambades économiques en pirouettes politiques – ne porte nullement la marque d’une éminence grise

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Ali Bongo a tourné le dos aux amis de son père.

 

Potentiel et sagesse inutilisés

Tous les conseillers ou presque d’Omar Bongo Ondimba ont œuvré dans la continuité avec son fils : Patrice Otha, Jean-Pierre Lemboumba Lépandou, Michel Essonghé, Antoine Mboumbou Miyakou... Autant trouvaient-ils une oreille attentive auprès de « Petit Piment » qui leur faisait confiance la plupart du temps, autant avec le fils de Patience Dabany, ils donnent l’impression de se heurter à un mur, de prêcher dans le désert. Pourtant, si au lieu uniquement de faire confiance à sa Légion étrangère, Ali Bongo avait écouté les ex-collaborateurs intimes de son prédécesseur, la face de notre pays aurait présenté un meilleur visage que le masque, au mieux grimaçant d’une République sous anesthésie ou au pire un Etat en déliquescence.

 

Antoine MBOUMBOU MIYAKOU

Alors, d’une époque à l’autre, d’une présidence sage à une gouvernance « bourou-bourou » (Guy Nzouba Ndama dixit) qu’il soit permis de s’interroger. Omar Bongo était-il plus sage que ses conseillers, au point de mesurer leur importance dans sa prise de décision ? Ou bien est-ce Ali Bongo Ondimba qui a été « dépassé » par les siens – les mêmes pourtant – auxquels il a préféré les Hervé-Patrick Opiangah, Maixent Accrombessi, Liban Soliman, Frédéric Ntera Etoua… stratèges de l’insignifiant politique ? La vie, le destin et le parcours de Michel Essonghé donnent à ces interrogations une résonance triste, quand on voit combien le potentiel et la sagesse d’un homme de qualité ont été inutilisés. Pas que !

Le nom de ce natif de Port-Gentil (Ogooué-Maritime) est significativement attaché à Omar Bongo Ondimba, au sens où la proximité avec ce dernier fixait, aux yeux du public comme à l’attention des connaisseurs, l’étoffe de celui qui méritait un tel honneur. À une époque qui semble si lointaine, par le recul du temps, mais si proche par la modernité de ses acteurs, n’importe qui ne se voyait pas associé aux grandes décisions de l’Etat. On cultivait encore, dans le cercle présidentiel, le sens de l’État, le respect des engagements vis-à-vis du chef, l’habitude de la célérité dans le traitement des dossiers, une certaine rigueur mâle pour justifier la confiance du patron. L’analphabétisme, la désinvolture, l’insolente et outrancière cupidité, ni la mollesse, ni la vulgarité des mœurs n’avaient droit de cité au fronton de la République. Ce Gabon-là, ce Gabon d’avant, ce Gabon de valeurs a vu éclore Michel Essonghé.

 2009 : présence rassurante auprès d’Ali

Né le 09 avril 1941 à Port-Gentil, ce fils d’un commis de l’administration coloniale a fait ses classes chez les Catholiques, au séminaire Saint-Jean et au collège Bessieux, à Libreville. Son bac en poche à vingt ans, il s’envole pour la France, à Strasbourg, d’où il sort avec une double licence en Lettres modernes et en espagnol. Il décrochera plus tard un diplôme en Relations internationales en Espagne. Son retour au pays est marqué par son intégration au ministère des Affaires étrangères, d’abord comme stagiaire en 1970, puis en tant que premier conseiller d’ambassade à Kinshasa. C’est là qu’il tape dans l’œil d’Omar Bongo, et entre, pour près de cinquante ans, au cœur de l’Etat gabonais.

À partir des années 1970, ce digne spécimen Orungu rejoint le cercle des proches collaborateurs du Raïs gabonais. Il est en 1971 Haut-Commissaire à la Présidence, ministre délégué chargé des relations publiques, et plusieurs fois ministre par la suite. Après un intermède dans le secteur privé en 1976, il s’attachera définitivement à Omar Bongo Ondimba, jusqu’au décès de ce dernier en juin 2009. À cette date, il en était le Haut représentant personnel, suite logique de ses fonctions successives de conseiller personnel et de directeur de cabinet (1980). Véritable sherpa et confident, il ne se contentait pas de conseiller le président, il l’accompagnait dans ses voyages et rédigeait même ses discours. En ce temps-là, rien, absolument rien n’était laissé au hasard.

Elzo MVOULA

Article du 23 septembre 2021 - 9:52am
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