Le recours systématique aux commandes d’appels d’offres « internationaux » par l’Etat gabonais, solution ou problème ?

Par Nicolas NDONG ESSONO / 19 mar 2021 / 0 commentaire(s)
willy Ontsia

Pendant que des pays africains tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Equatoriale accumulent les infrastructures haut de gamme, pourquoi le Gabon reste encore au stade de projets ?

L’une des raisons est que la commande publique d’études factices et de missions d’audit surfacturées et classées sans suite demeurent encore un des filons surexploité par les administrateurs de crédits de l’administration publique.

Sans aucun lien direct avec ce qui précède, je m’interroge sur les raisons qui ont conduit le nouveau ministre de l’Economie à annoncer, le 10 février 2021, le lancement d’un appel d’offres international pour la sélection d’un cabinet d’audit étranger en vue de contrôler la bonne gestion financière des fonds alloués au COPIL Covid-19, et ceci alors que le Gouvernement vient de créer récemment un nouvel organisme étatique spécialisé appelé « Autorité nationale de vérification et d’audit » par ordonnance N*001/PR/2020 du 14 août 2020 ?

Autrement dit, pourquoi le nouveau ministre de l’Economie préfère recruter un cabinet d’audit « international » budgétivore alors que le gouvernement supporte déjà le coût d’entretien de multiples organes internes de contrôle tels que l’Agence nationale de vérification et d’audit {ANVA}, la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite {CNLCCEI}, la Cour des comptes {CD}, l’Agence nationale d’investigation financière {ANIF}, l’Inspection générale des services {IGS}, etc. ?

Sur le plan de la bonne gouvernance et de la maîtrise des charges publiques, étant entendu que les recettes publiques fiscales et douanières sont en baisse, en raison de la crise économique et sanitaire, cet appel d’offres « international » ne se justifie pas car, choisir un cabinet étranger budgétivore s’apparente à jeter de l’argent public par la fenêtre, puisque les officines publiques nationales et les cabinets privés résidents disposent largement de l’expertise requise pour conduire cette mission d’audit à moindre coût. Sur le plan macroéconomique et monétaire, vu que nos réserves de change sont faibles en raison de la crise, choisir un cabinet étranger équivaut à une importation de service qui devra être payée en devises étrangères, c’est-à-dire en euro ou en dollar, ce qui aura pour effet de réduire notre stock de réserves de monnaies étrangères, qui devraient être prioritairement affecté à l’importation de biens et services non disponibles au Gabon, tels que les respirateurs pour les malades du Covid-19.

Comme alternative efficiente, je propose à notre nouveau ministre de l’Economie de surseoir à cet appel d’offres « international » et de privilégier une mission d’audit « nationale » mixte conjointe, conduite de manière tripartite par les agences spécialisées de l’Etat, à savoir l’Agence nationale de vérification et d’audit {ANVA}, la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite {CNLCCEI} et la Cour des comptes {CC}.

Cette solution aurait pour avantage d’atteindre les objectifs attendus en mutualisant les moyens humains et techniques d’audit à la disposition de l’Etat, et ceci sans dépenser des sommes astronautiques en appelant un cabinet « international » rémunéré à coût de milliards FCFA, comme ce fut le cas avec le cabinet international McKinsey pour l’étude hors de prix et sans suite sur la pauvreté, ou celui payé à un cabinet étranger pour l’élaboration du Plan stratégique Gabon émergent {PSGE} dont le bureau de coordination a fini par être supprimé. Dans le cas où cette première solution n’aurait pas l’assentiment du nouveau ministre de l’Economie, je suggère une deuxième solution, celle de recourir à un appel d’offres « national » pour la sélection d’une société locale ou d’un consortium de plusieurs cabinets d’audit, afin de soutenir les opérateurs économiques résidents, durement affectés par la récession économique. Le Gabon est notre bien commun, nous n’avons pas un autre pays de rechange, faisons ce qui est juste et bon pour notre patrie. Aussi, dirais-je « cherchons avant tout la richesse collective de la nation tout entière et le reste nous sera donné équitablement en partage. »

*Expert-financier

willy ONTSIA

Article du 19 mars 2021 - 2:22pm
Article vu "en cours dév"

Nombre de Commentaires (0)

Faites un commentaire !