Prolifération des partis politiques : quid de leur mode de création.

Par Brandy MAMBOUNDOU / 14 avr 2021 / 0 commentaire(s)
Jean Valentin Leyama

Je me permets de faire suite à l’excellente tribune de l’ambassadeur Flavien Enongoue, parue dans le quotidien « l’Union » du 11 avril courant, sous le titre « L’absurde prolifération des partis politiques : un problème pour la Démocratie ». Sur cette question, avant lui, un autre texte d’une grande qualité intellectuelle a également été publié par Steeve Nzegho Djeko, directeur du Centre politique du PDG et nouveau sénateur. Je vais plutôt me démarquer de la vision académique développée par mes jeunes collègues pour aborder l’aspect politique, voire « politicien » de la question, pour montrer l’écart énorme qui existe entre les préconisations et l’implacable réalité.

Oui, il y a trop de partis politiques dans notre pays et la plupart n’ont pas la légitimité démocratique que consacre le suffrage universel. La plupart de ces partis, en effet, n’ont ni élus, ni implantation, pas de siège, juste le récépissé de reconnaissance. Ce document aurait dû lui aussi être déclaré caduc car généralement, plusieurs membres-fondateurs ont quitté le parti par suite des divergences avec le « Fondateur ». Et justement, le mode de création des partis politiques constitue l’un des facteurs de leur multiplication. J’y vois deux : le mode démocratique et le mode personnel.

Un groupe d’amis qui partagent des idées ou des ambitions politiques décident de créer un parti politique. La gestion du parti est alors collégiale, horizontale, fondée sur le consensus. C’est le mode démocratique. Le plus grand nombre des partis créés à la suite de la conférence nationale l’ont été sur ce principe. L’Union socialiste gabonaise (USG) est l’exemple caractéristique de cette modalité. Mais très rapidement, des divergences apparaissent entre les membres dès lors que celui qui avait été porté par ses pairs à la tête de la formation politique instaure un leadership de type personnel. Il en résulte des scissions, chacun revendiquant la direction du parti, en tant que membre fondateur. USG, USG-crise ; Morena, Morena originel, Morena Unioniste ; RNB, RPG, autant d’exemples de démembrements. Souvent, les tribunaux sont incapables de trancher ces différends et chaque nouveau leader s’exprime et prend part au débat politique au nom de sa chapelle. Assurément, qui a intérêt à cette « cacophonie », pour reprendre l’expression de Flavien Enongoue ? Le pouvoir, bien sûr, tire les ficelles et fait « se cogner les têtes » des uns contre celles des autres, car si de grandes formations politiques lui sont opposées, cela pourrait lui être préjudiciable. Et c’est de bonne guerre.

Le mode démocratique a vécu. Place au mode personnel. Une personnalité se donne des ambitions nationales, s’en donne les moyens et crée « son » parti politique. Si un certain nombre de ses compagnons figurent comme membres fondateurs, c’est uniquement pour les besoins des formalités. Ce type de formations politiques est généralement créé par des personnalités en rupture avec le parti au pouvoir. La gestion du parti y est alors pyramidale, autocratique, personnelle. Au sein de ces partis, la contestation des positions du leader doit être mesurée, au risque de se voir opposer un argument massue : « C’est mon parti, c’est moi qui l’ai créé et qui le finance. Celui qui n’est pas d’accord sait ce qu’il lui reste à faire… » Raison pour laquelle le leader décide seul de la ligne et du positionnement du parti. Il peut allègrement naviguer d’un bord à un autre au gré de ses intérêts. Les cadres du parti sont placés devant une alternative : se soumettre ou se démettre. Et, pourquoi pas, créer leur propre formation politique.

Paradoxalement, les dispositions contraignantes la loi N° 016/2011 du 14 février 2012 portant modification de la 24/96 du 6 juin 1996 relative aux partis politiques a fortement contribué à conforter le mode de création personnel. En effet, face à la difficulté de réunir les 9 000 preuves d’adhésion dans les 9 provinces du pays, exigées par la loi, pour contourner cet obstacle et aller vite, la formule du « rachat » des petits partis s’est imposée,juste avant et après la présidentielle de 2016. Triste réalité, la profusion des partis politiques a créé un marché où ils se vendent et s’achètent, en dizaines de millions de FCFA. Une fois la transaction effectuée, le « propriétaire » du parti organise un vrai-faux congrès au cours duquel le parti change de dénomination et le nouvel « acquéreur » accède à la direction.
Naturellement, pour garantir la bonne fin des démarches administratives auprès du ministère de l’Intérieur, le « vendeur » doit continuer de figurer dans les organes dirigeants du parti.

 

Chronique de Jean Valentin Leyama

Article du 14 avril 2021 - 12:28pm
Article vu "en cours dév"

Nombre de Commentaires (0)

Faites un commentaire !