Le point mort

Par Brandy MAMBOUNDOU / 06 fév 2022 / 0 commentaire(s)

Corneille Ollomo Ekoga, ce citoyen gabonais, dans la tribune ci-après, invite ses lecteurs à un exercice réservé « aux esprits exercés ». Ceux-là qui, depuis leur tendre enfance, ont été élevés à interpréter et comprendre le sens des paraboles. A l’époque, par exemple, dans nos villages, pour faire passer un « type » message « Lepini », en Obamba (Haut-Ogooué), était utilisé. Nous y sommes ! A chacun sa compréhension entre « le point mort », « le chauffeur », « la voiture », « l’homme à côté du blanc »….Lecture ! 

J'ai appris à conduire en lisant le Code Rousseau, mieux il y avait une bonne épave de véhicule dans le voisinage, j'étais en classe de 4è au lycée technique. Il y a bien longtemps.

Le point mort était donc expliqué comme le niveau où aucune vitesse n'était engagée.

Allant ramper dans les sciences de gestion, le point mort sera expliqué comme le niveau où les charges fixes sont égales à la marge sur coût variable. 

C'est très compliqué face à un public de profanes, surtout avec l'intrusion des mathématiques.

Conclusion, retournons à la conduite automobile pour illustrer simplement le point mort.

Le point mort est une sécurité surtout avec des enfants éveillés ou imprudents à la maison. Alors, le contact peut bien être allumé sans que le véhicule n'avance d'un centimètre. À ce niveau, il apparaît comme un dispositif de maîtrise des risques d'accident.

C'est prudent.

Sauf que, même dans un show-room, un véhicule aura forcément besoin d'être déplacé. C'est-à-dire, engager une vitesse sans accélérer, parce que l'embrayage suffit à ce niveau.

Cependant, l'usage régulier d'un véhicule voudrait que l'on fasse de longues distances hors de chez soi. Dans ce cas, l'accélération s'impose pour une grande ou petite vitesse.

De fait, le point mort n'a plus lieu d'être, sauf dans les grands bouchons d'Akanda nécessitant de passer de longues minutes surplace en manque de routes censées faire respirer les grosses cylindrées qui empruntent ces petites routes pas très larges, et qui ont bouleversé les habitudes de vie des résidents dont le risque inhérent les oblige à aller au lit très tôt pour se lever avant 5h.

Pour nous, les villageois venus de loin, il est clair qu'on ne peut pas faire plus de 600km de route sans s'arrêter dans un bosquet pour se soulager.

Dans ce cas, à défaut de l'arrêter, on laisse le moteur tourner au point mort avec le frein à main tiré, parce qu'un véhicule tournant au point mort peut avancer sur une surface en pente. Dans cet autre cas, c'est le sauve-qui-peut dans un clando allant ou revenant du village avec femmes et enfants à bord.

Quelle peur !

Un véhicule en pente qui avance au point mort sans chauffeur est parti pour faire face à un éventail de risques tous graves, voire très graves.

Si la route est travaillée dans le respect des normes élémentaires de sécurité, le clando s'adossera violemment sur une glissière de sécurité. La carrosserie sera froissée avec bris de feux avant.

En l'absence de glissières de sécurité comme dans la zone montagneuse de Ndjolé par exemple, la fin de l'épreuve s'inscrira au fond d'un ravin avec la fin des vies dans une épave de véhicule.

En cas de croisement avec un autre véhicule de quel que gabarit soit-il, ce sera également la catastrophe. Une vraie conjugaison de malheurs que de croiser un véhicule sans chauffeur qui vous fonce droit dessus.

Personne ne voudrait vivre cela au monde.

A priori, c'est un risque de mort, parce qu'un véhicule roulant sans chauffeur au point mort sur une pente n'obéit à rien du tout. Il est sans contrôle comme un taureau sauvage dans une allée du marché de Mont Bouët. 

Imaginons la course des mères gabonaises qui vendent des bribes de denrées alimentaires à même le sol le long des trottoirs, dans leur propre pays. Même les policiers et les agents de la mairie qui leur pourrissent la vie vont courir.

Le sauve-qui-peut.

À ce niveau de risque, est-il nécessaire de s'occuper du chauffeur ou de le maudire ? Lui pourrait avoir pris la fuite dans la broussaille refusant seulement de vivre la suite des événements.

La vraie question est celle de savoir, qui est assis à côté du "blanc" c'est-à-dire à la cabine ?

Chez nous, les gens adorent la cabine, c'est honorable, c'est prestigieux, or c'est aussi le siège du risque et ses conséquences.

J'ai eu la responsabilité au cours d'un très long vol de briser une vitre et actionner les toboggans en cas de risque. Du coup j'ai manqué de m’enjailler au bon vin coulant. Parce qu'on ne joue pas avec une responsabilité engageant la vie des autres.

Il est donc clair que la responsabilité va avec un peu de lucidité.

Alors, un véhicule roulant au point mort sur une pente avec un chauffeur resté à faire pipi dans un bosquet, devrait avoir à son bord ou plutôt dans sa cabine, un homme lucide et courageux qui, même s'il ne sait pas conduire, peut tenir le volant et s'orienter vers la bonne direction. Car, si un véhicule au point mort n'est qu'une boule de pétanque sur une pente, il finira absolument par s'arrêter seul sur une surface stable. Ainsi, on pourrait avoir sauvé des vies, et le véhicule en dépit du cauchemar.

Pour les habitués de la conduite, on aurait spontanément tiré le frein à main qui s'il est défaillant comme dans tant de clandos, on prend les commandes.

La conduite automobile consiste également à assurer, la Protection des Personnes et des Biens.

Un tout nécessitant la prudence, et le courage face à la responsabilité dont la non-observation des normes est un risque élevé au volant d'un véhicule, d'une famille, d'une entreprise... ou d'un pays.

Corneille Ollomo Ekoga (Citoyen gabonais)

 

Article du 6 février 2022 - 4:00pm
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