Journée de souveraineté du Mali : Ibrahim Harane Diallo « Nous voudrons un Etat souverain, nous voudrons un pays indépendant donc, nous ne pouvons que saluer cette décision »

Par Brandy MAMBOUNDOU / 29 déc 2022 / 0 commentaire(s)

 

Ibrahim Harane Diallo, journaliste politologue, spécialisé dans les études des conflits armés au Sahel, coordinateur général de l’Observatoire sur la prévention, la gestion des crises au Sahel. Il est actuellement doctorant en sciences politiques de l’université Cheick Anta Diop de Dakar, sur la médiatisation des relations internationales, notamment pendant les périodes de crises. Ainsi, Ibrahim Harane Diallo a bien voulu accorder un entretien à bâtons rompus à Gabonclic.info pour débattre sur l'actualité récente du Mali.

Gabonclic.info : Quelle analyse faites-vous sur la décision des mouvements signataires qui menacent de suspendre leur participation du CSA ?

Ibrahim Harane Diallo : C’est vrai, ils ont décidé de suspendre leur participation au Comité de suivi de l’accord (CSA). C’est inquiétant, parce que ce comité est un organe important en matière de suivi et de motivation par rapport à la mise en œuvre de l’Accord. Si une partie des signataires de l’accord décide de suspendre sa participation dans les activités de ce comité, c’est extrêmement inquiétant, à partir du moment où cette décision arrive à une période cruciale de l’histoire de notre pays. Une période où le Mali est en train de sortir d’une crise sociopolitique et même sécuritaire. Voilà, sur cette crise indépendantiste, même les ex-rebelles reconnaissent l’intégrité territoriale du Mali. Cette décision ouvre un autre front sur lequel les autorités politiques doivent travailler à nouveau, alors que leur agenda est aujourd’hui surchargé, il y a tellement de choses qui sont sur la table du gouvernement de la transition, qui doit y faire face. Il y a des questions liées aux reformes, notamment la question de la nouvelle constitution. Il y a la première commission qui a remis son rapport, il y a une nouvelle commission qui va faufiler le rapport de la première commission. Il y a des problématiques liés aux questions électorales. On attend quand même que les élections soient organisées le plutôt possible. Le délai que la CEDEAO a accepté, pour le programme de la transition, tend vers sa fin, donc il y a urgence. Cette nouvelle décision vient s’ajouter aux urgences déjà sur la table de la transition. 

Le week-end passé, pour une proposition de sortie de crises, les partis politiques, la société civile et les syndicats ont été à la rencontre d'Ousmane Chérif Madani Haïdara (président du Haut Conseil islamique malien). Pensez-vous que l’on espérer sur ces acteurs pour une sortie de crise définitive ?

Il n’y a pas d’apport à minimiser, un acteur pour des solutions pour un pays. Le Mali, n’est pas une famille, ce n’est pas un clan, c’est un pays. Donc, en sa qualité de pays, les contributions quelques soient leurs origines, quelques soient leurs natures, sont assez importantes à prendre en compte. Maintenant, ce qui est important, c’est de savoir quel sera le contenu de cet apport. Une fois de plus, il faut comprendre que nous sommes dans un pays où chacun compte. Même ces leaders religieux et ces partis politiques, qui ne sont pas moins importants dans l’architecture sociopolitique du Mali. Ce qui est important, c’est de savoir ce qu’ils vont faire comme proposition. Maintenant, le pouvoir de la transition avait dit qu’il était prêt à prendre en compte toutes les propositions. Donc, pour moi, il n’y a pas de souci à se faire, mais il est important de rappeler que le contexte dans lequel ces partis politiques et ces guides religieux se sont réunis. Ils se sont réunis dans un contexte où les Maliens pensent que sur le plan économique il y a des difficultés. Sur le plan sécuritaire, certes il y a eu une amélioration, mais il y a des difficultés. Les Maliens pensent que sur la sortie de crise, les choses vont de manière interminable. Donc, c’est dans ce contexte de tableau, moins blanc, que ces leaders religieux et ces partis politiques se sont mis ensemble, selon eux, pour apporter leur proposition effectivement à la construction nationale. Donc, pour moi, aucune proposition, aucune contribution n’est de trop pour aider la transition à sortir le Mali de cette crise.

L’Observatoire, dont vous êtes le coordinateur général, a rendu public, le résultat d'une enquête sur les incendies des champs de riz dans la zone de Niono, pouvez-vous nous dire quel peut être l'impact sur la sécurité alimentaire ?

Figurez-vous que chaque fois qu’il y a une crise alimentaire, les conséquences ce sont les difficultés liées en termes d’accès à l’alimentation. Aujourd’hui, il est clair que le Mali, de façon générale, sinon la région de Ségou, principalement le cercle de Niono, fait face à des difficultés qui n’étaient pas connues par le passé en matière d’accès à certaines denrées alimentaires, tels que le riz ou autres produits. Parce que cette situation est due au fait que les groupes extrémistes violents, avec leurs référentielles islamistes, se sont inscrits dans ce que nous appelons une nouvelle stratégie. La stratégie de guerre économique, en vue de pousser les communautés à la coopération, d’après nos enquêtes sur le terrain. Donc, ils s’en sont pris, en 2021, à des champs de riz. Certaines récoltes ont été calcinées, certains champs ont été brûlés. En 2022, nous nous sommes rendus compte qu’il n’y a pas eu de champs incendiés en tant que tel, comme en 2021. Dans certaines localités, des producteurs ont eu peur d’aller cultiver dans les champs, parce qu’ils redoutent la situation de l’année 2021, où les récoltes ont été incendiées, où des paysans ont été assassinés pendant leurs activités champêtres. C’est sur cette problématique que nous avons travaillé à la suite d’une enquête. Une enquête sur les différents champs calcinés, pour avoir une idée de l’impact sur la sécurité alimentaire. Mais l’impact est grand, il faut le reconnaître. Nous redoutons une crise alimentaire assez importante dans cette zone si rien n’est fait. On a vu que les initiatives militaires avaient été prises en 2021, en matière de sécurisation des champs. Donc, nous lançons un appel à l’endroit des autorités publiques, afin qu’elles prennent des dispositions pour davantage sécuriser les récoltes. Pour répondre, une fois de plus, à votre question, les difficultés liées aux travaux champêtres vont avoir un impact. Nous prédisons des difficultés alimentaires dans cette zone de l’office du Niger.

Désormais, la date du 14 janvier est instituée comme étant une journée de la souveraineté retrouvée au Mali, quelle est votre impression par rapport à cette décision ?

Vous savez, je suis nationaliste, nous sommes attachés aux valeurs de la nation, aux valeurs de souveraineté. Nous voudrons un Etat souverain, nous voudrons un pays indépendant. Donc, nous ne pouvons que saluer cette décision. Nous considérons cela comme un encouragement pour les futures autorités qui doivent venir après la transition. La direction prise par ce pouvoir, c’est une recommandation du peuple, pour faire en sorte que le Mali puisse être un Etat indépendant, un Etat souverain. Donc, nous avons salué cette décision du Président, qui fixe la journée du 14 janvier comme « Journée de la souveraineté retrouvée ». Mais, il ne faut pas que cela soit juste une appellation. Il y a un contenu à la souveraineté. Il faut que désormais, nous soyons indépendants, souverains sur le plan alimentaire, militaire et économique. Malheureusement, nous n’avons pas encore atteint le niveau supérieur de la souveraineté sur le plan hautement symbolique ou sur le plan sociologique. Mais nous pouvons espérer qu’avec le temps, si nous parvenons à rester dans la dynamique, nous allons pouvoir atteindre la souveraineté. Sinon à l’heure actuelle, c’est vrai que la journée a été déclarée « Journée de souveraineté retrouvée », mais il est important de préciser que pour le moment le Mali n’a pas encore atteint la souveraineté au sens propre du terme, même si des efforts sont en train d’être faits dans ce sens.

Réalisée par Hamadoun Alphagalo (de notre correspondant permanent au Mali)

Article du 29 décembre 2022 - 11:22pm
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