Si les populations de plusieurs nations s’élèvent contre la présence française dans leurs pays, jusqu’ici le Mali seul a pu mettre en pratique sa volonté de rétorsions diplomatiques contre l’ancienne puissance coloniale. Aujourd’hui, la Guinée-Équatoriale, par la voix de son Vice-président, voudrait emboîter le pas au pays de Soundiata Keita, en menaçant d’expulsion l’ambassadeur de France à Malabo.

L’expulsion de l’ambassadeur de France à Bamako, en février dernier, ferait des émules à travers le continent. Teodoro Nguema Obiang Mangue, Vice-président de la Guinée-Équatoriale, a menacé vendredi 10 juin 2022 d'expulser l'ambassadeur de France à Malabo, si Paris expulse les diplomates équato-guinéens de l'immeuble parisien abritant leur ambassade et confisqué par la justice dans l'affaire des « biens mal acquis ».

Surnommé « Teodorin », le tout-puissant fils du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui dirige ce pays, frontalier du Gabon et du Cameroun, a été condamné définitivement en juillet 2021 à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d'euros (près de 20 milliards de FCFA) d'amende et la confiscation de ses biens en France, pour s'y être constitué frauduleusement un luxueux patrimoine dans un volet de l'affaire dite des « biens mal acquis ».

Cette condamnation confirmait notamment la confiscation d'un hôtel particulier de 3,000 m2 à Paris, estimé à 107 millions d'euros (plus de 70 milliards de FCFA), abritant l'ambassade et des logements, parmi d'autres biens saisis par la justice française qui les avait jugés acquis entre 1997 et 2012 grâce à des « détournements de fonds publics » en Guinée-Équatoriale. Pour la justice française, le fait que Teodorin ait vendu l'immeuble à l'Etat de Guinée Équatoriale en 2011, constituait un détournement de fonds publics. Malabo avait fait appel et réclamé la restitution de l'hôtel particulier, assurant en être le propriétaire « de bonne foi ».

Par le verdict de la justice française, la Guinée équatoriale serait contrainte d’évacuer l'immeuble. « Si Paris procède à l'expulsion de nos diplomates du bâtiment de notre ambassade, nous donnerons 24 heures à l'ambassadeur de France pour quitter le territoire de la Guinée-Équatoriale », a répliqué Teodoro Obiang sur son compte Twitter personnel et non sur celui de la Vice-Présidence. Cette menace n'a été, pour l'heure, confirmée par aucune communication officielle de l'Etat équato-guinéen, mais on sait qu’à Malabo, une expression de Theodorin fait office de communication officielle.

Réplique au verbe condescendant de l’Élysée

Toutefois, depuis deux ans, Teodorin est logiquement le dauphin de son père qui vient de fêter ses 80 ans et le laisse occuper le devant de la scène nationale et internationale dans tous les domaines régaliens. Le Vice-président annonce systématiquement les décisions officielles de l'État, notamment sur ses comptes Twitter, personnel comme officiel.

Selon l’avocat de Theodorin : « La France n'est pas prête à faire exécuter quoi que ce soit. Faire exécuter une décision d'expulsion reviendrait à mettre l'ambassadeur et les services de l'ambassade dehors. Ce n'est pas près d'arriver », rassure la défense équato-guinéenne.

La France n'a donc guère d'autre option que d'attendre que Malabo veuille bien évacuer l'immeuble. Sa diplomatie a pris un sérieux coup depuis quelque temps sur le continent noir. Le verbe condescendant de l’Élysée, et même de Matignon, agace quelque peu bon nombre de pays africains, depuis l’avènement d’Emmanuel Macron et serait très mal apprécié par les populations. Après donc le Mali, la Guinée-Équatoriale, qui n’a pas été une colonie française, pourrait bien se passer des relations diplomatiques avec l’Hexagone.

Dess Bombe