Nicaise Otounga : « NOUS SOMMES EN GRÈVE GÉNÉRALE ILLIMITEE avec un service minimum de 7h30 à 9h »

Par Nicolas NDONG ESSONO / 12 jan 2022 / 0 commentaire(s)
Nicaise Otounga, président de la Fédération des Collecteurs des Régies Financières (FECOREFI)

Telle est la précision apportée par le président de la Fédération des Collecteurs des Régies Financières (FECOREFI) dans cet entretien qu’il nous a accordé dimanche dernier à Libreville. Aujourd’hui, sans connaître les raisons, la situation reste toujours floue au sein des mamelles de l’Etat. Ça craint ! 

Propos recueillis par vichanie Mamboundou

Gabonclic.info : Le message à la Nation, le 31 décembre dernier, du président de la République, Ali Bongo a été diversement interprété par les Gabonais. Au scanner de votre regard syndical, que peut-on retenir de cette intervention ?

Nicaise Otounga : Avant de répondre à votre question, permettez-moi un petit rappel. Le vendredi 16 octobre 2009, pour son premier septennat et pour le second, le mardi 27 septembre 2016, le chef de l’Etat - devant Dieu et devant les Hommes - a prêté serment en ces termes : « Je jure de consacrer toutes mes forces au bien du Peuple Gabonais, en vue d'assurer son bien-être et de le préserver de tout dommage, de respecter et de défendre la Constitution et 1'Etat de droit, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge et d'être juste envers tous » (article12, L.47/2010 du 12 janvier 2011). Voilà pour les faits, voilà pour l’histoire.

Pouvez-vous concrètement répondre à notre question ?

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Nicaise Otounga face à Gabonclic.info.

J’en viens ! Vous me demandiez ce que nous pouvons retenir du dernier message à la Nation du chef de l’Etat. Ni plus ni moins, nous y avons perçu un déni de la réalité vécue par les Gabonais. Nous avons suivi, pantois, interloqué, hébété, ahuri, pour ne pas dire plus, un président de la République complètement déconnecté de la réalité quotidienne de ses compatriotes pour lesquels il a juré « protection et bien-être ». Ce discours aux antipodes des codes présidentiels interroge tout le monde sur la main qui l’a rédigé et ses ambitions.

En filigrane, et pour tout vous dire, sincèrement ce discours est à oublier au nom de la cohésion sociale et de l’unité nationale, si chères aux pères fondateurs de cette Nation.

Sincèrement, pensez-vous qu’au sommet de l'Etat il y a une réelle volonté de trouver des solutions aux problèmes des Gabonais en général, et partant à ceux des Régies Financières en particulier ?

En écoutant le discours du président de la République, chef de l’Etat, nous nous rendons compte que la volonté d’un retour à la normalité au Gabon n’est pas évidente, encore moins dans les Régies Financières.

Comment peut-on ainsi induire en erreur le chef de l’Etat ? N’est-ce pas là une volonté manifeste d’opposer le président de la République à ses compatriotes ? À qui profite le crime, pourrait-on se demander ?

Que préconisez-vous, dès lors que le chef de l’Etat a estimé que vous êtes « des irresponsables » ?

Les choses sont claires, dès lors que nous sommes jugés « irresponsables », comment entreprendre une quelconque négociation avec ceux qui sont « responsables » ?

Pour ce qui est de la Fédération des Collecteurs des Régies Financières (FECOREFI) dont je suis le président, nous ne jugeons plus nécessaire de discuter avec eux dans la mesure où toutes les démarches entreprises sont froidement reléguées aux facéties.

Et cela nous pousse à nous demander qui est responsable des détournements, des malversations et du dysfonctionnement de l’appareil étatique, si nous nous sommes des irresponsables ?

Est-ce imaginable que le chef de l’Etat puisse traiter les enseignants d’irresponsables ? Ces braves dames et messieurs qui abandonnent toutes commodités pour construire l’avenir de notre pays à Ndindi, Mimongo, Ndangui, Mabanda, Matsatsa, Kessipougou, etc… sans salaire, ni intégration encore moins de titularisation, sont-ils vraiment irresponsables ?

Les agents des Régies Financières qui ont toujours atteint, voire dépassé les objectifs budgétaires prescrits, répondu favorablement à l’appel de la Nation, sont-ils réellement irresponsables ?

Si les fonctionnaires ne sont pas payés, est-ce du fait des grèves légitimes qui mettent à jour les dysfonctionnements de nos administrations ou des malversations et détournements impunis métastasés dans nos administrations ?

Ce discours nous rappelle que seule la lutte libère.

Pour une rare fois, les différents protagonistes dans le bras de fer entre le Gouvernement (ministres du Budget, Economie et Pétrole) et les syndicalistes sont des Gabonais de souche. Pourquoi, dans ce cas, n’arrivez-vous pas à trouver une solution ? Est-ce encore la faute à l’étranger ?

Le Gabonais n’aime pas son pays, sinon ce spectacle n’existerait pas au sein des Régies financières.

Selon l’un des membres du Gouvernement, « les syndicalistes des Régies financières se préoccupent plus de l’argent que de leurs conditions de travail. Notamment le manque de bureaux qui pousse certains agents au « travail buissonnier », et surtout le climat délétère entre collègues de ces administrations ». A-t-il tort de faire cette observation ?

C’est triste de constater que ceux qui sont choisis par le chef de l’Etat pour mettre en musique sa vision politique trahissent allègrement sa confiance.

Quelle est la conséquence de la prise en compte des résultats des audits réalisés en 2017 sur le fichier du personnel et des primes ? Avoir les effectifs réels et les utiliser. Ces opérations d’audit nous avaient permis de constater qu’une grande partie des agents ne disposent même pas de poste de travail, encore moins de fiche de poste. Pour ceux qui disposent de poste de travail, tous ne sont pas utilisés comme il le faut.

Des recommandations avaient été faites, personne dans ce gouvernement n’en a tenu compte.

Cela est réducteur de penser que les agents des Régies Financières n’ont de seules revendications que celles liées à l’argent.

Pour bon nombre de vos adhérents, les palabres autour des primes ont provoqué leur instabilité sociale, ruiné leur foi en l’avenir, détruit leurs foyers, fait perdre leur confiance en eux, réduit certains à la mendicité…Avez-vous conscience de cette situation ?

Exactement. Une grande partie des agents ne sont pas intégrés dans la Fonction publique et de ce fait ne vivent que de la prime. Comment font-ils pour vivre lorsque le Gouvernement décide de les priver de ce revenu ? Certains sont même affectés à l’intérieur du pays avec femme et enfants ; comment font-ils pour assurer les besoins les plus élémentaires de leur famille ?

Pour ceux qui sont fonctionnaires, la solde mensuelle doit supporter les crédits bancaires, les charges inhérentes à la police d’assurance maladie, etc…

Oui, le Gouvernement fait sciemment assombrir les ambitions des agents des Régies Financières.

Grève par ci, colère dans les bureaux par-là, images de Gabonais devenus malheureux partout, cafouillage au sommet de l’Etat… Le Gabon de demain existe-t-il vraiment ?

(L’air grave) Ordo ab chaos, l’ordre vient du chaos. Les « responsables » de cette situation chaotique doivent comprendre qu’ils paieront le prix fort de leur félonie, et que le Gabon immortel leur survivra grâce aux véritables patriotes qui portent l’idéal d’un Gabon meilleur, pour tous et pour chacun.

Pourquoi, selon vous, le Gabonais est un loup pour le Gabonais ?

(Rires) Comment concevez-vous que dans notre pays on a réduit volontairement la population à la mendicité ? Le pays des dons (rires). Don de pharmacie ici, de kits alimentaires là, de kits scolaires d’un côté ou des cadeaux de l’autre côté. Tout ce spectacle nous interpelle sur la réelle volonté des tenants du pouvoir à résoudre durablement les problèmes des populations.

Qu’ils mettent en place un nouveau département ministériel qui correspondra parfaitement à leur vision : « le ministère de la main tendue » (rires).

Après plusieurs mois assis à la maison, dès ce lundi 10 janvier 2022, les agents des Régies Financières doivent-ils toujours observer le mouvement de grève générale ?

NOUS SOMMES EN GRÈVE GÉNÉRALE ILLIMITEE avec un service minimum de 7h30 à 9h.

Monsieur le président de la FECOREFI, pour permettre aux uns et aux autres d’avoir le même niveau d’information, quelle est la consigne ?

La consigne est claire : nous sommes en grève générale illimitée et le service minimum doit être vigoureusement et scrupuleusement respecté.

Votre mot de fin ?

Que cela soit dit et redit : notre action ne vise personne. Nous voulons simplement un partage équitable du fruit collectif, une considération due à chaque être humain, des conditions de vie et de travail décentes…Nous aspirons, au même titre que les membres du gouvernement, au bien-être. Ils ne sont pas nos ennemis. A ce titre, pour nous permettre de sortir définitivement de la situation délétère actuelle au sein de nos administrations, de part et d’autre nous devons avoir le courage d’organiser « les états généraux des Régies financières », pour repartir de l’avant. Le Gabon, c’est notre pays à tous et non la propriété d’un petit groupe. Nous avons l’obligation de le sauver.

Que Dieu veille sur chacun de nous et éveille en nous le sursaut Patriotique pour notre Pays le Gabon !

Article du 12 janvier 2022 - 11:09am
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