Laisse moi tes bêtises

Par Brandy MAMBOUNDOU / 02 aoû 2022 / 0 commentaire(s)

 

Généralement les hommes ne s'attardent pas sur certains détails même quand ça saute aux yeux. C'est un petit tout qui les met très souvent en colère intempestive, disons plutôt soudaine ou relativement brutale, sans rancune, parce qu'il ne s'agit dans l'ensemble que des petits problèmes dont l'autorité naturelle des dominants n'hésite pas à réprimander simplement.

Couverts de bons manteaux en sortant de l'hôtel, mon épouse et moi allions vers le marché de Dong Feng quand elle me fera remarquer que la route que nous traversions n'était plus la même que celle que nous avons traversée la veille à 21h en rentrant à l'hôtel. Je lui dis calmement et fermement : 
Arrête moi tes bêtises.
Et j'exprimai un dépit face à son insistance jusqu'à ce qu'elle me fit remarquer qu'il n'y avait plus de signalisation horizontale marquant le passage piétons. 
Je m'arrêtai un moment pour évacuer ce petit cas qui risquait de m'emballer l'esprit en début d'une longue journée.
Ooooh ! Fis-je voyant que la couche de bitume était toute neuve comme arrosée à l'huile.
Comment cela était-il  possible ? Voici le genre d'histoire qui pousse les sédentaires à dire facilement, à beau mentir qui vient de loin. 
Alors je voulus comprendre. 

La nuit suivante,  pas question de regarder les films à la télé sans son car ne comprenant pas un mot du chinois sauf le "hing hang" matinal des femmes de ménage. 
Depuis le 24ème étage, nous vîmes un attroupement se former autour des engins de chantier. On décida d'aller surplace dans le froid de la nuit, ce n'était pas loin de l'hôtel. On remarquera l'arrivée progressive des "ouvriers" avec ces gens on ne sait pas qui est qui, hommes et femmes chacun arrivait avec une pelle et se dirigeait d'abord dans une voiture où une soupe apparemment chaude était servie. 
On fit semblant de passer, mais je compris que c'était un chantier d'entretien routier sur une belle route dont la couche de bitume était décapée par un méchant engin quitte à me choquer. 
À la question de savoir à quoi ça tenait, le guide ivoirien me dira qu'ici, le goudron a une durée de vie au terme de laquelle il faut le remplacer. Et aussi, les travaux ont lieu la nuit pour éviter de perturber la circulation et par conséquent l'économie. 

Sans rien dire, je me dis que si le goudron était comme la friperie ou la brocante qui décorent les trottoirs  et marchés de Beyock ou Libreville, on aurait sûrement beaucoup et de belles routes d'occasion comme nos véhicules, engins, bateaux et avions. Et aussi pensais-je, en associant les chinois à la construction ou l'entretien routier chez nous, on se passerait des délais de 3 à 6 mois dans un scénario épars qui pour boucher un nid de poule même sur un raccourci de Mapane, voudrait qu'un premier engin coupant poussé à la main par un ouest-africain vienne faire des entailles dans le vieux bitume. 
Plus tard, un autre viendra vider le contenu du nid de poule de ses débris. Ainsi laissé ouvert, les pneus connaîtront leurs douleurs quant à cette épreuve face aux bords coupants du bitume. 
Enfin, un vieux véhicule d'occasion en forme de citerne viendra à une heure de pointe le matin ou à midi pour asperger ou remplir le trou avec du bitume avec en contrepartie une perturbation monstre de la circulation comme si indirectement il faudrait absolument que tout le monde sache que l'on s'occupe de la route.

Or au sortir de cette étape, le ressenti des usagers est tel qu'ils se demandent pourquoi les ouvriers de la construction routière n'ont pas cet instrument dit 'niveau" que les maçons et les menuisiers utilisent ? Parce qu'après ce pansement, la route en ressort gondolée. Soit une épreuve pour la suspension des véhicules dont les rotules et les amortisseurs, comme au lieu-dit Anciens Combattants ou Montagne Sainte chez LGM qui heureusement n'a pas de si petits soucis.

Sachant qu'il y a beaucoup de chinois chez nous, il est clair que celui qui a raconté chez lui le traitement réservé à la route chez nous a dû essuyer :
Arrête-moi tes bêtises.
Parce que, tout ce qui est inimaginable ici est inscrit dans l'élémentaire du normal chez eux. 
Et, tout ce qui est impensable chez eux, relève du quotidien normal chez nous.

Corneille OLLOMO EKOGA (citoyen gabonais)

Article du 2 août 2022 - 7:11pm
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