Parlement : La faute morale qui discrédite les députes.

Par Brandy MAMBOUNDOU / 29 juin 2021 / 0 commentaire(s)
Les députés ont voté en catimini un Code du travail trop favorable aux employeurs.

Sans avoir eu l’élégance de prendre en compte l’avis motivé des syndicats, qui les avaient pourtant saisis en bonne et due forme, les députés ont voté un projet de Code du travail très controversé. La mouture que le gouvernement a transmis à l’Assemblée nationale n’était pas celle qui est sortie du dialogue social financé à grands frais par le contribuable. Les députés sont-ils au service du peule, majoritaire, que représentent les masses laborieuses, ou de la minorité que constitue un exécutif manifestement sous l’influence du patronat ?

Ce 18 juin, une dizaine de syndicats adressaient un mémorandum aux députés et aux sénateurs, par le canal du président de l’Assemblée nationale, Faustin Boukoubi, et du président du Sénat, Lucie Milebou Aubusson Mboussou, pour dénoncer des dispositions non consensuelles dans le projet de révision du Code du travail que leur avait soumis le gouvernement. Au-delà, les travailleurs pointaient des dispositions en violation flagrante des prescriptions des conventions du Bureau international du travail (BIT) et de l’Organisation internationale du travail (OIT) pourtant ratifiées par le Gabon. Il n’échappe pas à Faustin Boukoubi, député sans discontinuer depuis quatre législatures, que les conventions internationales sont au-dessus de la législation nationale.

Il n’y avait pas urgence, comme les syndicats l’ont fait remarquer aux élus et comme tout observateur objectif peut en convenir. S’il est tout à fait normal d’adapter un texte de loi à l’air du temps, force est de reconnaître que le Code du travail en vigueur jusque-là, qui a du reste fait l’objet d’amendements depuis 1994, ne représente pas une entrave au bon fonctionnement du monde du travail. Il n’est à l’origine ni du taux criant du chômage des jeunes (35 % selon la Banque mondiale) ni de la baisse de l’activité économique. Qu’est-ce qui explique donc la précipitation des députés, à quelques jours de la fin de la première session ordinaire du Parlement ?

Si au moins le texte que leur a soumis la ministre du Travail et de l’Emploi, Madeleine Berre, emportait l’adhésion de toutes les parties prenantes au dialogue social, la célérité des députés aurait été bien perçue. Or, ces parlementaires donnent l’impression de s’aplatir devant un exécutif sous l’influence des puissances financières. Dans leur mémorandum, abondamment documenté, les syndicats faisaient en effet la démonstration que le projet de Code du travail était trop favorable aux employeurs.

Ancienne présidente de la Confédération patronale gabonaise, la ministre du Travail et de l’Emploi est-elle le cheval de Troie du patronat au sein de l’exécutif ? A quoi a donc servi le dialogue social si ce n’est à donner à la communauté internationale une impression d’ouverture et à piéger les partenaires sociaux ? Tout compte fait, le dialogue social a permis de faire passer un projet de Code du travail élaboré ailleurs.

En cédant à l’exécutif sur une matière aussi sensible, l’Assemblée nationale s’est rayée de la liste des voies de recours, des institutions de médiation. Son président a ainsi perdu la sympathie des travailleurs qui, fuyant les gaz lacrymogènes des policiers, allaient se jeter dans ses bras. Bien que Faustin Boukoubi ait la réputation d’être un homme consensuel, l’institution qu’il dirige n’en finit plus de s’illustrer par des lois « clivantes ». La dépénalisation de l’homosexualité est restée en travers de la gorge de la majorité des Gabonais.

Seulement, et les syndicats ont pris le soin de le souligner, quand les gens ne savent plus à quel saint se vouer, toutes les hypothèses sont sur la table. A qui profite un front social en permanence en ébullition ? Est-ce de nature à ne pas « désagréger le vivre ensemble » ?

Le sursaut viendra peut-être de la Cour constitutionnelle, à qui les syndicats ont adressé une copie de leur mémorandum.

 

Brandy MAMBOUNDOU

Article du 29 juin 2021 - 2:45pm
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