Journée nationale de l’abolition de l'esclavage en France : le regard critique de Me Moumbembe.

Par Dess BOMBE / 10 mai 2021 / 0 commentaire(s)
Jean Paul Moumbembé ou l'hymne à se débarrasser des chaînes de l’esclavagisme.

Il ne fait l’économie de rien : ni de son temps, ni de ce qu’il pense. Cet avocat au barreau du Gabon, alors qu’il préparait minutieusement le procès de ce 11 mai pour son client Brice Laccruche Alihanga, s’est distrait un temps pour échanger sur un sujet du jour.

Même si le semblant de liberté pourrait faire croire à tout Gabonais que « l’esclavage est une affaire très lointaine et historique », la réalité est là. Christiane Taubira, une femme politique française, dont le sang d’esclaves coule dans ses veines, reconnaît chez nos confrères de l'AFP, vingt ans après le vote de sa loi, qu’ « incontestablement les traces de l'esclavage sont là, dans les esprits, dans les mentalités et dans les mécanismes institutionnels ». Pourquoi ? Celle qui fut députée de la Guyane en 2001, pour soutenir son propos, jette aux visages de tous les contrôles au faciès et les discriminations à l'embauche pratiqués en France.

A ce sujet, estime-t-elle : « les effets de cette histoire sont là et ils sont vraiment pesants. Il y a des gens qui peuvent vivre en bavardant de ça mais il y a des gens, ça les prend à la gorge tous les jours, ça détermine leur quotidien, ça balaie leurs chances, ça pèse sur leur destinée. Ils savent bien, eux, que ce n'est pas qu'une vue de l'esprit ». Question : que faudrait-il faire ? Christiane Taubira a une solution. « Il s'agit, dit-elle, aujourd'hui de réparer, d'assumer, de penser ensemble la société, de voir comment ces traces-là on les rectifie, on les corrige, on les supprime. »

Au Gabon, interrogé sur la question, notamment sur le fait que le Gabonais soit libre, Me Jean-Paul Moumbembé, défenseur des droits de l'homme, défenseur acharné des causes justes, écrivain talentueux, esprit libre... y va de son constat. « Ce n'est pas seulement, dit-il la main sur le cœur, que le Peuple gabonais qui n'est pas encore libre mais c'est aussi l’Africain et l'Afrique. Nous restons dépendants en tout et pour tout de nos anciens esclavagistes et colonisateurs sous d'autres formes de rapports de force sur le terrain relationnel entre Nous et nos maîtres à penser et ce, pis... dans les mêmes circonstances économiques, politiques, sociales, intellectuelles, etc. »

Sur la base de ce qu’il voit, Me Moumbembe signe et persiste « Nos anciens colonisateurs continuent à se comporter face à nos gouvernants comme des maîtres absolus, dictant leurs lois de dominateurs. L'Afrique vaut à leurs yeux seulement de par ses richesses, notamment minières. Nos sous-sols poussent nos maîtres d'antan à travailler notre mentalité fragilisée, à nous entretuer. Nous-mêmes tuons Nous-mêmes ! Quel cercle vicieux de vie et d'existence enfériques ! Nos enfants vont récolter quoi ? Toujours les maladies et maux sournois que nous, leurs pères et mères, avons semés au quotidien. »

Face à cette situation, l’avocat tire une conclusion qui fait froid dans le dos : « Nous sommes en train de compromettre l'avenir de nos différentes jeunesses d'aujourd'hui et de demain si nous refusons de prendre conscience de cet état exécrable des choses en ce qui concerne les rapports de travail entre les pays industrialisés et nos pays africains pleins d'ardeur dans la force positive de travail. Cependant, nous sommes démunis de toutes sortes de moyens de lutter contre cette survie ou ce vécu permanent qui nous empêche d'être véritablement libres. »

Comme quoi, aux politiques, à la société civile… le temps de l’action est arrivé. Il y a lieu de se débarrasser des chaînes de l’esclavage pour aller vers une société meilleure pour tous et pour chacun !

 

Elzo MVOULA

 

Article du 10 mai 2021 - 7:09pm
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