En dénonçant le paiement de plus de 130 millions de Fcfa à deux entreprises sans le visa de la questure, le Vice-président de cette institution invite les enquêteurs de la Direction générale des Recherches « à fouiller » dans la gestion de « la bête politique », RNO. Une mise en cause inédite et salutaire.

Les Gabonais retiennent leur souffle. Et pour cause : on va juger si les discours sur la moralisation de la vie publique vont triompher de la real politique. De quoi s’agit-il ? Pour la première fois dans l’histoire du Conseil économique social et environnemental (CESE), un de ses membres – et non des moindres – alerte sur la « légèreté de gestion financière » au sein de l’institution. Et cela, en s’adressant directement à la Direction générale des Recherches (DGR), de sinistre mémoire. Une démarche pour le moins inédite. 

Simplement dit, Nicaise Moulombi, Vice-président du CESE relève les difficultés qu’il a rencontrées lors de la tenue de la session de cette institution, alors qu’il en assurait l’intérim. Il a eu toutes les peines à conduire les travaux dans un esprit apaisé. Pourquoi ? Ni plus ni moins, même s’il ne le dit pas explicitement, René Ndemezo’Obiang aurait fait décaisser, sans « le visa de la questure », une somme de plus de 135 millions de Fcfa pour des travaux, dit-on, fictifs. Ce qui est extrêmement grave voire très grave. 

Dans les pays sérieux, attachés au respect de la loi, cette « dénonciation gravissime » ferait trembler les murs de la République. D’autant plus que, depuis bien des années, le pouvoir en place vocifère à la cantonade de : « mettre fin à la corruption et à l’enrichissement illicite » ; « promouvoir les pratiques vertueuses dans le fonctionnement de la République » ; « construire un nouveau modèle de société avec des hommes responsables »… Francis Nkéa Nzigue pourrait même bientôt recevoir une récompense aux « Nuits de la Musique », tellement il excelle dans ce refrain qu’il reprend a capella dès que se présente un micro.

Porte en tipoye Nicaise Moulombi

Au reste, en attendant la suite de cette affaire, la clameur populaire porte en tipoye Nicaise Moulombi, dont le geste noble est appelé à faire école dans d’autres administrations. Grâce à son action, la lumière va pouvoir se faire sur ce dossier. Pas tout à fait, tempèrent plusieurs observateurs qui restent sceptiques face à cette situation inédite. René Ndemezo’Obiang n’est pas n’importe qui dans ce pays. On voit mal Ali Bongo donner son accord pour diligenter une enquête, puis autoriser des poursuites contre son allié. Le risque de voir celui-ci user davantage de chantage pour repartir dans l’opposition est trop grand, quoique sans réel danger. Mais sait-on jamais.

Dès lors, les insinuations ne manquent pas parmi certains Gabonais, très informés du fonctionnement de leur pays. Aussi, doutent-ils que pour des faits qui se sont passés au mois de mars dernier, Nicole Mouloumbi ait pu se lever de son propre chef et s’en prendre à René Ndemezo’o Obiang. Ces compatriotes y voient plutôt la main invisible d’Ali Bongo, à travers Yves Fernand Manfoumbi (le parent de Nicaise Moulombi) pour affaiblir l’ancien président de l’ex Démocratie nouvelle. Ainsi, RNO ravalerait ses prétentions obstinées à la Vice-présidence de la République et deviendrait un béni-oui-oui oui à la merci d’Ali Bongo, désormais assuré de le tenir. Pour d’autres, Ali Bongo est devant l’urgence de montrer aux Gabonais que la vertu dont il parle est loin d’être une vue de l’esprit. Il a là l’un des meilleurs moyens de prouver aux yeux du monde que « nul n’est au-dessus de la loi », comme il le dit lui-même.

Approché par La Loupe hier matin, pour réagir à cette affaire dans laquelle il est impliqué, l’un des prestataires incriminés a estimé qu’il n’avait « rien à dire. Il faut vous rapprocher du CESE ». Dans tous les cas, la croisade de Nicaise Moulombi ne restera pas sans suite.

Dess BOMBE