Dieu, les églises, les faux pasteurs et les petits chrétiens

Par Brandy MAMBOUNDOU / 01 sep 2021 / 0 commentaire(s)
Une vue des croyants dans une Eglise au Gabon.

Je suis né en milieu chrétien avec des grands-parents fervents protestants de la grande paroisse d'Awoua, d'un père catholique, et d'une mère protestante. Tout le monde dans ma famille ou dans mon village était au moins baptisé, sinon chrétien confirmé tant je l'ai été à 11 ans à la paroisse catholique Sacré Cœur de Bitam.

On ne jouait pas avec ça en marge de l'éducation scolaire, le catéchisme chez les catholiques, et l'école du dimanche chez les protestants. J'ai eu la chance de faire les deux comme un précurseur de l'œcuménisme.

Tout était alors sacré, Dieu, l'église et les Pasteurs.

Par pasteur, on sombre généralement pieds et mains liés dans l'évangélisme, or ce concept n'aura que celui de berger comme synonyme direct, c'est-à-dire un préposé à la conduite d'un troupeau. Une mission assez risquée et prenante visant à assurer tant la sécurité, la multiplication que la pérennité de l'espèce, et la permanence des pratiques de base.

Dans L'Eglise, les Pasteurs changent de noms selon les confessions. On parlera évidemment de pasteurs chez les protestants, prêtres chez les catholiques avec un éventail de grades allant jusqu'au pape. Dans le monde du réveil, acquis ou autoproclamés, les titres sont variés ou multiples allant de pasteurs, prophètes, apôtres, évêques, bishop, et pour rire mon neveu Gabriel Eyi Eyi est même archibishop pour se mettre au-dessus de la mêlée.

Un tout fait pour magnifier l'amour de Dieu si profond et large comme le chanterait le révérend pasteur Prosper Mvé Ekoga.

Ainsi en nos milieux, les Pasteurs étaient perçus comme des vrais descendants des entrailles de Dieu, Mieux chez les catholiques où il n'y avait généralement que les Blancs dont la première rencontre à une époque est de ce qu'on n'oublie pas. Ce respect fleurant la vénération a toujours été partagé ou presque sans qu'il y ait forcément de la flagrance susceptible d'éroder la foi chrétienne au point de créer des vases communicants entre les églises dont les unes sont des refuges des déçus ou exclus des autres.

Aussi, à défaut d'échouer dans le réveil par exemple, un catholique ou protestant ira de paroisse en paroisse, même si cette vision s'apparente à de l'indiscipline. L'inquiétude naît quand on change radicalement de confession comme la plupart des chrétiens catholiques ou protestants qui font aujourd'hui la force des églises du réveil dont la présence au Gabon a moins de 40 ans et dont la pénétration n'est pas au km² comme les églises traditionnelles, mais au m².

Ainsi dans un rayon de 100m² dans un quartier donné de Libreville, on en compterait plus d'une dizaine.

À la question de savoir qui créé ou quels sont les promoteurs de ces églises ne se limitant parfois qu'à un salon ou une terrasse, mais avec beaucoup de bruits, les cris, les pleurs, les gémissements, les chants, pire avec une sonorisation électronique amplifiée, la réponse est simple.

Les promoteurs de ces églises sont des exploitants de la misère et de la détresse sociale faites de maladies, de chômage, de stérilité, de célibat, de querelles familiales, de faillite, de la recherche perpétuelle des promotions, l'échec scolaire, des soupçons ou accusations de sorcellerie, les

protections, barrières de feu, les possessions démoniaques, l'oisiveté, la prédation des femmes faciles ou en solitude endurcie… Soit un ensemble des quasi produits et services qui, même dans les églises traditionnelles, trouvent des bons entrepreneurs dont certains n'auront pas hésité à renoncer aux vœux sacerdotaux pour s'installer à leurs comptes dans des sanctuaires ou églises n'étant que de vrais centres de commerces divers avec des pratiques immondes rapportant beaucoup d'argent tant en vérité, les gens ou les familles sont prêts à tout pour leur guérison, pour un emploi, pour avoir un enfant, pour un mariage, pour être chef...

Aussi y a-t-il des églises ou sanctuaires qui ne désemplissent pas, même dans l'obscurité et en silence en plein covid19.

Les commerces aux abords de certaines églises ne manqueraient jamais d'huile d'olive, de sel, et de l'eau minérale demandés pour certaines séances de bains ou de purification. D'aucuns en feraient également usage tant au foyer qu'au bureau, pour la cuisine, pour boire, se frotter le corps quotidiennement, verser ou jeter dans les recoins de maisons ou bureaux pour chasser les démons.

Or, des mois ou années plus tard, on se rend compte qu'on n'est qu'à la case départ. Loin d'avouer son échec normal, le Pasteur ouvrira absolument un autre chapitre qui sera soit la prolongation du traitement avec un changement de pratique et bien sûr avec plus d'argent, soit la manipulation qui sera fonction de la demande.

Les femmes en quête de fécondation pourraient de fait très vite apprendre l'incompatibilité spirituelle avec le mari, et dont seul un homme oint pourrait résoudre. Pourquoi irait-on chercher un homme oint sur le marché alors qu'il est là disponible et disposé avec un frein usé ?

Le coup de grâce usuel dira que le mari est franc-maçon, donc un sorcier nuisible avec qui l'esprit saint recommande un sevrage sexuel total, lui esprit saint étant si jaloux ne saurait partager les choses avec un homme impur.

Cependant, las d'une femme qui ne monte plus au lit qu'en collant et désormais très éloignée à défaut de dormir à l'église, le mari sera stupéfait de découvrir au premier coup d'essai chez la fille du voisin qu'il est tout fécond avec des jumeaux en attente.

La suite est telle que la femme sera accusée à son tour de peu de foi et rejetée par le pasteur occupé à une autre idiote ou juste naïve à l'heure où le mari commence à proclamer que tout ce que Dieu fait est bon.

Il en ressort un processus de destruction familiale et d'amplification de la détresse dont sont coupables les pasteurs qui ne savent pas circonscrire leurs champs de compétences.

À défaut d'en faire des annonces commerciales, certains ne reculent devant rien. Ils traitent le VIH en recommandant l'abandon des antirétroviraux jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ils traitent les cancers, le covid19, la stérilité, l'impuissance sexuelle... Tous les cas sensibles et graves sans succès.

Le temps de reprendre le chemin de l'hôpital, on est au chapitre de la mort.

Pire, les possessions démoniaques sont leur exclusivité.

Sur ce point, la fréquentation de certaines églises est telle qu'on se demanderait pourquoi est-ce que les autorités publiques ne se pencheraient-elles pas sur cette quasi-pandémie ne s'en prenant  

généralement qu'aux femmes de tous âges avec des manifestations allant de modérées à très violentes ?

Qui est-ce qui est habilité à traiter un mal engendrant tant de détresse jusqu'à la mort ?

Comment peut-on évaluer un processus de guérison qui à l'église du moins chez certains pasteurs ne consiste qu'à asperger la victime de l'eau dite bénite par eux-mêmes et provoquer une transe qui s'arrêtera seule ?

À quel moment ou au bout de combien de temps un esprit démoniaque traqué par un pasteur est censé sortir d'un corps possédé "pour aller chez le voisin" ?

À ce niveau, il subsiste également beaucoup de risques de destructions familiales avec des pasteurs incapables d'avouer leurs échecs et qui se retournent vers la ou les familles pour savoir quel rite l'arrière-grand-père pratiquait dans quelle ethnie de quelle partie du pays. Il s'ensuivra évidemment s'il y a lieu un soupçon d'héritage des reliques ou autres fétiches qui seraient à l'origine des troubles constatés. Or, reliques et fétiches relevant des us et coutumes africains voire du monde, la maîtrise des troubles associés ne saurait normalement s'éloigner des mains des initiés, nos tradipraticiens, nos Nganga que les pasteurs nous interdisent aussi de fréquenter à l'occasion sans qu'ils ne nous donnent satisfaction en retour.

A contrario, comme dit plus haut, ils vont se satisfaire de grossières accusations qui explosent les familles avec des conséquences inimaginables, préjudiciables ou dommageables pour les pères, les mères, les enfants, c'est-à-dire la famille que L'Eglise définit comme le socle du monde.

Est-ce donc la peine de démontrer qu'un pasteur qui détruit une famille est un criminel ?

Or, l'une des conséquences de la prolifération des églises et par conséquent des pasteurs est la souffrance de nombreuses familles dont certaines ignorent qu'aucun pasteur n'est au-dessus d'aucune loi. En retour, tout préjudice subi devrait être rapporté au procureur de la république pour une correcte application de la loi.

Un pasteur est un justiciable comme tout autre au chapitre de la correctionnelle de première instance, sans immunité ni cour spéciale.

Ainsi, à défaut des séminaires sur l'éthique et la morale que devrait organiser chaque confession religieuse pour limiter les abus et les dérapages, la loi pourrait ou devrait prendre la relève dans sa mission de protection des populations fragiles ou fragilisées.

Et aussi, comme pour les crimes rituels, un collectif des victimes de ceux qu'on devrait qualifier de faux pasteurs devrait être créé afin non seulement de porter leurs abus à la connaissance de leurs hiérarchies s'il y a lieu, mais aussi à la justice.

Corneille O' de Melen 1

Article du 1 septembre 2021 - 10:51am
Article vu "en cours dév"

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