TCHAD: Implication de l’Eglise contre les atrocités commises par les gouvernants en Afrique : cet exemple de l’évêque de Moundou venu du Tchad

Par Nicolas NDONG ESSONO / 07 nov 2022 / 0 commentaire(s)
L'évêque lors de son intervention

Sillonnant les villes impactées par les violences du 20 octobre dernier – dont le bilan officiel fait état d’une cinquantaine de morts et 300 blessés environ – une délégation ministérielle de ce pays a reçu de plein fouet une leçon d’humanisme de Mgr Joachim Kouraleyo.

Devant l’horreur, sauf à être inhumain, il est difficile de ne pas laisser son cœur parler. Samedi 29 octobre dernier, alors qu’une délégation ministérielle sillonne les grandes villes du Tchad, victimes des évènements meurtriers du 20 octobre 2022, l’étape de Moundou a été chahutée par l’intervention historique de Mgr Joachim Kouraleyo. Ce jour-là, alors que les Tchadiens pleurent encore leurs morts tombés au front des manifestations contre le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, l’évêque de Moundou a marqué les esprits à travers un discours franc et direct contre les membres du gouvernement présents à cette réunion. Notamment le ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture, Laokein Médard, et celui des Energies, Djelassem Bemadjiel.

La délégation ministérielle écoutant la charge de l'homme d'Eglise

Les yeux dans les yeux, l’homme d’Eglise s’est montré tranchant. Morceaux choisis : « Globalement, choisir le moindre mal c'est choisir le mal. Et le mal que vous avez choisi s'est bien produit et il s'évalue par plusieurs décès et blessés. Maintenant, vient le moment de se justifier. Et comme d'habitude, cela n'étonne pas celui qui a les B.A.B.A de l'action politique. L'État n'a jamais accepté sa responsabilité lorsqu'il y a des morts, lorsqu'il commet des crimes, lorsqu'il commet des injustices. Mais cela n'est pas étonnant et non plus nouveau. La nature des régimes dictario-militariste est de commettre le crime et puis, par la suite, de chercher à couvrir ce crime. Tout le ballet diplomatique, toutes les missions de propagande comme ce fut le cas aujourd'hui (samedi dernier, Ndlr) n'ont qu'un seul but, couvrir le crime commis le 20 octobre 2022. »

Cet homme de Dieu-là mérite véritablement son ministère. D’autant plus que Joachim Kouraleyo a mis les mots sur les maux. Sans trembler, il a enchaîné : « Vous dites que des enfants ont été manipulés ou ont été instrumentalisés. En réalité, vous-mêmes, à l'heure actuelle, vous êtes en train d'être manipulés et instrumentalisés. Vous êtes devenus le voile avec lequel on couvre de manière éhontée les crimes commis le 20 octobre 2022. Et vous avez mordu à l'hameçon, vous avez accepté d'approcher le clairon, le corps de la propagande pour recouvrir la vérité. On est venu dire aux gens de vivre ensemble, voilà une manœuvre de diversion. Les gens ne se sont pas battus entre eux, du moins pour la ville de Moundou, à ce que je sache. Les gens n'ont pas besoin d'être réconciliés par vous, ils ne se sont pas battus, ils ne se sont pas déchirés. La vérité du 20 octobre c'est que des citoyens ont manifesté leur mécontentement face aux injustices et face à la volonté de la conservation du pouvoir. Ce sont ceux-là qui ont manifesté et donc, s’il y a des gens à sensibiliser, c'est vous-mêmes, membres du gouvernement. Ensuite, les forces de l'ordre. »

N'est-ce pas la vérité ?

Comme transporté par un être supérieur, l’évêque de Moundou lance un défi à ses interlocuteurs : « Ne venez pas culpabiliser les victimes. Si vous voulez montrer que vous avez encore un peu de dignité, démissionnez ! Démissionnez de ce gouvernement, par ce que ce qui s'est passé tout le monde le sait, tout le monde a vu. Manifester ne peut pas amener la mort. Maintenant sonne l'heure de l'épreuve de la vérité, c'est le moment de montrer votre patriotisme, c'est le moment de choisir votre camp, celui du peuple ou celui du bourreau. À bon entendeur, salut ! »

Nul doute que le Vatican a dû apprécier ce courage inhabituel d’un prélat devant les forces du mal et l’une des dictatures la plus féroce en Afrique noire.

Sauf miracle, en versant le sang des Tchadiens pour se maintenir au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Itno s’est volontairement tiré une balle « dans le fauteuil présidentiel ». Désormais, ses rapports avec ses concitoyens pourraient prendre une autre tournure, pas forcément en sa faveur.

Elzo Mvoula

Article du 7 novembre 2022 - 1:47pm
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