Noble ambition pour redresser le Gabon

Par Brandy MAMBOUNDOU / 12 aoû 2023 / 0 commentaire(s)

 

Possédant une connaissance sûre des arcanes du pouvoir, en plus d’une riche expérience dans les hautes sphères financières et économiques internationales, le président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) détient les clefs pour placer le Gabon sur le chemin du développement.

En l’espace de quelques semaines, il est passé d’adversaire potentiel à ennemi numéro 1 des Emergents. Depuis l’épisode malheureux de Franceville, fin juillet, Alexandre Barro Chambrier a pris encore plus d’épaisseur aux yeux de l’opinion, glissant imperceptiblement dans le costume XXL d’un présidentiable. Dans un livre nouvellement publié, « Une vie et une vision au service du Gabon », il fend l’armure et fait la lumière sur son projet, afin de redresser son pays. À travers ce témoignage de son engagement patriotique, le candidat à la présidentielle esquisse « les nouveaux contours qui dessineront le Gabon de demain », sans oublier les raisons de sa rupture avec Ali Bongo.

Fruit d’une multiculturalité

Digne fils de Marcel Eloi Rahandi Chambrier et de Roselyne née Aremon, Barro Chambrier est le fruit de ce qu’il appelle une multiculturalité gabonaise. De par son père, il descend de lignages mpongwé et fang, mais aussi punu, obamba, ndumu et nzèbi. Le côté maternel l’ouvre aux cultures ouidahiène, fon et yoruba du Bénin, symboles d’un métissage qu’il revendique fièrement, sans ostentation. Son ouverture d’esprit peut s’expliquer par la richesse ancestrale de ses origines, qui l’ont très tôt familiarisé avec le sens de l’échange avec l’autre, et amené à conspuer le Gabonais de souche ou d’adoption « dont le souci du bien commun n’est visiblement pas la priorité ».

Né à Paris le 25 août 1958 pendant que son père, étudiant, puis médecin en Hexagone, y exerce comme interne dans des hôpitaux parisiens, Alexandre Barro Chambrier passe une enfance qui n’a rien du conte de fées que d’aucuns s’imaginent. Même si avec ses sœurs, Marceline-Aworet et Patricia, ils n’ont manqué de rien, les activités militantes de Marcel Eloi dans la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (Féanf) ont fait peser sur la vie de la famille des contraintes et des désagréments, sources de précarité. Ainsi de la période de vaches maigres lorsqu’il sera emprisonné après le putsch avorté contre Léon Mba en 1964, emporté malgré lui dans le tourbillon de la chasse aux sorcières qui suivra.

Cependant le fils, sans esprit de revanche – et pour cause, Omar Bongo fera du père un pilier de son régime – va tracer son sillon en s’attachant à se montrer digne des espoirs élevés placés en lui. Au nom du père ? Oui et non. Dans la mesure où, du lycée à l’université – à cheval entre la France et le Gabon – il sera un excellent élève, à Rueil-Malmaison, Nice, Paris, son parcours académique répond aux vœux du patriarche.

Par contre, en choisissant, à l’université, les sciences économiques et sociales, et non la médecine, il se démarque de lui et trouve sa propre voie. Sur ce chemin personnel, il fera de décisives rencontres, telles Thomas Melone, Georges Ngango et, bien sûr, Raymond Barre.

Ni parachuté, ni parvenu

C’est sous la direction de l’ex-Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing qu’il soutient, brillamment, le 16 décembre 1987, sa thèse de doctorat sur « Le processus d’ajustement et d’adaptation de l’économie gabonaise ». Une monumentale réflexion en deux tomes, qui attire l’attention du pouvoir à Libreville, eu égard au contexte douloureux des récentes crises économiques de 1978 et 1986.

À son retour au Gabon, alors qu’il n’a pas trente ans, son destin tout tracé le conduit vers Omar Bongo, vieille connaissance de son père avec lequel il a, entre bien d’autres, créé le Parti démocratique gabonais (PDG) en 1968. Mais « ABC », forgé par les années d’exil scientifique à l’étranger, engagé directement à l’Université Omar Bongo pour y mener une solide carrière universitaire, n’est ni un parachuté, ni un parvenu.

À partir de 1994, pendant huit longues années enrichissantes, il travaillera à Washington au Fonds monétaire international (FMI) en qualité d’administrateur suppléant. Aux côtés de Michel Camdessus et d’Alassane Ouattara, il s’imprègne des méthodes employées afin de lutter contre les « soubresauts monétaires mondiaux », et sillonne la planète en tant que représentant du « groupe des 24 » (principalement des pays francophones d’Afrique de l’Ouest et centrale). De ces années « exceptionnellement fécondes », Alexandre Barro Chambrier avoue avoir beaucoup appris, et pas seulement le « fundies », cette langue administrative constituée d’acronymes. Il se tisse un réseau de précieuses connaissances dans les gouvernements et hautes instances financières, comme la Banque mondiale voisine à Washington, ou la Banque africaine de développement (BAD).

Après avoir été approché une première fois par Omar Bongo pour entrer au gouvernement, mais ne se sentant pas prêt, il préfère l’aventure du privé à l’Institut international pour l’Afrique (IIA). Au poste de Vice-président de cet organisme créé par Alassane Ouattara, devenu Premier ministre en Côte d’Ivoire, il aide des pays à mobiliser des financements, préparer les bases d’un rééchelonnement de la dette, faciliter la réduction des équilibres financiers, etc.

Dans le secteur des infrastructures de transport – à l’abandon au Gabon jusqu’à ce jour – il est le témoin des études de faisabilité de routes, de ponts, de voies rapides, de chaussées, qui seront une franche réussite sous la houlette d’Amadou Gon Coulibaly. Son projet de société pour la présidentielle semble s’en inspirer.

Loyauté et divorce avec les Bongo

Finalement, en septembre 2004, Alexandre Barro Chambrier rentre au gouvernement, en tant que ministre délégué auprès du ministre de l’Économie forestière, des Eaux, de la Pêche et de l’Environnement. Il restera au gouvernement sans discontinuer jusqu’en 2012, année des premiers désaccords avec Ali Bongo, le fils et successeur d’Omar, décédé en 2009. De ses rapports avec Omar Bongo, le président du RPM en a gardé un souvenir précis qu’il résume ainsi : « Ma relation avec le président Omar Bongo, dont je ne tire aucune vanité, aura été faite, au fond, d’approches avortées, d’intérêts bien et moins bien compris, de refus de ma part, de manœuvres de séduction de la sienne, mais aussi, je crois, d’une certaine affection à mon égard, sans compter, pour ma part de discipline républicaine, compte tenu de la figure et du statut qu’il représentait. »

Avec Ali Bongo, qu’il défie à la présidentielle du 26 août prochain, on est passé de la cordialité à l’animosité. Dans les premiers moments, il n’a pas été question de rupture, et Barro Chambrier ne cache pas qu’il était de ceux qui, en 2009, par loyauté à l’égard d’Omar Bongo, avaient pensé qu’il y avait « lieu de laisser le bénéfice du doute à la candidature d’Ali Bongo ». Et en toute objectivité, estimait-il alors, la charge revenait au fils de rectifier les mauvais choix faits par son père ; de procéder, sur le mérite, au renouvellement de la classe politique ; de réformer en profondeur la société gabonaise, etc. Si au début, le nouveau président présente un programme réformiste ambitieux, rapidement le fonctionnement de son entourage tord le cou à la compétence au profit de l’esprit courtisan. Les patriotes s’en alarment et sonnent le tocsin.

Aussi, l’année 2012, qui voit des personnalités proches du premier cercle d’Ali Bongo rentrer au gouvernement, acte la lente et inexorable dérive du pouvoir. Celle-ci se traduit par des enrichissements express, des fortunes spontanées, la prévarication au sein des corps de l’État, la non-mise en œuvre de la loi de finances marquée par les écarts entre les budgets votés et ceux réellement exécutés, etc. De profondes divergences, aussi bien sur le plan politique, se font jour alors. Le PDG est secoué par des députés frondeurs qui dénoncent les dysfonctionnements de la gouvernance d’Ali Bongo et l’absence de démocratie interne au sein du parti.

Lassé de n’être pas entendu par le Distingué Camarade Président, le courant Héritage et Modernité se forme autour d’Alexandre Barro Chambrier, cristallisant les récriminations, suite aux « attitudes déviationnistes d’un homme qui a trahi les idéaux de son parti et ceux de son père ». Le divorce est définitivement consommé le 1er mai 2016, lors du congrès de ce nouveau parti né de la scission du PDG.

Incarner un Gabon nouveau

Depuis cette date, Alexandre Barro Chambrier ne varie pas. Si des lieutenants sont repartis vers le PDG, tel Michel Menga, s’il a été battu irrégulièrement dans le quatrième arrondissement de Libreville lors des législatives de 2018, a subi des pressions et intimidations, a été témoin de la répression post-électorale de 2016, a essuyé toutes les formes de diabolisation, il est resté fidèle « aux valeurs de solidarité, de justice sociale, de dialogue, de tolérance et d’équité rayées d’un trait de plume par Ali Bongo ».

Convaincu que le cynisme était une seconde nature de l’Emergent en chef, le président du RPM – désigné tel en avril 2019 – se pose depuis en anti-modèle de son challenger, dont le pouvoir déploierait « toutes les vilenies dont sa nature illégitime et autocratique est capable. Je ne pense pas posséder cette funeste complaisance envers moi-même ».

Alexandre Barro Chambrier a placé sa foi dans l’espérance du changement. Il invite les Gabonais à le rejoindre dans cet esprit, prédisant que « la fierté nationale reviendra ». Si le temps perdu par le Gabon entre 2010 et 2023 ne se rattrapera pas, il reste la possibilité de construire le Gabon dont rêvent les Gabonais dans cinq, dix ou vingt ans. Le redressement se fera en respectant des principes fondamentaux : la consolidation de l’État de droit et démocratique ; le réengagement de l’administration, des forces de défense et de la diplomatie ; le redressement économique et structurel ; la mise à niveau des infrastructures. Parce qu’un changement de régime est aujourd’hui vital pour assurer l’avenir du pays, celui qui n’a de cesse de dénoncer le bilan calamiteux d’Ali Bongo entend incarner un nouveau Gabon, débarrassé notamment des relents despotiques.

Vichanie Mamboundou

Article du 12 août 2023 - 9:28am
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